Significations de la visite du pape François en Roumanie
20 ans après la première visite d’un souverain pontife dans un pays majoritairement orthodoxe, le pape François, chef de l’Eglise catholique, est venu en Roumanie, dans le cadre d’une visite d’Etat placée sous le signe de l’unité de la foi chrétienne. Une visite qui a commencé par des moments diplomatiques ; le souverain pontife a parlé de la fraternité de sang dont se revendiquent tant le catholicisme que l’orthodoxie.
Corina Cristea, 23.08.2019, 15:00
Le pape François : « Les liens de foi qui nous unissent tirent leur origine des apôtres, témoins de Celui qui est ressuscité, notamment du lien qui unissait Pierre à André – celui qui, selon la tradition, a apporté la foi sur ces terres. Ils ont même été frères de sang, et ce d’une manière spéciale, en versant leur sang pour le Seigneur. Ils nous rappellent qu’il existe une fraternité de sang qui nous précède et qui, telle un courant silencieux et donneur de vie, n’a jamais cessé d’arroser et de soutenir notre cheminement le long des siècles. »
Le pape François a remarqué, par ailleurs, les progrès entrepris par la Roumanie ces 30 dernières années depuis qu’elle s’est engagée dans la construction d’un projet démocratique, en dépit des nombreuses difficultés et privations auxquelles elle a été confrontée. L’importance symbolique de la visite du pape dans ce pays réside en ce qu’il a appelé le prix humain payé par la Roumanie pour entrer dans le XXIe siècle – la diaspora et le rôle de l’Eglise au service de l’ensemble de la communauté, a estimé le théologien et prêtre Radu Preda pour Radio Roumanie : « Il est clair que, pour ce qui est du message social et éthique, la surface de contact et même d’identification des valeurs entre orthodoxes et catholiques est très grande. Le pape n’est pas seulement un vecteur d’image en une personne, il est la synthèse d’une histoire, une histoire qui comporte aussi des pages moins agréables, du moins vis-à-vis de nous, les orthodoxes. Mais enfin, dans le contexte international, il est clair que nous avons besoin d’une solidarité intra-chrétienne plus grande que celle de jusqu’à maintenant. Il a souligné le prix humain que nous payons pour que la Roumanie arrive au XXIe siècle. Voilà, il y a des millions de nos concitoyens, frères et sœurs, comme il les a si bien nommés, qui ont quitté leur pays dans lequel ils n’ont pas pu accomplir leur rêve et qui apportent de la valeur ajoutée dans d’autres pays, et surtout en Italie. N’oublions pas notre communauté d’Italie ; si je ne me trompe, c’est même la plus nombreuse, suivie par celle d’Espagne et celle d’Allemagne qui arrive à peine en 3e lieu, si mes souvenirs sont exacts. Il y a donc eu cet accent sur la diaspora. »
Le pape François a rendu hommage au sacrifice des fils et filles de la Roumanie qui, par leur culture, par le patrimoine de leurs valeurs et de leur travail, enrichissent les pays dans lesquels ils ont émigré, et par le fruit de leurs efforts, ils aident les familles restées au pays. A la différence de la visite pastorale de 1999 du pape Jean-Paul II, invité par les autorités étatiques et par l’Eglise orthodoxe roumaine, et qui a eu notamment un caractère œcuménique, le pape François s’est déplacé ici à l’invitation du président et de l’Eglise catholique de Roumanie. Et par des célébrations liturgiques, la visite a été tout premièrement orientée du point de vue pastoral vers les fidèles catholiques. Le voyage apostolique du pape François en Roumanie a marqué quelques premières – une durée de trois jours, ce qui n’a été le cas d’aucun autre pays européen, pendant lesquels le pape a visité tous les chrétiens catholiques dans leur diversité linguistique et liturgique, mais aussi les orthodoxes. La dernière journée de sa visite, réservée à l’Eglise gréco-catholique, a été empreinte d’un symbolisme à part. Ainsi, à Blaj, sur la Plaine de la Liberté, le pape a béatifié sept évêques uniates, martyrs du régime communiste, qui ont enduré des souffrances et ont sacrifié leur vie pour s’opposer à un système qui a réprimé des droits fondamentaux de l’homme, selon le rappel du souverain pontife.
Parlant de la visite du pape en Roumanie, Wilhelm Dancă, le doyen de la Faculté de théologie catholique de Bucarest, a opiné que : « Dans le contexte des Balkans, cette rencontre me semble d’une importance extraordinaire. Parce que si l’on regarde dans le nord de la Roumanie, en Ukraine, il y a des fractures, des divisions, des séparations dans l’Eglise orthodoxe – une tendance de rompre, de fragmenter l’unité chrétienne. Deux ou trois églises y coexistent déjà – l’une qui relève de Moscou, une autre de Constantinople et une troisième ne relève de personne, elle est donc autonome. En République de Moldova, il existe, là encore, deux communautés – une métropolie relevant de Moscou et une qui relève de Bucarest. Plus au sud, l’Eglise orthodoxe de Bulgarie relève de Moscou, pas de Constantinople. L’Eglise de République de Macédoine du Nord a rompu avec la Serbie et souhaite s’affilier à l’Eglise orthodoxe de Bulgarie. Vous voyez bien qu’il existe des tendances de séparation, d’unification, de départ sur de nouvelles bases, et la seule église qui fait passer un message d’unité et d’église en quelque sorte unitaire, c’est l’Eglise orthodoxe de Roumanie. »
Le pape François disait : « Je suis venu dans ce beau pays accueillant en tant que pèlerin et frère, pour vivre différentes rencontres. Et maintenant je rentre enrichi, emportant avec moi des lieux et des moments, mais surtout des visages. Vos visages conféreront de la couleur à mes souvenirs et seront présents dans ma prière. Je vous remercie et je vous emmène avec moi ! Et maintenant je vous bénis, mais auparavant, je vous demande une faveur : priez pour moi ! »
C’étaient les propos tenus par le souverain pontife à la fin de sa visite en Roumanie. (Trad. Ligia Mihaiescu)