L’inflation – l’ennemi public n° 1
Corina Cristea, 02.09.2022, 14:27
Le dernier rapport sur l’inflation, qui
date d’avant le début de l’invasion russe de l’Ukraine, faisait déjà état d’un taux
annuel de 8,19%. L’augmentation des prix de l’énergie tout au long de l’année
2021 était déjà pointée du doigt, coupable, selon les spécialistes, de 6,13 de points
d’inflation. À l’époque, la Banque nationale de Roumanie mettait en exergue l’accroissement
accéléré de la demande mondiale d’énergie pour expliquer la hausse conséquente
des prix. De surcroît, la Roumanie devait faire face aux conséquences de la
libéralisation de son marché de l’énergie, démarche reportée à plusieurs reprises.
Adrian Codârlașu, de l’Association
roumaine des analystes financiers, mettait en cause l’effet conjugué de deux
facteurs, l’offre et la demande, pour expliquer la hausse de l’inflation : « Pour ce qui est des facteurs qui tiennent
de l’offre, il s’agit en grande partie des prix de l’énergie et des produits
agricoles. Quant aux facteurs de la demande, ce qu’il faut mettre en cause
c’est surtout la création de la masse monétaire. Une création massive, pas tellement
en Roumanie, mais dans les principales économies du monde. Si l’on regarde les
données de la FED, la Banque centrale des Etats-Unis, deux tiers de la création
monétaire récente a eu lieu après la fin de la crise provoquée par la pandémie,
alors que la Banque centrale européenne avait à son tour créé un euro sur deux
en cette même période. Les banques centrales ont réagi de manière vigoureuse,
pour nous éviter de plonger dans une crise économique sans précédent. C’était
en fait le prix à payer pour pouvoir surmonter les effets de la crise provoquée
par la pandémie de Covid-19. Vous imaginez bien que, sans l’aide des banques
centrales, une crise pire que celle de 2008 risquait de nous
emporter. »
À la suite de l’intervention
volontariste des banques centrales, l’inflation a donc grimpé en flèche, à un
niveau qui bouleverse les statistiques, non seulement roumaines, mais encore
américaines. En effet, l’Amérique n’avait plus connu depuis des décennies une
inflation de 5,1%, chiffre enregistré déjà au mois de décembre passé, et qui
n’a fait qu’empirer depuis.
Le professeur des universités Daniel Dăianu,
président du Conseil fiscal, ajoutait en début d’année : « C’est loin d’être évident. Il y a ce
choc des prix de l’énergie, conséquence de la hausse de la demande à la suite
du revirement économique d’après la pandémie. En sus de cela, l’énergie a une
mise géopolitique, que l’on constate lorsqu’on regarde le degré de dépendance
de l’UE par rapport à la Russie. Les effets du changement climatique
n’arrangent pas non plus les choses, et ils se feront sentir sur le long terme.
Le processus de transition énergétique implique des coûts pour notre économie,
pour notre société tout entière. Dans ce contexte, l’inflation est devenue un
sujet inquiétant partout, en Europe et aux Etats-Unis. Ce qu’il faut comprendre
c’est qu’il ne s’agit pas d’un phénomène spécifique à la Roumanie. Il y a dix
ou quinze ans, l’inflation était en effet liée aux politiques nationales, mais
aujourd’hui il s’agit d’une tendance globale, provoquée en principal par ce
choc énergétique. »
Les chaînes
logistiques s’avèrent être également mises sous pression, selon le sociologue Iulian Stănescu, de l’Institut
pour la qualité de la vie de l’Académie roumaine : « A cause de la pandémie, à cause de la crise sanitaire engendrée,
des pans entiers de l’économie ont été mis à l’arrêt. L’exploitation des
matières premières a souffert, le transport, la logistique ont été mis à mal.
Or, dans la situation de cette économie globalisée dans laquelle l’on se
trouve, bon nombre de composantes, tout comme les matières premières, ont
commencé à manquer à l’industrie roumaine. Et cela se traduit pour le
consommateur par la hausse des prix des produits finis. »
La guerre en
Ukraine n’a bien évidemment rien arrangé à ce tableau de l’inflation déjà assombri
en début de l’année. Au premier trimestre de 2022, l’inflation avait dépassé en
Roumanie, pour la première fois depuis belle lurette, la barre de 10%, pour
atteindre 15,1% au deuxième trimestre de l’année. Les prévisions de la Banque
centrale roumaine font état du même taux pour le 3e trimestre,
prévoyant toutefois une baisse modérée au 4e, lorsque le taux de l’inflation
s’établirait à 13,9%. Pour parer à la hausse brutale de l’inflation, la Banque
nationale avait augmenté son taux directeur à plusieurs reprises, la première
fois le 10 janvier, bien avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la
dernière en date le 5 août, le taux directeur passant ainsi de 4,75% à 5,50%. (Trad. Ionut
Jugureanu)