La nouvelle architecture de sécurité et des relations internationales du 21e siècle
Une année après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, Vladimir Poutine
martèle encore et toujours que l’enjeu principal de cette guerre est la survie
de la Russie en tant qu’Etat souverain. Devant un parterre d’ouvriers de l’industrie
russe d’aviation militaire, le maître du Kremlin avait repris sa vieille rengaine
au sujet des intentions occidentales d’anéantir la Russie. Il ne s’agit pas d’une
mission géopolitique, avait-il martelé à l’occasion, mais d’une mission de
survie, censée assurer les conditions du développement futur du pays, tout en accablant
l’Occident d’instrumentaliser l’Ukraine contre la Russie. Pour ce qui est de l’Ukraine,
M Poutine avait réitéré combien la Russie n’avait ménagé pendant des décennies aucun
effort pour maintenir de bonnes relations avec ce pays, avant que les choses ne
basculent, lors de ce qu’il continue d’appeler « le coup d’Etat fomenté
par l’Occident en 2014 ». Ce n’est sans doute pas la dernière, et
certainement pas la première fois que le leader russe donne cette version de
faits, reprise d’une réalité parallèle.
Corina Cristea, 14.07.2023, 10:21
Une année après le début de l’invasion russe de l’Ukraine, Vladimir Poutine
martèle encore et toujours que l’enjeu principal de cette guerre est la survie
de la Russie en tant qu’Etat souverain. Devant un parterre d’ouvriers de l’industrie
russe d’aviation militaire, le maître du Kremlin avait repris sa vieille rengaine
au sujet des intentions occidentales d’anéantir la Russie. Il ne s’agit pas d’une
mission géopolitique, avait-il martelé à l’occasion, mais d’une mission de
survie, censée assurer les conditions du développement futur du pays, tout en accablant
l’Occident d’instrumentaliser l’Ukraine contre la Russie. Pour ce qui est de l’Ukraine,
M Poutine avait réitéré combien la Russie n’avait ménagé pendant des décennies aucun
effort pour maintenir de bonnes relations avec ce pays, avant que les choses ne
basculent, lors de ce qu’il continue d’appeler « le coup d’Etat fomenté
par l’Occident en 2014 ». Ce n’est sans doute pas la dernière, et
certainement pas la première fois que le leader russe donne cette version de
faits, reprise d’une réalité parallèle.
Le professeur Iulian Chifu, spécialiste de l’espace
ex soviétique et auteur de l’ouvrage intitulé « La nouvelle architecture
de sécurité et des relations internationales du 21e siècle » offre sur
les ondes de Radio Roumanie son analyse au sujet des dernières évolutions de
cette zone de turbulence que nous traversons aujourd’hui dans les relations
internationales. Iulian Chifu :
« Ce que Mikhaïl Gorbatchev n’avait pas pu
prévoir, et n’avait pas su négocier lorsque la réalité s’est présentée devant lui,
a été le délitement de l’Union Soviétique. Le fait qu’une fois libérés de la
prison des peuples, ainsi qu’était considéré à l’époque l’Union Soviétique, les
nations qui la composaient allaient essayer de retrouver leur identité, et de suivre
leurs propres voies. La chute de l’Union Soviétique a été un processus naturel.
Le régime communiste s’est accroché jusqu’au bout, jusqu’au délitement de cet
Etat mosaïque artificiel, contrôlé et maintenu par la force et la terreur de l’idéologie
totalitaire. Et dans mon ouvrage, je pose ces questions : Dans quelle
mesure pourrait survivre le régime de M Poutine à une défaite en Ukraine ?
A quoi va ressembler la Russie post Poutine ? Et pour essayer d’apporter
un début de réponse à ces questions, j’avais bien évidemment lu bon nombre d’analyses
traitant du sujet, avant de forger ma propre analyse. Et mon livre démontre, je
crois, que M Poutine n’est pas en mesure de survivre politiquement à une
défaite en Ukraine. Certaines informations en provenance de différents services
de renseignement laissent même entendre que l’on est en train de réfléchir à sa
succession. A une succession qui adviendrait non pas à la suite des révoltes
populaires, mais qui serait plutôt assurée depuis l’intérieur du régime, une
succession donc censée assurer justement la survie de ce dernier, après avoir
remplacé le fondateur. C’est un peu ce qui s’était passé lors du débarquement
de Nikita Khrouchtchev par le Comité central du parti communiste de l’URSS, et
son remplacement par un proche, qui faisait partie du premier cercle du pouvoir ».
Aussi, selon le professeur Iulian
Chifu, Vladimir Poutine ne pourrait être renversé et remplacé que par l’un de
ses proches collaborateurs, dans ce qui pourrait être une tentative censée
sauver le régime. Dans son ouvrage, le professeur Chifu rappelle aussi la situation
désastreuse des militaires russes, jetés en chair à canon dans les premières
lignes de cette guerre affreuse, dont ils ne connaissent ni les tenants, ni les
aboutissants, alors qu’ils sont munis d’armes fabriquées il y a 80 ans. Et si
les Ukrainiens ne disposent pas encore d’armes et de munition en suffisance
pour compenser de manière décisive la supériorité numérique russe, il n’en est
pas moins vrai qu’une année après le déclenchement de la soi-disant « opération
spéciale » en Ukraine, le régime Poutine s’évère incapable de fournir,
fut-ce à usage interne, une narration sensée et crédible qui puisse justifier
cette guerre insensée.
Mais dans cette équation géopolitique extrêmement
tendue, il ne faut surtout pas, selon le professeur Iulian Chifu, sous-estimer
le rôle et les intérêts de la Chine :
« Là où le bât blesse pour
M. Poutine c’est que la puissance a changé de camp au niveau global. L’on est
passé d’un monde bipolaire, un monde régenté par les deux superpuissances de la
guerre froide, à un monde qui compte deux grandes puissances et plusieurs
puissances régionales, mais la Russie ne se retrouve plus parmi les deux
premières. Les grandes puissances d’aujourd’hui sont les Etats-Unis et la
Chine. Et cela fait mal, compte tenu des ambitions nourries par M Poutine et par
les Russes en général, abreuvés depuis toujours à l’idée d’un monde où ils
doivent jouir des zones d’influence. Le président chinois, Xi Jinping, représente
une puissance en plein essor, une puissance qui aspire à devenir un leader qui
pèse au niveau global. Pour la Chine, M Poutine est un acteur de seconde zone,
un partenaire de circonstance, mais qui crée du désordre. Pékin avait envoyé un
message assez clair à Moscou, il ne s’agit pas d’une proposition d’issue au
conflit à proprement parler, mais elle avait quand même posé quelques jalons, dicté
quelques principes, censés clarifier la position chinoise au sujet de la guerre
en Ukraine. Il s’agit, primo, de la non-utilisation de l’arme nucléaire et,
secundo, finir cette guerre au plus vite. »
Pourquoi ? Eh bien, parce que, selon le professeur Chifu, fut-ce
de manière indirecte, cette guerre est dommageablepour la Chine. La Chine de Xi Jinping tire sa puissance
de la croissance de son économie. Et pour cela, pour poursuivre sur cette
lancée, sans faire trop de vagues, elle a donc besoin de paix et de stabilité. Si
la Russie provoque du désordre au niveau mondial, la Chine a des problèmes. Les
intérêts et les visions de M Xi et de M Poutine divergent donc profondément. (Trad. Ionut Jugureanu)