Le phénomène des « fausses nouvelles »
Ces fausses nouvelles, lancées sous la forme d’informations concernant un événement réel, peuvent prendre des formes multiples, depuis les fausses traductions, des soi-disant nouvelles, complètement erronées, des nouvelles se rapprochant de la vérité ou encore revêtant beaucoup d’autres formes et qui constituent autant de manipulations faussement crédibles. Pour combattre le phénomène, la Commission européenne a récemment constitué un groupe d’experts.
Corina Cristea, 09.02.2018, 13:03
Ces fausses nouvelles, lancées sous la forme d’informations concernant un événement réel, peuvent prendre des formes multiples, depuis les fausses traductions, des soi-disant nouvelles, complètement erronées, des nouvelles se rapprochant de la vérité ou encore revêtant beaucoup d’autres formes et qui constituent autant de manipulations faussement crédibles. Pour combattre le phénomène, la Commission européenne a récemment constitué un groupe d’experts.
L’un des 39 membres de ce groupe, composé d’informaticiens, de membres des médias, du milieu académique ou encore des sociétés de nouvelles technologies, telles Facebook, Google ou Twitter, la Roumaine Alina Bărgăoanu, professeure et doyenne de la Faculté de Communication et de Relations publiques de l’Ecole nationale des sciences administratives et de l’administration (la SNSPA) de Bucarest, explique tout ce que le terme générique de « fake news » est censé recouvrir.
Alina Bărgăoanu : « C’est ce mélange entre le vrai et le faux, entre des nouvelles partiellement vraies et des nouvelles partiellement fausses. Mais ce dont le groupe d’experts est chargé de s’occuper constitue une matière autrement plus ample. On se penche sur les malformations de l’écosystème informationnel, c’est ce que j’ai appelé le nouveau désordre informationnel. On aborde là un ample registre, depuis la propagande informatique, les usines des « j’aime », les algorithmes qui sont à même de générer du contenu, l’ecochamber, la désinformation. Donc l’aire d’action qu’étudie ce groupe d’experts est autrement plus étendue que simplement l’action des « fake news ». »
C’est dans ce contexte que la Commission européenne a lancé une large consultation en ligne ouverte jusqu’au 23 février prochain sous la forme d’un questionnaire, afin de recueillir les informations et les données essentielles concernant le phénomène. La Commission utilise pour ce faire deux types de questionnaires, le premier adressé aux individus, le second conçu à l’intention des organisations et des journalistes.
Le Pr Daniel Mihai Şandru de la Faculté de Droit de l’Université de Bucarest apporte quelques éclaircissements : « Il faudrait élargir le cadre de cette discussion, la manière dont on débat de l’apparition des fausses nouvelles. On aborde dans le contexte le concept de neutralité d’Internet, la proposition de la Commission concernant les droits d’auteur en ligne et la protection des liens sur Internet ainsi que toutes les autres actions régies par la Commission européenne et qui touchent la réglementation de l’Internet, dont le règlement général de la protection des données personnelles, qui est un règlement essentiel, et qui sera d’application à partir du 25 mai 2018. »
La Commission européenne proposera d’ici la fin de cette année, l’année prochaine au plus tard, des actions législatives en la matière, nous assure encore le professeur Şandru. L’objectif des fausses nouvelles, c’est évidemment de manipuler l’opinion publique, de changer la perception publique sur un certain acteur, politique par exemple, d’influencer le vote, de créer un courant hostile ou, a contrario, de présenter de manière tendancieuse une certaine action sous un jour favorable. Le vote qui a eu lieu à l’été 2016 sur le Brexit, les élections organisées aux Etats-Unis quelques mois plus tard représentent bien les deux situations qui nous ont mis la puce à l’oreille. Les agences de presse ont mis en avant l’implication évidente, y compris de nature financière, de certains citoyens russes ou encore de certaines associations, parfois directement subventionnées par l’Etat russe et dont les employés, les trolls comme on les appelle, mènent de véritables campagnes via les réseaux sociaux en propageant de fausses informations.
Interrogé récemment par le Parlement européen, le commissaire européen pour la Sécurité, Julian King, a pu ainsi accuser sans ambages Moscou de diffuser des informations mensongères dans le but évident de déstabiliser le bloc communautaire, face à quoi Moscou ne se donne même plus la peine de protester. « La doctrine militaire officielle de la Russie, les déclarations de certains haut gradés russes considèrent que l’utilisation de fausses informations et de la propagande à objectifs déstabilisants constituent autant de moyens légitimes, une sorte de force armée d’un autre ordre », précisait Julian King, qui mettait l’accent sur la manière dont la Commission réagit face aux fausses nouvelles :
Julian King : « La désinformation délibérée fait accroître la mise, tant pour ce qui est du principe de la liberté d’expression que pour les démocraties fonctionnelles. Le défi pour les pouvoirs publics, et ce à tous les niveaux, est représenté par leur capacité à trouver la parade, sans empiéter sur le principe de la liberté d’expression. La Commission examine ce que l’on pourrait faire pour lutter efficacement contre les fausses nouvelles et la propagande hostile, contre la désinformation en ligne, tout en gardant la bonne mesure entre la nécessité de mener ce combat et le respect des valeurs démocratiques, et notamment de la liberté d’expression. »
La propension de chacun à l’effort intellectuel, à la lecture, représente en fait la véritable parade pour comprendre si une nouvelle est vraie ou fausse, considère, à Bucarest, le politologue et professeur des universités Marius Văcărelu, car, selon lui, peu importerait finalement le désir de quelqu’un de nous mener en bateau. Pour autant que l’on maîtrisât le domaine, on ne se laisserait pas berner. Tout est donc question d’éducation. (Trad. Ionut Jugureanu)