Les cartes SIM prépayées dans l’équation du térrorisme
Avec de plus en plus d’éléments inconnus, l’équation du terrorisme est de plus en plus difficile à résoudre, malgré les efforts soutenus en ce sens. Bien que 15 années de lutte coordonnée contre ce fléau soient déjà passés, le terrorisme ne cède pas. Bien au contraire, on dirait que la radicalisation de la guerre contre les extrémistes et la riposte de ceux-ci sont renforcées d’un jour à l’autre. DAESH, ou l’organisation auto-intitulée Etat Islamique, devient de plus en plus fort. Il consolide ses positions, continue à recruter des adeptes et à organiser des attentats au cœur même de l’Europe.
Corina Cristea, 19.08.2016, 13:30
Une Europe qui alloue des sommes énormes dans sa tentative de lutter contre le terrorisme et qui se voit contrainte de se défendre en limitant les droits et libertés de ses citoyens. Ce sont des mesures qui suscitent de vives controverses au sein du Vieux continent et de l’UE. D’un côté, il y a ceux qui estiment que les mesures de surveillance sont justifiées, car ayant pour objectif la protection de la population face à des agresseurs imprévisibles qui fonctionnent selon des règles difficiles à comprendre pour les Européens. De l’autre côté, de nombreuses voix affirment que l’atteinte à la vie privée est inacceptable. Une telle polémique a récemment vu le jour en Roumanie autour des cartes de téléphonie mobile prépayées.
Et pour cause : la Roumanie est un des derniers pays en Europe où l’on peut s’acheter de telles cartes sans présenter de pièce d’identité. Or, le sujet a commencé à agiter les esprits après que le premier ministre Dacian Ciolos eut déclaré dans une émission télévisée que des cartes prépayées achetées en Roumanie auraient été utilisées pour préparer des attentats en Europe. Est-il important de connaître les données des acheteurs de telles cartes ? Oui, affirme haut et fort Flavius Dumbravă, analyste du domaine des renseignements. Dans une émission sur Radio Roumanie, il expliquait: «Ici on ne parle pas uniquement de terrorisme. Parfois, les gens ont tendance à juger de manière trop simple cette question en disant : «mais nous n’avons pas de terroristes ! » Ou bien «cela peut arriver à n’importe qui, mais pas à nous ». Il s’agit en fait de plusieurs niveaux : trafic de drogue, traite de personnes, corruption… on voit très bien combien de choses se passent. Il y a tant de parents exaspérés de ne plus savoir quoi faire pour sauver leurs enfants. Or il est impossible de dépister les trafiquants de drogue qui se servent de toutes sortes de moyens. Les cartes prépayées ne doivent pas devenir une arme. Les moyens de communication électronique en général ne doivent pas devenir une arme, ni pour le terrorisme, ni pour la corruption, ni pour la traite d’êtres humains. Ils doivent s’inscrire dans la normalité d’un pays qui est démocratique depuis déjà longtemps. »
En l’absence d’une réglementation en ce sens en Roumanie, les organisations terroristes peuvent se procurer des cartes SIM anonymes sans problèmes, mettent en garde ceux qui estiment qu’il est nécessaire de connaître les données personnelles des acheteurs. Adoptée par le Parlement de Bucarest au début de l’été 2014, la loi qui rendait les cartes prépayées accessibles uniquement sur présentation de pièces d’identité a été déclarée non constitutionnelle trois mois plus tard. Dans la vision des juges, cette loi ne vient que compléter la loi dite «Big Brother», qui permet de stocker pendant 6 mois les données à caractère personnel. Une loi déclarée à son tour inconstitutionnelle.
Georgiana Iorgulescu, directrice du Centre de Ressources juridiques, affirme que les débats au sujet de la législation anti-terroriste manquent de transparence, et que des consultations publiques à ce sujet sont encore nécessaires : « Le fait qu’il existe des actes terroristes n’implique pas automatiquement la suspension de nos droits. Utilisant comme argument cette menace terroriste, plus ou moins évidente dans le cas de la Roumanie, nous entrons dans une zone grave, d’attentat à la vie privée du citoyen et au secret de la correspondance, sans que les autorités fournissent d’explication. »
Georgian Pop, chef de la Commission parlementaire de contrôle de l’activité du Service roumain de renseignements, présente plusieurs arguments en faveur du besoin de mettre en corrélation la législation roumaine avec les mesures anti-terroristes de l’UE : « Il faut soutenir toutes les institutions en charge de la prévention parce qu’il ne faut pas poursuivre les terroristes après que ceux-ci perpètrent un attentat pour les déférer à la Justice. Le but, c’est qu’ils ne commettent pas d’attentats susceptibles de se solder par des morts et des blessés. Dans le cadre des infractions assimilées au terrorisme, il faut introduire aussi l’entraînement, le recrutement et le financement du déplacement d’un citoyen européen dans un camp d’entraînement des terroristes. En plus, il faut renforcer davantage le contrôle du commerce et évidemment du trafic d’armement, d’explosifs et de matériel qui peut servir à la fabrication d’engins explosifs artisanaux. »
« Paradoxalement, ajoute Georgian Pop, un garde forestier roumain a la possibilité de vérifier l’identité et le contenu du sac à dos d’un braconnier présumé, alors qu’un officier antiterroriste des renseignements généraux ou extérieurs ou de l’armée n’a pas le droit de vérifier l’identité d’un suspect de terrorisme à proximité d’un aéroport roumain, même si l’agent en question a reçu l’information selon laquelle une bombe pourrait se trouver dans le sac du suspect ». (trad Valentina Beleavski, Alex Diaconescu)