Perspectives économiques en 2022
Corina Cristea, 21.01.2022, 13:08
Si lors des crises précédentes, qu’il s’agisse de celle
de 1996 à 1997, ou encore de celle de 2008 à 2009, l’économie roumaine avait eu
besoin de 5 à 6 années pour se redresser, cette fois le PIB est parvenu à regagner
son niveau d’avant la pandémie bien plus rapidement, soit juste après un an et
demi depuis le début de la crise. En effet, après une baisse de 3,7 % en 2020,
l’économie roumaine a connu une reprise dynamique, enregistrant une croissance
de 6,3 % à la fin de l’année dernière.
Cependant, si la reprise économique est particulièrement
rapide, elle s’accompagne d’une montée des pressions inflationnistes, dont les
causes sont à trouver aussi bien en interne que dans la conjoncture externe. C’est
pour cette raison que les analystes semblent vouloir tenir à l’œil le niveau de
l’inflation, une inflation dopée en outre par la hausse des prix de l’énergie
et par des exigences salariales, deux phénomènes qui ne font qu’augmenter les
pressions inflationnistes. Par ailleurs, plombée par un déficit commercial chronique,
tout comme par un déficit budgétaire à la hausse, la tendance inflationniste
semble avoir encore de beaux jours devant elle. Et il est vrai que la Roumanie se
trouve depuis 2019 sur la sellette de la Commission européenne, en procédure de
déficit excessif.
L’année 2022 devrait être dès lors l’année des réformes
structurelles, censées endiguer les déséquilibres macroéconomiques qui tendent
à se creuser. Pourtant, 2022 se dessine plutôt comme l’année des contrastes, marquée
par un approfondissement des déséquilibres économiques, comme nous l’annonce une
analyse récemment publiée par un cabinet de conseil. L’analyse fait en effet
état d’un écart croissant entre la hausse des prix à la consommation et la
hausse des salaires, ce qui ne manquera pas d’entraîner la baisse de la
consommation et celle du niveau de vie, tout comme un écart croissant entre les
sphères publique et privée, entre les promesses et la réalité, entre les riches
et les pauvres.
Voici l’avis d’Adrian Negrescu, consultant économique : «
Ce sera une année faite de contrastes, marquée par un écart grandissant entre l’augmentation
des prix et le niveau des revenus, entre l’évolution de différents secteurs de
l’économie, dont certains vont engranger des bénéfices, alors que d’autres
seront en chute libre. Les plus touchés seront le plus probablement les entreprises
exportatrices, plombées par une demande à la baisse, à cause de cette terrible
crise sanitaire qui semble ne plus vouloir nous quitter. Ce sera aussi l’année
des contrastes entre les revenus du secteur public et ceux du secteur privé
car, ne l’oublions pas, dans le public, alors même que les salaires sont gelés,
ce qui s’apparente à une baisse de fait du pouvoir d’achat sur fond
d’inflation, les salaires sont tout de même garantis, ce qui est loin d’être le
cas dans le secteur privé. Les chances
de retrouver un meilleur emploi dans ce secteur, ou de percevoir une
augmentation salariale, en 2022, s’amenuisent, me semble-t-il, de jour en jour,
au vu des défis posés par l’inflation, et à cause de l’impasse financière.
»
Alors que 2021 aurait dû être l’année des réformes
structurelles dans l’administration, dans les entreprises publiques, mais aussi
dans les domaines des retraites, de la santé, de l’éducation et, plus
largement, dans le domaine de l’assainissement budgétaire, pour diverses
raisons le calendrier des réformes a été envoyé aux calendes grecques ou, plus
précisément, repoussé jusqu’à la mise en application des réformes arrêtées dans
le plan national de redressement et de résilience, convenu avec la Commission
européenne. La seule « réforme » menée à bien l’année passée, soit la
libéralisation complète du marché de l’énergie, s’est malheureusement traduite
par une augmentation significative des prix, de l’inflation, et par les effets économiques
indésirables qui en découlent.
Y a-t-il malgré tout des raisons d’espérer en 2022
? Certes, le domaine du commerce en ligne, des affaires connexes, ou encore
l’essor de la médecine privée semblent avoir de beaux jours devant eux, selon
l’analyste Adrian Negrescu : « Pour ma part, je m’attends à une
augmentation significative même dans le domaine agricole. Si nous allons
bénéficier d’une bonne année climatique, nous pourrions enregistrer une
production agricole similaire à celle de l’année dernière, soit l’une des plus importantes
jamais enregistrées durant ces dernières années. En revanche, je mise sur un
accroissement du déficit de notre balance commerciale, sur fond de baisse de
l’exportation des produits manufacturés. Le secteur de l’informatique, des
nouvelles technologies, va quant à lui poursuivre sa croissance. Mais beaucoup
d’entreprises auront un accès de plus en plus difficile à la capitalisation, à
l’argent frais et, par voie de conséquence, à la croissance et aux bénéfices.
Dans le domaine de l’HORECA, je suppose que les acteurs économiques vont
continuer à vivoter, à la limite de la survie, à l’instar de ce qu’ils ont
connu en 2020 et 2021. Alors, voyez-vous, certains secteurs connaîtront sans
doute la croissance, d’autres vont en revanche rester ou entrer dans le rouge.
Nous verrons se développer une économie à plusieurs vitesses, et il est à
parier que de très nombreuses entreprises seront obligées à déposer le bilan. En
2021, nous avons eu près de 100.000 entreprises qui l’ont fait, mais je
m’attends à un nouveau record en 2022. Evidemment, les plus touchées seront les
PME. »
La bonne nouvelle est tout de même que la plupart des acteurs
économiques roumains semblent avoir tiré des leçons de la pandémie, en
restructurant leurs activités et en débutant l’année de façon plus réaliste, nous
rassure le même Adrian Negrescu. D’autre part, selon les analystes, les
principaux défis auxquels le milieu d’affaires se verra confronter cette année demeurent
la capacité du marché de travail à fournir des employés qualifiés, au même
titre que la capacité des employeurs à proposer des salaires compétitifs.
(Trad. Ionuţ Jugureanu)