De nouveaux points de sécurité en Europe
Corina Cristea, 05.08.2022, 10:23
Dans le contexte de l’invasion russe en
Ukraine, la Suède et la Finlande ont récemment pris la décision d’abandonner
leur politique de neutralité et d’adhérer à l’OTAN, dans une recherche éperdue
de garanties de sécurité que seule l’Organisation du Traité de l’Atlantique
Nord peut offrir. Aussi, les deux États nordiques ont officiellement déposé
leurs candidatures auprès des instances de l’Alliance. Pour que leur démarche
aboutisse, il leur faudra néanmoins disposer de l’accord unanime des États membres,
alors que la Turquie n’hésite pas à faire part de ses réserves, en prétextant
des sanctions imposées par les deux pays candidats à l’encontre d’Ankara, et du
soutien apporté par ceux-ci au soi-disant « terrorisme kurde ».
Malgré tout, l’OTAN se dit confiante que ces accrocs seront bientôt dépassés,
et que le processus d’adhésion ne prendrait ensuite pas plus que quelques
semaines avant d’aboutir. Enfin, par la suite, il faudrait que le processus de
ratification de ladite décision par les parlements des membres de l’Alliance ne
prenne pas plus d’un an. Mais qu’apporterait une éventuelle adhésion à l’OTAN
des deux États candidats ?
Virgil Bălăceanu, général en réserve et ancien représentant de
la Roumanie auprès du commandement de l’OTAN, à Bruxelles, pense que l’adhésion
de la Suède et de la Finlande sera bénéfique pour toutes les parties intéressées.
Il s’agit de deux Étatsimportants, qui sont d’ailleurs assez
proches de l’OTAN et qui se sont montrés parmi les partenaires les plus motivés
de l’Alliance. Des partenaires clef. Leur stratégie militaire est basée sur la
défense du territoire national. C’est vrai notamment dans le cas de la
Finlande, mais aussi de la Suède. En adhérant à l’OTAN, ces deux Étatsne
manqueront pas de renforcer l’Alliance, et plus particulièrement son flanc
nord. Raffermie par ces deux nouveaux alliés qui, avec la Pologne et les Étatsbaltes,
forment ce flanc nord, l’OTAN sera plus à même de répondre à quelque défi
sécuritaire que ce soit, y compris à la menace potentielle représentée par la Fédération
de Russie. Par la suite, nous verrons que c’est bien le flanc sud-est de
l’Alliance qui est le plus périclité dorénavant. Mais dans l’ensemble,
l’adhésion des deux Etats va renforcer l’OTAN et je ne dirais pas non plus que
cela représente une menace pour la Fédération de Russie. Cette dernière avait
d’ailleurs longuement hésité avant de prétendre que cela puisse advenir. D’un
autre côté, l’on voit bien que la guerre russe contre l’Ukraine provoque une
réaction inverse de celle désirée par le Kremlin lorsqu’il l’avait commencée. En
effet, la Fédération de Russie avait envahi l’Ukraine dans le but déclaré de
tenir l’OTAN à distance, alors que maintenant elle constate que cela a produit un
effet contraire : deux pays industrialisés et puissants en matière de
capacités et de traditions de défense ont rejoint l’Alliance que la Russie
pensait pouvoir affaiblir par la guerre qu’elle avait déclenchée contre l’Ukraine.
Vivement que le processus d’adhésion aboutisse rapidement et que la Turquie ne
s’y oppose plus.
La
Suède et la Finlande seront à coup sûr de pourvoyeurs de sécurité dans la
région. Car elles sont d’ores et déjà dotées de forces armées modernes et
efficaces, qui travaillent de concert avec l’OTAN, comme l’explique, pour radio
Free Europe, Doug Klain, directeur adjoint du centre
Eurasie du Conseil de l’Atlantique. Pourtant, et malgré la puissance militaire que
ces deux États peuvent faire valoir, ils demeuraient frileux à l’égard de la
Fédération de Russie. Selon Douglas Klain, si les deux États ont les mêmes
inquiétudes, la Finlande, qui partage une longue frontière commune avec la
Russie, demeure la plus vulnérable. Les dernières années, des avions russes ne
se sont pas gênés d’approcher l’espace aérien finlandais, dans leur tentative
d’intimider les voisins. Dans ce contexte, la Suède avait opté de poser sa
candidature pour ne pas se retrouver isolée dans une péninsule scandinave dont
elle demeurerait le seul pays neutre, hors de l’OTAN, alors que la Norvège et
le Danemark avait rejoint l’Alliance dès sa création, en 1949. Mais quels
seraient les conséquences de l’adhésion de ces deux États pour cette alliance
qui ne cesse de s’agrandir, faisant de la mer Baltique presque lac
intérieur ?L’analyste militaire Radu Tudor précise :
Ce qu’il se passe c’est à l’opposé de ce que M. Poutine avait désiré.
Vu le nombre d’erreurs stratégiques qu’il avait commises, ce n’est pas
étonnant. En l’absence de cette guerre sanglante, l’adhésion des deux pays,
leur sortie de l’état de neutralité qu’ils affectionnaient depuis belle lurette,
auraient été improbable. Mais la Russie avait une nouvelle fois apporté la
preuve de son agressivité, de toute absence de prédictibilité la concernant, de
la menace qu’elle représente pour l’ensemble du monde libre. Dans ce contexte,
la Suède et la Finlande sont arrivées à la conclusion que seul le parapluie
sécuritaire de l’OTAN constituait une barrière suffisamment solide devant
l’appétit agressif de la Russie. Ces deux Étatsviennent toutefois au sein de
l’Alliance avec une riche expérience de lutte contre la Russie, car ils s’y
sont souvent confrontés. Ils avaient étudié la stratégie russe, ils la
connaissent bien pour s’y être souvent frottés. Et avec leur adhésion, la
question de la sécurité du flanc nord de l’Alliance est assurée, car nous y trouvons
la Pologne, la Suède, la Finlande, la Norvège, le Danemark, des pays avec
lesquels on ne badine pas et qui apportent une contribution significative à
l’Alliance.
Selon l’analyste militaire Radu Tudor, c’est
dans la zone du sud-est de l’Alliance que nous devrions assister à un
développement accéléré de l’infrastructure et des capacités de l’OTAN. La zone
de la Roumanie autrement dit. (Trad. Ionuţ Jugureanu)