Les effets de la nouvelle loi ukrainienne de l’éducation
Les représentants des minorités d’Ukraine déplorent notamment les effets de l’article 7 de cette loi qui limite considérablement le droit à l’éducation en langue maternelle. La loi prévoit l’introduction progressive d’un nouveau système d’éducation censé remplacer les langues des minorités par l’ukrainien. La première phase de la réforme est prévue pour le 1er septembre 2018, la deuxième pour le 1er septembre 2022 et la troisième et dernière s’appliquera à parti de 2027. Au collège, c’est-à-dire de la 5e à la 9e année d’études, la langue de l’Etat sera utilisée dans l’enseignement, avec seulement quelques éléments dans les langues des minorités nationales. Le droit à l’éducation en langue maternelle sera respecté, affirme la loi, par le biais de certaines institutions d’enseignement spécifiques, dans le cadre de classes où les cours sont dispensés non seulement en ukrainien mais aussi dans les langues des minorités nationales.
Corina Cristea, 10.11.2017, 14:50
Les représentants des minorités d’Ukraine déplorent notamment les effets de l’article 7 de cette loi qui limite considérablement le droit à l’éducation en langue maternelle. La loi prévoit l’introduction progressive d’un nouveau système d’éducation censé remplacer les langues des minorités par l’ukrainien. La première phase de la réforme est prévue pour le 1er septembre 2018, la deuxième pour le 1er septembre 2022 et la troisième et dernière s’appliquera à parti de 2027. Au collège, c’est-à-dire de la 5e à la 9e année d’études, la langue de l’Etat sera utilisée dans l’enseignement, avec seulement quelques éléments dans les langues des minorités nationales. Le droit à l’éducation en langue maternelle sera respecté, affirme la loi, par le biais de certaines institutions d’enseignement spécifiques, dans le cadre de classes où les cours sont dispensés non seulement en ukrainien mais aussi dans les langues des minorités nationales.
Ce qui plus est, les enfants des minorités peuvent étudier en leur propre langue dans certaines écoles ou bien dans le cadre des communautés ethniques respectives. L’acte réglementaire a été amplement critiqué non seulement par les autorités roumaines, mais aussi par d’autres pays de la région ayant des communautés ethniques en Ukraine. Les responsables de ces pays ont rappelé que conformément à la Convention-cadre pour la protection des minorités, les Etats s’engagent à reconnaitre le droit de toute personne appartenant à une minorité nationale d’utiliser sa langue maternelle durant un cycle d’enseignement. Les réactions de Bucarest n’ont pas tardé et sont allées jusqu’à l’ajournement de la visite officielle du président roumain Klaus Iohannis en Ukraine.
De l’avis des critiques, la loi est susceptible de générer des conflits, des mécontentements dans la société ukrainienne et de l’instabilité. Présent dans la salle de réunion de la Rada suprême de Kiev, soit le parlement ukrainien, le député Grigore Timis, ethnique roumain, n’a pas participé au vote, retirant sa carte de député du système électronique de vote pour protester ainsi contre l’adoption de cette loi. Dans le cadre d’une émission à la radio publique roumaine, Grigore Timis a précisé que la décision des autorités de Kiev intervenait sur la toile de fond de la russification dans l’est du pays. Pourtant, cette mesure touche toutes les minorités d’Ukraine : « Si jusqu’ici, nous, les Roumains, nous avons eu la possibilité de nous enorgueillir d’une bonne centaine d’écoles, actuellement il n’y en a qu’un peu plus de 70. Leur nombre ne fait que diminuer du jour au lendemain. Notamment dans la région de Cernauti, elles sont une soixantaine. L’actuelle loi prévoit l’utilisation de la langue des minorités uniquement à la maternelle et dans l’enseignement primaire. Du reste, les disciplines seront enseignées en ukrainien, seule la littérature sera étudiée dans la langue de chaque minorité. »
Près d’un demi-million d’ethniques roumains vivent dans le pays voisin, la plupart d’entre eux habitant les territoires roumains de l’Est, annexés en 1940 suite à un ultimatum, par l’ex URSS, et repris en 1991 par l’Ukraine, en tant qu’Etat successeur. Bucarest a critiqué à plusieurs reprises l’adoption de la nouvelle loi ukrainienne de l’éducation. Le ministère des Affaires étrangères de Bucarest et celui pour la relation avec les Roumains du monde ont eux aussi pris position. Enfin, des responsables de deux pays ont eu plusieurs rencontres à ce sujet. Le président ukrainien, Petro Porochenko, n’a pas pour autant changé d’avis. Il a donc signé, début septembre, la loi adoptée par la Rada suprême, soit le parlement de Kiev. Sur demande de la Roumanie, qui a bénéficié de l’appui de cinq autres pays, le cas est arrivé sur la table de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, laquelle a adopté une résolution critique sur la nouvelle loi ukrainienne de l’éducation. Selon ce document, « lorsque les États prennent des mesures pour promouvoir la langue officielle, celles-ci doivent aller de pair avec des mesures visant à protéger et à promouvoir les langues des minorités nationales. Si cela n’est pas fait, le résultat sera l’assimilation, et non l’intégration. »
Des difficultés existent aussi quand il s’agit du respect du droit à l’enseignement en langue maternelle des membres de la communauté roumaine de Transnistrie, région séparatiste dans l’est de la République de Moldova. Là, les lycées qui dispensent des cours en roumain sont la cible permanente des politiques anti-roumaines des séparatistes transnistriens. Un exemple en ce sens est celui du Lycée « Etienne le Grand », de la ville de Grigoriopol, que les autorités de Tiraspol ont privé de son siège il y a 15 ans.
Voilà pourquoi élèves et enseignants sont obligés de faire la navette, chaque jour, dans la localité de Dorotskaïa, où les cours se font en roumain. Voici les explications d’Eleonora Cercavschi, directrice de cet établissement scolaire : « Cela fait plusieurs dizaines d’années que nos droits sont bafoués. Nous nous sommes adressés à la Cour européenne des droits de l’homme, qui nous a rendu justice. Depuis cinq ans déjà, nous ne cessons de nous battre pour nos droits, mais malheureusement, les choses n’ont pas bougé d’un iota. C’est pourquoi on est venus signaler à la Fédération de Russie que notre plaie reste ouverte et qu’elle saigne. »
Cette déclaration a été faite à l’occasion d’une manifestation devant l’Ambassade de Russie à Chişinău, dénonçant le fait que Moscou ne respectait pas la décision de la CEDH du 19 octobre 2012. Rappelons-le, dans le document mentionné, le gouvernement russe était reconnu coupable de violation du droit à l’instruction en langue maternelle des communautés vivant dans la région séparatiste de Transnistrie. (Corina Cristea)