Bucarest/Chisinau : une relation privilégiée
Corina Cristea, 03.12.2021, 15:16
30 années après sa
déclaration d’indépendance, la République de Moldova (ex-soviétique,
majoritairement roumanophone) semble toujours à la recherche d’un meilleur avenir
pour ses citoyens. Un peuple qui rétrécit d’année en année, car beaucoup choisissent
de quitter le pays, pour chercher une vie meilleure en Occident. C’est sans
doute la triste conséquence de la politique menée au fil du temps par les
décideurs politiques de Chisinau.
L’espoir des lendemains qui chantent a
cependant été ravivé avec l’arrivée au pouvoir de Maia Sandu, cette jeune
présidente réformiste et pro-européenne, qui semble déterminée à moderniser
l’État moldave et ses institutions. Mieux encore, aux dernières législatives l’on
avait assisté à l’arrivée au pouvoir des alliés de Maia Sandu, qui peut
désormais compter sur un parlement où ses alliés disposent d’une majorité
solide, prête à soutenir l’appétit réformiste de la présidente. Quant à
Bucarest, son soutien semble à la fois enthousiaste et inconditionnel. Invité sur
la première chaîne de la télévision publique roumaine, le ministre roumain des
affaires étrangères, Bogdan Aurescu, a rappelé sa présence dès le 23 juillet à
Chişinău, étant de la sorte le premier chef d’une diplomatie européenne présent
dans la capitale moldave, l’occasion de relancer la coopération avec la Moldova,
qui avait été mise en veilleuse durant tout un temps. L’occasion aussi pour
Bogdan Aurescu d’affirmer, je cite : « Tout ce que nous avons accompli
cette année, et, si mes souvenirs sont bons, je crois que le premier chef
d’État à s’être rendu en République de Moldova tout de suite après la victoire
de Maia Sandu a justement été le président de la Roumanie, M. Klaus Iohannis, donc
tout ce que nous avons fait cette année, c’était d’essayer de soutenir cet
effort de réforme, après les élections anticipées qui ont porté au pouvoir
cette nouvelle majorité pro-réformiste et pro-européenne.»
L’on peut en effet affirmer être
arrivé à un point où les priorités de nos agendas respectifs se rejoignent, et
où les actes posés par la classe politique moldave semblent résonner avec les
attentes de son électorat, comme le constate sur Radio Roumanie le commentateur
politique Vlad Turcanu, ancien conseiller présidentiel à Chisinau. « Les autorités de Chisinau
ont commencé dès l’installation, cet automne, du nouveau gouvernement issu des
élections anticipées du 11 juillet passé, à mettre en oeuvre de vastes chantiers,
dans pratiquement tous les domaines. Et les autorités moldaves ne sont pas
dupes, elles savent bien qu’en l’absence de l’aide que peuvent leur fournir des
Etats amis, tels la Roumanie, leur tâche serait encore plus difficile. Prenez,
par exemple, la crise du gaz, à laquelle l’on peut dire que l’on a trouvé une
issue favorable, même s’il en reste certaines réminiscences. Mais au plus fort
de la crise, durant ces jours d’incertitude, les signaux de soutien envoyés par
Bucarest et par d’autres capitales européennes ont fait la différence. Et de
mon point de vue, ce n’est pas une mince affaire de savoir qu’en cas de force
majeure, vous avez la possibilité de se faire livrer en catastrophe du gaz en
provenance de Roumanie, via un gazoduc qui a été construit grâce à une
contribution significative de la Roumanie. Certes, la République de Moldova est
en proie à différentes menaces, qu’il s’agisse de son système énergétique, de
son système d’informations, de son système de sécurité, et il faut se douter
que ces points sensibles peuvent être spéculés par ses ennemis. Or, ces menaces
sont bien présentes, et le savoir-faire roumain dans ces domaines, et dans
d’autres domaines encore, lui sera indispensable, le moment venu, pour que la
république de Moldova réussisse à prendre son virage et achever les réformes amorcées.
»
Le gouvernement pro-européen,
qui avait remporté une large majorité au parlement, soit 63 sièges sur 101,
doit encore faire ses preuves, comme le remarque l’analyste et ancien
conseiller présidentiel Vlad Turcanu. D’ailleurs, au fur et à mesure que la
république de Moldova sorte progressivement de cette période d’isolement
international, elle doit montrer de sa capacité à mettre en œuvre les projets
démarrés et sa volonté de poursuivre dans la voie de l’intégration européenne. Et
là, le soutien de la Roumanie s’avère
essentiel, affirme Vlad Turcanu : « Il existe de nombreuses lignes de coopération. Les
ministres des Affaires étrangères de Roumanie et de la République de Moldova
ont signé une feuille de route qui mentionne les domaines prioritaires de la coopération
bilatérale, dans le domaine de l’éducation et sur la reconnaissance mutuelle
des diplômes, certificats et titres scientifiques. Mais la chose la plus
importante est la reconnexion énergétique de la République de Moldova au
système électrique de l’UE. Parce que ça c’est une des vulnérabilités dont je
parlais. La République de Moldova se fournit actuellement en électricité à
partir de la centrale thermoélectrique de Cuciurgan, située sur la rive gauche
du Dniestr, sur le territoire de la République séparatiste de Transnistrie. Et
cette dépendance énergétique de la république de Moldova à l’égard de cette
petite entité séparatiste contrôlée par la Russie a toujours eu pour effet de
freiner les ardeurs pro-européennes des Moldaves, de peur de ne pas fâcher
Moscou, et de se voir couper le courent électrique. »
La feuille de route
mentionnée a surtout l’avantage de porter sur des éléments très concrets, en
mentionnant chaque domaine d’intérêt de la relation bilatérale. Le document a
été signé lors de la récente visite officielle que Maia Sandu a effectuée à
Bucarest, à l’occasion de l’anniversaire des 30 années de relations
diplomatiques entre nos deux pays. Le document vise à mettre en pratique le
plan d’action censé faciliter la réalisation d’un certain nombre d’objectifs
majeurs : stimuler l’intégration européenne de la République de Moldova,
réaliser une interconnexion plus profonde de ce pays avec l’UE, ou encore
stimuler son développement économique et social, pour que les citoyens moldaves
puissent bénéficier des bienfaits des normes européennes dans leur vie de tous
les jours, dans les domaines de l’administration et de la justice. Enfin, l’objectif
commun est aussi de renforcer notre communauté de langue, de culture et
d’histoire commune. (Trad. Ionuţ Jugureanu)