La mission Artémis
Ionuț Jugureanu, 06.01.2023, 12:04
Profitant d’une fenêtre d’opportunité, la NASA avait
lancé cet automne la mission Artémis 1, censée marquer le retour des êtres
humains sur la Lune. Artémis 1 constitue surtout un vol d’essai, non habitable.
Le 19 novembre passé, après plusieurs tentatives infructueuses, la nouvelle
fusée géante de la NASA, intitulée SLS (Space Launch System, le Système de
lancement spatial), avait finalement lancé vers la lune la capsule Orion. Ce n’est que le 21 novembre dernier, après avoir
franchi 400.000 kilomètres, qu’Orion approche l’orbite lunaire, se stabilisant à
128 kilomètres du sol lunaire. Revenue depuis sur Terre, atterrissant au large
de la Guadalupe, la mission a été couronnée de succès, démontrant la
capacité de la capsule d’opérer dans l’espace profond, à des températures extrêmement
basses, démontrant encore les capacités de la navette et de la capsule de
revenir sans encombre sur terre. Invité
sur les ondes de Radio Roumanie, Alexandru Mironov,
journaliste et écrivain de science-fiction et spécialiste des problématiques de
l’espace, détaille l’importance de la mission Artémis :
« Cela
faisait un demi-siècle depuis que l’homme n’a plus mis le pied sur la Lune. Et
là, on y revient. Artémis, c’est surtout pour être sûrs que l’on dispose d’une
fusée suffisamment puissante pour franchir cette distance. La capsule a été
lancée, elle a fait deux ou trois fois le tour de la terre pour accélérer, avant
de s’envoler vers la Lune. Là, elle a tourné autour de notre satellite naturel,
avec des mannequins à son bord, qui imitaient la présence des humains, avant de
rentrer, 26 jours après son décollage, sur terre. Une mission rondement menée. »
Sans
astronautes à son bord pour l’instant. Pour ne prendre aucun risque. Alexandru Mironov :
« Une
nouvelle mission, Artémis 2, sera lancée l’année prochaine. Elle reprendra à l’identique
le plan de vol de la première mission, mais en embarquant cette fois 4
astronautes à son bord, dont une femme. La capsule va tourner autour de la Lune,
ils seront à deux pas du sol lunaire, et ce sera frustrant de ne pas pouvoir le
franchir. Ils verront certes la terre apparaître derrière la lune, mais ils ne
pourront pas descendre sur la Lune. Ce sera l’objectif d’une mission ultérieure,
peut-être dans deux ans, mais je crois que ce sera plutôt dans trois ans. Maintenant,
il ne s’agira plus simplement de prouver qu’on peut faire cela, fouler le sol
lunaire de nos pieds, comme c’était le cas lors du programme Apollo. Là, nous
iront carrément à la conquête de la Lune. Trouver les minerais enfouis dans son
sol, identifier les meilleurs moyens pour la coloniser peut-être, utiliser l’eau
de ses glaciers, enfin essayer de nous approprier la Lune. Il y a d’ailleurs
aussi le plan de construire une sorte de chantier gigantesque, sous la forme d’un
satellite qui gravite autour de la Lune, et à partir duquel les navettes
spatiales pourront décoller plus loin, avec très peu d’effort, vers Mars par
exemple. Il y a eu déjà un précédent : la sonde Orion, qui a suivi ce
trajet, et qui a été lancée par une fusée géante. Cette fusée, c’est l’affaire
de la NASA pour l’instant. Mais à l’avenir, il s’agira d’un partenariat public/privé
sans doute. Elon Musk sera certainement de la partie. »
La
sonde spatiale Orion avait été
lancée en 2014, propulsée par la fusée Delta IV, et a fait deux fois le tour de
la Terre pour tester notamment les qualités de son scout thermique au moment où
elle allait franchir l’atmosphère. Cette fois en revanche la vitesse avec
laquelle elle est rentrée dans l’atmosphère terrestre fut encore plus grande, à
près de 40.000 km/h. Son scout thermique a dû faire face à des températures qui
se sont élevées à 2.800°, soit la moitié de la température mesurée à la surface
du Soleil. A nouveau, Alexandru Mironov :
« Le
frottement de la navette avec l’air qui est présent dans l’atmosphère terrestre
fait monter énormément la température, ce qui est un véritable défi. Le scout
thermique est construit à partir de céramiques aux propriétés tout à fait
particulières. Deux accidents terribles se sont produits dans le passé à cause
des manquements constatés dans les propriétés des scouts thermiques utilisés.
Mais je suis optimiste. Je crois qu’aujourd’hui les chercheurs sont parvenus à
bien maîtriser cette technologie. Et cela nous ouvre des opportunités immenses.
Revenir sur la Lune et puis, aller bien au-delà. »
Des
caméras performantes ont pu surprendre la rentrée d’Orion dans l’atmosphère
terrestre, immortalisant le moment spectaculaire de l’ouverture de ses 11 parachutes.
D’ailleurs, Orion marque un record, dépassant, le 28 novembre 2022, le
précédent record de distance franchie, record détenu par la navette Apollo 13, depuis
1970. Orion parcourut au total 430.000 kilomètres, soit le plus long trajet
jamais franchi par une navette capable d’embarquer des humains à son bord.
(Trad. Ionut Jugureanu)