Des outils pour contrer la hausse du prix de l’énergie
Corina Cristea, 05.11.2021, 09:43
C’est ainsi
que, pour contrer cette hausse alarmante des prix, Bruxelles avait recommandé
aux États membres de fournir une aide d’urgence aux particuliers, aide qui
pourrait prendre la forme des chèques énergie par exemple, ou encore le
remboursement partiel des factures des ménages défavorisés. Quant aux entreprises,
elles pourraient bénéficier d’aides d’État et/ou de réductions d’impôts. Ce ne
sont là que quelques-unes des mesures temporaires recommandées par Bruxelles,
qui n’entend en faire bénéficier que les ménages vulnérables et les petites
entreprises. Bruxelles conseille par ailleurs aux gouvernements d’élargir leur
accès aux contrats d’énergie renouvelable, partant du principe que l’énergie
propre n’est pas vulnérable aux chocs de prix.
Enfin, la Commission table à
moyen terme sur la formule des achats groupés, envisageant d’étendre le
stockage stratégique du gaz. L’achat groupé, formule qui avait bien fonctionné
pour faire face à la crise des vaccins anti-Covid 19, semble avoir de beaux
jours devant elle. En effet, les données montrent que l’UE est désormais
confrontée à des pics de prix du gaz naturel jamais connus durant les 15
dernières années, une situation qui se reflète également dans la tendance à la
hausse des tarifs de l’électricité. Le phénomène est ressenti dans le monde
entier, étant étroitement lié à la reprise de l’activité économique au niveau d’avant
la pandémie. Pour la Roumanie, les prix élevés sont dus, par ailleurs, à la
libéralisation complète du marché de l’énergie, le 1er juillet de cette année.
Les conséquences se font déjà sentir sur les prix des denrées alimentaires et,
implicitement, sur l’inflation.
L’analyste
économique Constantin Rudniţchi constate : « Il est clair que
l’économie roumaine est fortement touchée. Regardez l’inflation qui, au mois de
septembre, grimpe de 6,3%. Les effets de la hausse des prix de l’énergie sur
les autres prix à la consommation commencent à se faire sentir. On voit la
hausse des prix des produits agroalimentaires, mais ce n’est qu’un début. La
Roumanie prévoit déjà de dépasser les 7 points d’inflation cette année,
peut-être même 7,5. On n’en voit pas encore le bout du tunnel et il ne s’agit
pas seulement de la Roumanie, toute l’Europe est à la recherche de solutions. »
La Russie,
l’une des principales sources d’approvisionnement en gaz naturel de l’Europe, a
un rôle particulier à jouer dans l’équation des prix de l’énergie, ce qui risque
de conduire à une politique d’abandon du transit de son gaz par l’Ukraine.
Moscou sape de la sorte la sécurité énergétique européenne notamment pour faire
pression sur les Européens et promouvoir son gazoduc Nord Stream 2, la nouvelle
connexion énergétique directe entre la Russie et l’Allemagne, via la mer
Baltique, croit savoir l’analyste en politique étrangère Iulian Chifu.
Iulian
Chifu : « La Fédération de Russie joue un rôle malsain, portant
atteinte à la sécurité énergétique européenne, afin de promouvoir et rendre
opérationnel le gazoduc Nord Stream 2. Car il faut dire que même si la
construction du gazoduc est finie, la Russie est encore loin de pouvoir le
rendre fonctionnel, en raison de procédures de validation très laborieuses. Or,
les Etats-Unis ont frappé de leurs sanctions les sociétés impliquées. En
réponse, l’année dernière, les exportations de la Russie vers la zone
européenne ont été extrêmement faibles, y compris celles destinées à constituer
des réserves stratégiques. Or, dans ce contexte, la première réaction du marché
a été d’augmenter les prix. Une hausse qui fait pression en hiver. Les choix
sont limités, soit vous importez le gaz via les gazoducs ukrainiens, soit via
Nord Stream 2. Et la Russie fait de la sorte pression sur les Européens pour
obtenir au plus vite les autorisations lui permettant d’utiliser le gazoduc
Nord Stream 2. »
La Russie
n’utilise pas l’énergie comme une arme et elle est prête à discuter avec l’UE
de la stabilisation du marché européen de l’énergie, affirme pour sa part le
président Vladimir Poutine, qui insiste toutefois sur la nécessité de
dépolitiser la question énergétique. Le leader du Kremlin assure que la Russie
respecte pleinement ses engagements et prétend avoir augmenté de 10% le volume
transité vers l’Europe dans chaque gazoduc, tout comme le volume du gaz
liquéfié exporté vers le continent. L’approche de l’hiver a cependant trouvé
des stocks insuffisants partout en Europe, et notamment en Roumanie, bien
en-deçà des quantités habituelles à la même époque.
Invité sur
les ondes de Radio Roumanie, l’eurodéputé Gheorghe Falcă évoque les mesures que
Bucarest pourrait prendre à moyen terme afin de se prémunir de telles
mésaventures.
Iulian
Chifu : « Une crise apporte quelque chose de négatif, mais offre
aussi l’opportunité de réfléchir, pour trouver la parade. La Roumanie n’a pas
acheté de gaz tout au long de l’année, de janvier à décembre, comme le font
d’autres pays, parce que nous sommes producteurs de gaz, c’est pourquoi nous
n’achetons qu’en hiver. C’est la raison pour laquelle notre prix d’achat du gaz
est plus élevé que celui supporté par d’autres pays. La Commission propose
maintenant de procéder à des achats groupés pour l’ensemble de l’UE, ce qui
signifie que nous devons essayer d’augmenter notre capacité de stockage pour éviter
ainsi d’autres crises. Par ailleurs, à moyen terme, le ministère de l’Énergie
de Bucarest aura à sa disposition les 10 milliards d’euros du Fonds de
modernisation, ce qui se traduira par un investissement sans précédent dans
l’éolien et le photovoltaïque durant les six années à venir. Le Programme
National de Relance et de Résilience dispose de 1,6 milliard d’euros, qui
seront investis dans le même sens. Nous disposons de 10 milliards de dollars,
destinés à la construction des réacteurs 3 et 4 et à la modernisation du
réacteur 1 de la centrale nucléaire de Cernavodă. Qui plus est, nous sommes
intéressés par l’extraction du gaz naturel présent dans le sous-sol de la mer
Noire, et là nous parlons d’un milliard de mètres cubes par an. Enfin, la
Roumanie compte 15 bassins fluviaux, et nous devrions renforcer la législation
pour créer des microcentrales hydroélectriques, ne pas polluer, ne pas entrer
en conflit avec les écologistes, mais en même temps profiter de cette énergie
renouvelable. »
D’un autre
côté, la solution de la situation énergétique conduira à une économie plus
stable et prévisible, ainsi qu’à une augmentation des investissements, a
déclaré le député européen. (Trad. Ionuţ Jugureanu)