La rotation du pouvoir en Roumanie
Un événement inédit a eu lieu en juin, sur la scène politique de Roumanie. Un an et demi avant les élections parlementaires, le premier ministre, le libéral Nicolae Ciuca, a démissionné dans le cadre de la rotation du pouvoir convenue par le PNL et le PSD
Corina Cristea, 07.07.2023, 07:32
Un événement inédit a eu lieu en juin, sur la scène
politique de Roumanie. Un an et demi avant les élections parlementaires, le
premier ministre, le libéral Nicolae Ciuca, a démissionné dans le cadre de la
rotation du pouvoir convenue par le PNL avec le PSD, au terme d’un accord
politique signé en novembre 2021. À son tour, le leader social-démocrate Marcel
Ciolacu a été nommé pour former un nouveau gouvernement. Une grande partie du
nouveau cabinet est le même que celui dirigé par l’ancien premier ministre
libéral Nicolae Ciuca, aujourd’hui président du Sénat. Mais puisque l’UDMR a
décidé de quitter la coalition au pouvoir, ses ministres ont été écartés.
En parlant de ses priorités gouvernementales, Marcel
Ciolacu a affirmé vouloir réduire l’inflation, accroître le pouvoir d’achat et
majorer le budget alloué aux investissements. Son gouvernement souhaite privilégier
les réformes et l’économie, afin que les résultats deviennent visibles et que
les Roumains puissent en profiter. La preuve d’une bonne gouvernance est la
baisse de l’inflation et des prix des denrées alimentaires, a affirmé M.
Ciolacu. Mon cabinet souhaite booster aussi l’agriculture, le BTP et l’énergie,
trois branches qui, de mon point, font la différence dans les yeux de la
population, a lancé le premier ministre social-démocrate.
Invité à Radio Roumanie, le professeur des universités
Andrei Țăranu a fait fin juin, une radiographie de l’échiquier politique de
Bucarest.
« La Roumanie a eu, si vous me permettez, un certain
ascendant sur les pays de l’Europe centrale et de l’Est. Cette rotation du
pouvoir qui est, avouons-le, une idée insolite, s’est avéré un modèle à succès
puisqu’elle a offert au pays un plus de stabilité politique. C’est ce qu’on
nous a laissé croire. Par exemple, la Macédoine du Nord s’est dit intéressée
par le compromis politique choisi par la Roumanie. Si lors des élections en
Grèce, Mitsotakis n’avait pas obtenu la majorité, le modèle roumain aurait pu
être une solution. »
Pour la Roumanie, 2024 sera une année électorale par
définition, avec des élections parlementaires, présidentielles et
europarlementaires. Voilà pourquoi, l’électorat a les yeux rivés sur la scène
politique, en proie à des changements permanents, précise Andrei Țăranu :
« Il y a, bien évidemment, des partis qui ont le
vent en poupe, notamment les partis d’extrême droite. Après, il y en a d’autres
en chute libre et qui essaient de grimper à tout prix dans les sondages. Voilà
pourquoi, ça chauffe en Roumanie, non seulement du point de vue météorologique,
mais politique aussi. On est à moins d’un an des élections, puisque le 6 juin
prochain, la Roumanie organisera le scrutin euro parlementaire qui marquera le
coup d’envoi de la grande bataille électorale. Les euro-parlementaires sont
importantes surtout parce qu’elles donnent l’occasion aux partis de voir leur
position sur l’échiquier politique. Or, à en croire les sondages, on a déjà des
partis qui ne se portent pas bien du tout. »
Pour les deux partenaires de la coalition au pouvoir, le
PSD et le PNL, cet été ne sera pas synonyme de la tranquillité et du repos,
avertit Andrei Ţăranu sur les ondes de Radio Roumanie :
« Malheureusement, le modèle politique mis en place
par la Roumanie, les années de pandémie et d’autres facteurs tout aussi
problématiques s’ajoutent à la crise qui se propage partout dans l’UE. Avoir
une Allemagne avec un taux d’inflation de plus de 9%, c’est du jamais vue
depuis la Deuxième Guerre mondiale ! Or, puisque nombre de marchés
européens y compris celui roumain, dépendent de Berlin, la situation est pleine
d’incertitude. Voilà pourquoi, les responsables politiques devraient agir
rapidement, notamment pendant les mois d’été, pour trouver des politiques
publiques censées endiguer les grandes crises. Souvenez-vous de l’année 2010,
quand des tensions sociales et des mouvements de protestation ont éclaté en
Roumanie. Voilà pourquoi, le gouvernement Ciolacu n’aura pas un mandat simple
ni du point de vue économique, ni du point de vue électoral ou
politique. »
Dans un message, le chef de l’Etat, Klaus Iohannis, a
transmis aux ministres du cabinet Ciolacu que les prochains mois seront
difficiles, avec de nombreux problèmes à résoudre. Pourtant, Iohannis se dit
confiant que l’actuel gouvernement soit capable de préserver la stabilité, tout
en faisant preuve d’efficacité comme son prédécesseur. Il nous reste encore un
an et demi pour trouver des solutions aux problèmes auxquels le pays se
confronte, avant d’entamer une période électorale qui sera un véritable défi
pour la société. A part les quatre scrutins électoraux qui marqueront l’année
2024, le pays a besoin d’un gouvernement responsable, a encore affirmé le
président roumain qui a rappelé que la rotation du pouvoir, une première en
Roumanie, s’est déroulée rapidement et sans problèmes.