La Roumanie est-elle plus près de l’espace Schengen?
Les raisons invoquées à travers le temps étaient liées notamment au fait que les autorités de Bucarest n’avaient pas réussi à accomplir les objectifs assumés dans le cadre du mécanisme de coopération et de vérification. Il s’agit d’objectifs relatifs à la corruption, à la Justice et à la lutte contre le crime organisé. Le fait que la Roumanie a rempli tous les critères techniques, progrès reconnu par tous les Etats membres depuis plusieurs années, figure constamment dans des déclarations de certains décideurs de Bruxelles ou dans différentes chancelleries occidentales, mais la mise en œuvre proprement-dite tarde. Sur la toile de fond d’un afflux massif de réfugiés vers l’Europe de l’ouest, ces dernières années, l’objectif de la Roumanie semble être de plus en plus réalisable.
Corina Cristea, 20.10.2017, 11:59
Dans son discours sur l’état de l’UE, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a plaidé en septembre pour que les deux pays soient admis à l’espace de libre circulation européenne. Ce message a été repris par le commissaire européen à la Sécurité, Julian King, qui a fait une visite à Bucarest durant la même période, mais aussi par la rapporteuse spéciale Ulla Schmidt. Celle-ci s’était rendue à Bucarest pour présenter un document visant à promouvoir la stabilité dans la région de la mer Noire. Elle a déclaré que l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’espace Schengen constituait un pas obligatoire, vu que les conditions préliminaires avaient déjà été remplies. « L’initiative des synergies de la mer Noire doit être ravivée et complétée par une stratégie macro-régionale. Je crois que pour la période 2018 – 2019, lorsque la Roumanie et la Bulgarie assumeront la présidence de l’UE, ces mandats mettront en évidence l’immense potentiel de la région de la mer Noire », a souligné Ulla Schmidt. Selon le rapport de la responsable européenne, la région de la mer Noire a un immense potentiel. Les pays de la région peuvent soit se développer dans une direction positive, soit se confronter à de nouvelles crises.
En septembre, la Commission européenne a officiellement demandé à tous les gouvernements des Etats membres de l’Union d’approuver l’adhésion totale de la Roumanie et de la Bulgarie et a souligné le besoin d’achever sans délai ces procédures afin de renforcer la sécurité de l’UE face au terrorisme et aux défis liés à la migration.
A Bucarest, l’analyste politique Bogdan Chirieac est quant à lui sceptique au sujet des chances d’adhésion à Schengen, et cela même si Jean-Claude Juncker s’était ouvertement prononcé en faveur de l’entrée de la Roumanie dans l’espace européen de libre circulation.
Bogdan Chirieac : « Vous savez très bien que des réactions sont apparues là où on ne s’y attendait pas, y compris en Autriche, contre l’adhésion des deux pays à l’espace Schengen. Par ailleurs, à mon sens, la Roumanie et la Bulgarie ne devraient plus adhérer à cet espace puisqu’elles se verraient confronter à des problèmes insurmontables avec la migration. Pour le moment, la Roumanie n’est qu’une route collatérale pour les flux migratoires, puisque les migrants tentent d’entrer directement dans l’espace Schengen. Donc de ce point de vue, en adhérant à l’espace de libre circulation, nous rendrions un immense service à l’UE, plutôt qu’obtenir des avantages réels. »
Les aspirations de la Roumanie demeurent toutefois inchangées. Reste à voir si le signal encourageant venu de Bruxelles pourra aider à solutionner quelque chose là où des Etats tels les Pays-Bas afficheront toujours des réserves. Invité au micro de la Radio publique roumaine, l’analyste de politique étrangère Cornel Codita explique : «A présent, il y a un clivage, une rupture entre ce que souhaite la Commission et ce que les médias mettent en avant, entre ce que le président de la Commission évoque et disons les humeurs des leaders politiques des principaux Etats européens, non seulement des Pays-Bas. Malheureusement, je crois que c’est le projet redessiné par le président français Emmanuel Macron qui aura gain de cause. C’est-à-dire que l’idée d’une coopération avancée entre les pays du noyau dur de l’Union prendra plus de substance et toute la construction Schengen sera réorganisée. On aura donc à faire à un Schengen de ceux du noyau principal et à quelque chose de différent pour les autres. Donc si une décision politique n’est pas adoptée en une année, une année et demie, disons, la Roumanie aura de moins en moins de chances d’adhérer à l’ancien mécanisme de Schengen. D’ailleurs, Emmanuel Macron vient de se prononcer pour dire que l’ancien système Schengen, c’est-à-dire le système en place, ne fonctionne plus. »
Pour le moment, conformément à une lettre d’intention signée par Jean-Claude Juncker, Bruxelles a proposé des mesures visant à maintenir et à consolider l’espace Schengen. La Commission a proposé d’actualiser le code des frontières Schengen, afin d’adapter les normes sur la réintroduction temporaire des contrôles aux frontières aux besoins actuels. Cette mesure vise à répondre aux menaces graves à l’adresse de l’ordre public et de la sécurité interieure, des menaces qui ne font qu’évoluer. (Trad. Alex Diaconescu)