Les mécanismes de l’économie roumaine
L’économie roumaine se targue d’une croissance de 7% pour l’année 2017 par rapport à l’année précédente, la plus importante enregistrée lors des neuf dernières années, selon l’Institut national de la statistique.
Corina Cristea, 02.03.2018, 12:36
L’économie roumaine se targue d’une croissance de 7% pour l’année 2017 par rapport à l’année précédente, la plus importante enregistrée lors des neuf dernières années, selon l’Institut national de la statistique.
Si la Roumanie se positionne ainsi en tête du peloton des Etats de l’UE en termes de croissance économique, les analystes ne manquent pas de marquer leur scepticisme et de souligner les fondements fragiles de ces bons résultats. Parce que, d’une part, la croissance enregistrée repose en grande partie sur une consommation effrénée et que, d’autre part, croissance économique et développement ne vont pas toujours dans la même direction. « C’est bien la consommation des ménages, stimulée par la baisse des taxes et les augmentations salariales enregistrées dans l’intervalle, qui a représenté le moteur principal de cette croissance. En revanche, les investissements publics sont en berne et baissent pour la deuxième année consécutive », avertissait récemment la Commission européenne. Aussi, la Commission table sur une baisse prochaine du taux de croissance de la Roumanie, ramené à 4,5% pour cette année et à 4% pour l’année prochaine. Ces chiffres, similaires par ailleurs aux prévisions réalisées par la Banque Mondiale, sont parus dans les Prévisions économiques intermédiaires, bulletin édité par la Commission.
Invité par Radio Roumanie, Dan Suciu, porte-parole de la Banque nationale de la Roumanie, explique qu’en effet, si on regardait attentivement, on constaterait que le moteur de cette croissance est dû en grande partie à la seule consommation des ménages.
Dan Suciu : « En même temps, l’année dernière la production industrielle a battu des records. C’est la bonne nouvelle. Mais, d’un autre côté, il est certain que la hausse des prix enregistrée est à mettre en rapport avec cette hausse de la consommation, car vous le savez sans doute, l’accroissement de la demande fait monter les prix. Il s’agit d’un principe économique, on n’y peut rien. Maintenant, ce n’est pas que je sois opposé à la hausse des salaires, il ne s’agit pas de cela, mais je ne peux pas ignorer ses effets et ne puis m’empêcher de réagir. Parce que, voilà, bon, les salaires ont augmenté, c’est très bien, mais maintenant allons voir comment faire pour accroître de manière proportionnelle la productivité, pour refaire l’équilibre. Réfléchissons comment faire pour multiplier les moteurs de la croissance économique roumaine, parce qu’elle dispose certainement d’un potentiel de croissance qui ne peut pas être fondé sur la seule consommation ou encore sur la seule production industrielle. Et là, je vise en particulier les investissements publics, et encore bien d’autres éléments dont on dispose, mais que l’on a manqué de mettre en valeur pour l’instant. Nous avons misé sur un seul moteur de croissance, ou sur un moteur et demi. C’est largement insuffisant ».
En outre, l’accroissement effréné de la consommation a induit des effets indésirables sur le déficit commercial qui, lui, a grimpé de 30% en 2017, comme Mugur Isarescu, le gouverneur de la Banque nationale ne manquait pas de le souligner lorsqu’il a présenté le dernier rapport sur l’évolution de l’inflation. Parmi les problèmes de nature structurelle mentionnés dans ce rapport, le gouverneur visait, en dehors de l’accroissement du déficit commercial, l’importance de la reconquête du marché intérieur par les producteurs roumains, plus urgente selon lui que la montée même des exportations, notamment dans le cas de l’industrie alimentaire.
L’analyste financier Aurelian Dochia explique: « Evidemment, lorsqu’il est question de satisfaire les besoins de consommation des Roumains, on constate que plusieurs secteurs de l’économie ne sont pas capables de couvrir la demande de consommation. Sans doute, le meilleur exemple est celui de l’industrie agro-alimentaire, car elle a du potentiel de production. Le gouverneur de la Banque nationale lui-même a mentionné en ce sens la production de fruits, et notamment de pommes. Malheureusement, bien que nous ayons des superficies importantes de vergers à travers le pays, et que nous aurions la capacité de produire, ces fruits n’arrivent pas sur les étals de magasins, à cause notamment d’une organisation déficitaire des producteurs. »
Un autre problème structurel souligné par Mugur Isarescu a trait aux tensions qui s’accumulent et aux dysfonctionnements du marché du travail.
Quelles en sont les conséquences? Réponse avec Aurelian Dochia: « Ces derniers temps les tensions s’accentuent sur le marché du travail en raison du fait que la demande des sociétés ne peut plus être comblée, ni en termes de nombre de salariés, ni en termes de structure. Cela a sans doute des effets négatifs sur les coûts de la main d’œuvre et sur la structure de la production. Car nous ne pouvons pas prétendre de développer l’économie dans des secteurs ayant une valeur ajoutée importante, tels la production industrielle ou les services, si nous ne disposons pas de la main d’œuvre adéquate pour ces secteurs. Si nous ne trouvons pas de solution à ce problème, nous courons le risque de rester à jamais dans une zone de la production de l’économie à valeur ajoutée réduite. Cela se traduira, pour nous tous, par un niveau de développement et un revenu par d’habitant qui n’approche même pas le niveau moyen de l’UE. »
Notons pour terminer qu’au second semestre de 2017, la Roumanie a connu une des croissances du taux d’inflation les plus rapides d’Europe, à savoir une montée de 0,9 à 3,3% en six mois seulement. (Trad. Ionut Jugureanu)