La dynamique des relations internationales à la une du Brexit
Décidée il y a près de trois ans lors d’un référendum populaire, la séparation du Royaume-Uni de l’Union européenne, prévue initialement pour le 29 mars dernier, et différée à plusieurs reprises, est entrée en ligne droite après que le Parlement de Londres, dominé par les conservateurs, gagnants lors des dernières élections, eut avalé la loi de retrait, négociée par le gouvernement britannique. Le Royaume-Uni sortira donc bel et bien de l’Union le 31 janvier prochain. Il n’en reste pas moins que négocier la nature de la future relation qui reliera le Royaume-Uni à l’UE. Ces deux espaces, liés sans doute par mille solidarités culturelles, historiques, économiques et de sécurité devront donc trouver une nouvelle formule de cohabitation.
Corina Cristea, 17.01.2020, 12:49
Décidée il y a près de trois ans lors d’un référendum populaire, la séparation du Royaume-Uni de l’Union européenne, prévue initialement pour le 29 mars dernier, et différée à plusieurs reprises, est entrée en ligne droite après que le Parlement de Londres, dominé par les conservateurs, gagnants lors des dernières élections, eut avalé la loi de retrait, négociée par le gouvernement britannique. Le Royaume-Uni sortira donc bel et bien de l’Union le 31 janvier prochain. Il n’en reste pas moins que négocier la nature de la future relation qui reliera le Royaume-Uni à l’UE. Ces deux espaces, liés sans doute par mille solidarités culturelles, historiques, économiques et de sécurité devront donc trouver une nouvelle formule de cohabitation.
Que deviendrait l’UE après le départ de la Grande-Bretagne, premier contributeur militaire actuel de l’Union? L’analyste en politique étrangère Andrei Ţărnea essaye de nous éclairer. « Le Brexit ne changera pas à priori les fondements de la politique de sécurité du Royaume-Uni et la nature des menaces qu’il doit affronter, et qui est plutôt partagée avec l’Union européenne dans son ensemble. Mais le Brexit changera la nature de la coopération militaire entre la Grande-Bretagne et l’UE, y compris d’un point de vue légal. Puis, il y a la question des résidents européens qui vivent au Royaume Uni, et des citoyens britanniques qui résident dans l’Union. La Roumanie aussi compte un nombre significatif de ses nationaux établis au-delà de la Manche. L’on compte des étudiants, mais également des travailleurs ».
Mais le Brexit changera forcément aussi le rapport de forces au sein de l’UE, entre les Etats membres de l’Union. Déjà, les deux, trois dernières années, la voix britannique a été de moins en moins audible à Bruxelles, estime Andrei Ţărnea. On revient dorénavant au moteur franco-allemand, une formule, certes, différente de celle que l’on avait connue au début de l’UE, mais une formule qui reprend des couleurs, dans un contexte géopolitique international, régional et économique bouleversé. Andrei Ţărnea :« L’on revient à cette formule historique. La Grande-Bretagne n’était d’ailleurs pas membre fondateur de l’Union. Elle a pu rejoindre l’Union seulement après que De Gaulle eut quitté le pouvoir en France. De Gaulle s’était opposé à l’entrée du Royaume-Uni dans ce que c’était alors la Communauté économique européenne, devenue plus tard l’Union européenne. Le fait que la Grande Bretagne a toujours été partisane de l’élargissement de l’Union a son importance dans le contexte. Elle soutenait un élargissement basé sur le marché commun et sur le fonctionnement cohérent des Etats qui adhérent à une communauté de principes et de valeurs démocratiques. »
Mais que serait différent demain, quelle serait la nouvelle dynamique des relations internationales, une fois le Brexit acté ? Iulian Chifu, à la tête du Centre pour la prévention des conflits, met en exergue le changement attendu au niveau de l’Union européenne. « La sortie annoncée du Royaume-Uni de l’UE, seul Etat membre de l’Union, avec la France, membre du Conseil permanent des Nations Unies et détenteur de l’arme nucléaire, laissera la voix libre à l’affirmation de la singularité française au sein de l’Union, que l’on veuille ou non. La France envisagera donc, et elle a déjà commencé à le faire, une plus grande responsabilité, un rôle plus important dans la défense européenne. Il est certain qu’il est difficile d’accepter que la défense de l’Europe tombe dans l’escarcelle de la France seule. Surtout, si de cette équation l’on éliminait les Etats-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne, la Norvège et la Turquie, en plus des Etats européens qui ont déjà fait le pari de la neutralité, tels l’Autriche, la Suède, la Finlande, le Danemark et l’Irlande. Il y a une mise financière, bien évidemment. Mais par-dessus tout, le retrait britannique laissera un vide, parce que, au niveau de l’Union, la Grande-Bretagne a joué un rôle d’arbitre, un rôle censé équilibrer les rapports des forces. Vous connaissez l’adage du perfide Albion, qui n’a jamais d’alliés permanents, mais suit toujours ses intérêts. Eh bien, c’est en suivant cette politique que le Royaume-Uni était l’allié de l’Allemagne en matière de politiques économiques, et l’allié de la France en matière de défense. Maintenant, le Brexit vient modifier cet équilibre au sein de l’Union et, à l’avenir, le poids du couple franco-allemand se retrouvera renforcé. Leurs voix mises ensemble ne pourront être renversées que par les voix réunies des 13 Etats membres qui les suivent dans la hiérarchie européenne en termes de puissance, poids stratégique, voix. Pour faire bref, le couple franco-allemand imposera dorénavant son agenda au sein de l’Union ».
Et au professeur Chifu de souligner combien les conséquences du Brexit dépasseront de ce fait, et de loin, le poids actuel du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne. (Trad. Ionut Jugureanu)