L’infox comme technique de manipulation
Même si le contenu et
l’apparence des infox prennent souvent la forme des véritables nouvelles de
presse, les informations qu’elles contiennent s’avèrent être entièrement ou partiellement
fausses. Il s’agit de fake news, ou infox, une technique de désinformation, voire
parfois, dans certains cas, de manipulation, de plus en plus utilisée, ce qui fait que le phénomène retient de
plus en plus l’attention de la communauté scientifique. Car ces infox peuvent
se propager rapidement, notamment en ligne, ce qui les rend plus périlleuses, d’autant
que pour le public non averti, ces fausses nouvelles se confondent, à s’y
méprendre, aux vraies, comme l’explique au micro de Radio Roumanie l’expert en
communication Bogdan Oprea, auteur d’un article sur les infox et la
désinformation en ligne.
Corina Cristea, 20.08.2021, 10:33
Même si le contenu et
l’apparence des infox prennent souvent la forme des véritables nouvelles de
presse, les informations qu’elles contiennent s’avèrent être entièrement ou partiellement
fausses. Il s’agit de fake news, ou infox, une technique de désinformation, voire
parfois, dans certains cas, de manipulation, de plus en plus utilisée, ce qui fait que le phénomène retient de
plus en plus l’attention de la communauté scientifique. Car ces infox peuvent
se propager rapidement, notamment en ligne, ce qui les rend plus périlleuses, d’autant
que pour le public non averti, ces fausses nouvelles se confondent, à s’y
méprendre, aux vraies, comme l’explique au micro de Radio Roumanie l’expert en
communication Bogdan Oprea, auteur d’un article sur les infox et la
désinformation en ligne.
Bogdan Oprea :
« On n’a pas toujours à faire à un public avisé, ce public n’est pas
toujours en mesure de comprendre que tout ce qui a les apparences d’une
nouvelle ne constitue pas forcément un contenu respectueux de toutes les
rigueurs qui ont cours dans le monde journalistique. Pourtant, le grand public
commence à comprendre de plus en plus de quoi il retourne. Les infox, c’est
tout simplement une technique de désinformation, qui recouvre plusieurs
réalités, dont deux sont significatives : la désinformation intentionnelle et
la désinformation non intentionnelle. En anglais, vous trouverez deux concepts
distincts, censés faire la différence entre la désinformation intentionnelle,
et dont l’intention première est de désinformer donc, et celle faite par erreur,
que l’on pourrait assimiler à l’erreur journalistique. L’on peut encore parler
de désinformation lorsqu’on transmet une information vraie, mais qui n’est pas vouée
à être rendue publique, car relevant, par exemple, de la vie privée d’une
personne, et le fait de l’ébruiter est sous-tendu donc par l’intention de nuire.
On peut alors parler de « fuites ». Vous vous rappelez le scandale des
courriels professionnels d’Hillary Clinton, secrétaire d’État des Etats-Unis à
l’époque, des courriels qui n’avaient pas vocation à être rendus publics. Ou
encore les fuites qui visaient le président Macron. Il s’agit donc d’informations
ébruitées qui, en devenant publiques, nuisent aux sujets qu’elles visent. Il
s’agit là des formes les plus courantes que prend la désinformation en ligne. Mais
en sus de ces formes de désinformation, notons la manipulation, à la mode aussi
bien en ligne que dans la vie réelle. Quant aux techniques de manipulation, parlons-en !
»
L’expert en
communication Bogdan Oprea souligne qu’il existe un marché pour les infox, tout
comme il existe un marché pour les faux « like » ou pour les fausses signatures
des pétitions en ligne. Si vous voulez acheter des signatures, une simple
vérification sur un moteur de recherche vous dénichera rapidement des
entreprises prêtes à vous vendre toutes les signatures dont vous aurez besoin. Au
succès fulgurant des nouvelles fabriquées de toutes pièces contribue le fait
que leur élaboration joue énormément sur la corde émotionnelle. L’écosystème
informationnel actuel n’a pas été créé dans un but de désinformer, seulement la
structure des interactions spécifiques aux plateformes sociales favorise
l’impact des réponses émotionnelles. Ainsi des modèles de personnalité prédictifs
peuvent-ils être créés, permettant d’identifier des options électorales par
exemple, et d’influencer le comportement aux urnes, à coups d’infox. C’est que
l’on craint pour l’avenir, c’est que, plus que les idées des candidats, la
différence entre les choix des électeurs trouve son origine dans le degré de
précision des profils psychométriques de l’électorat et du niveau d’élaboration
des infox, autrement dit que la compétition informationnelle, où l’intelligence
artificielle détient un rôle prépondérant, l’emporte sur la démocratie.
Mais qui a donc intérêt
à produire des infox ? Bogdan Oprea répond : « Souvent, les fausses
nouvelles ne sont produites que pour que leur auteur obtienne un trafic
considérable sur son site, sur sa page ou sur son poste. C’est la chasse aux
« cliques », d’où ces titres spectaculaires. Si l’on clique dessus,
c’est enregistré comme un affichage, et le trafic sera comptabilisé dans la
publicité et les revenus que produisent les pages du web. Beaucoup de gens, qu’il
s’agisse des individus ou des entreprises, créent des groupes d’intérêt et produisent
de l’infox tout simplement pour gagner de l’argent, grâce à la publicité. Mais
dans les cas les plus graves, il s’agit d’intérêts supérieurs, de natures politique,
géopolitique, des agences qui tentent de manipuler d’une manière ou d’une autre
les masses, de peser sur la manière dont celles-ci se positionnent sur certains
sujets, voire, dans certains cas, pour déstabiliser les sociétés démocratiques.
Et, parfois, ils y parviennent, on l’a vu. Les préjudices sont énormes dans ce
cas. Prenez la campagne pour le Brexit, où l’on a pu voir comment les infox et
les campagnes de désinformation ont débouché sur des manifestations de rue et
des pertes de vies humaines. Les effets des infox peuvent être terribles. Et derrière
tout cela, l’on trouve toutes sortes de groupes d’intérêt. Pour que cela ne se
reproduise plus, nous devons déjà comprendre le danger, et nous prémunir des
anticorps dont nous avons besoin, pour pouvoir distinguer une vraie nouvelle
d’une fausse ».
Mais comment
arriverait-on à faire cela ? Tout d’abord, il est important de puiser dans
les sources sûres, dans les sources d’informations traditionnelles, celles qui
se sont avérées fiables au fil du temps. Ensuite, la pensée critique est un
antidote contre les fausses nouvelles, ajoute Bogdan Oprea, celui pour qui les
réseaux sociaux, les créateurs méconnus de contenu inclassable, l’explosion de
fausses nouvelles et la désinformation qui traversent l’écosystème de
l’information sont des défis que la presse traditionnelle doit pouvoir affronter,
en évoluant. (Trad Ionuţ Jugureanu)