Quel avenir pour l’accord de Schengen?
La politique d’accueil promue par l’Allemagne attire les Afghans et les Pakistanais; elle a été un beau geste moral, mais Angela Merkel doit passer maintenant l’examen de la responsabilité pour la protection de la communauté politique de l’Europe et de ses frontières extérieures. C’est ce qu’a déclaré le président du Conseil Européen, Donald Tusk. A son avis, certains Etats qui avoisinent l’UE pourraient se servir des réfugiés en tant qu’arme dans une guerre hybride, démarrée contre le bloc communautaire dans le but d’obtenir des faveurs de sa part. Si les frontières extérieures de l’UE ne sont pas sécurisées, ce sera la chute de l’espace de libre circulation Schengen et la peur, qui s’amplifiera au sein de la population européenne, favorisera l’ascension des partis radicaux, a encore mis en garde Donald Tusk. Selon de récentes données, plus de 310.000 réfugiés sont arrivés en Grèce depuis le début de l’année, après avoir traversé la Mer Egée depuis la Turquie.
Corina Cristea, 16.10.2015, 13:56
Les responsables turcs n’auraient empêché que quelques dizaines de milliers de personnes de franchir le seuil l’espace communautaire. Un accord entre l’UE et la Turquie vient d’être annoncé. Aux termes du document, l’UE s’engage à accroître l’assistance financière accordée à Ankara et à accueillir des réfugiés en provenance de Turquie. En échange, le gouvernement turc promet d’ouvrir 6 nouveaux camps destinés aux réfugiés. Selon l’Agence européenne pour la protection des frontières extérieures de l’UE, Frontex, plus de 710.000 migrants ont gagné le territoire de l’UE au cours des 9 premiers mois de l’année. Ils ont été 282.000 en 2014.
Récemment, Frontex a demandé aux Etats membres de l’Union de mettre à sa disposition environ 800 policiers aux frontières afin de « mieux gérer la pression migratoire ». Fabrice Leggeri, directeur exécutif de l’Agence, explique: «Certains Etats membres doivent comprendre qu’au lieu de déployer des centaines de policiers à la frontière nationale, ce serait plus utile de les envoyer aux frontières extérieures de l’UE.» Cette vague migratoire, la plus ample depuis un demi-siècle, a mis en question l’avenir de l’espace de libre circulation Schengen, qui permet à plus de 400 millions de citoyens de 26 Etats membres de l’Union et tiers, de traverser les frontières de leurs pays sans contrôles préalables. La libre circulation a ses bénéfices, mais aussi ses risques et les Etats membres de l’espace Schengen doivent gérer les deux.
La vague migratoire complique davantage les choses, 30 ans après la concrétisation de la coopération entre les gouvernements de la Belgique, de la France, de l’Allemagne, du Luxembourg et des Pays-Bas, sur l’abolition graduelle des contrôles aux frontières communes. Bucarest aspire depuis longtemps déjà au statut de membre de l’espace Schengen. Son aspiration aurait dû se concrétiser en 2011, vu que la Roumanie remplissait à ce moment-là les critères techniques nécessaires. Peut-on considérer la crise migratoire comme un test censé vérifier la capacité de Bucarest d’agir en tant que membre de l’espace Schengen et de contribuer à y trouver une solution?
Voici les déclarations en ce sens du président roumain Klaus Iohannis: «La Roumanie souhaite continuer d’être une partie de la solution. La Roumanie est solidaire avec les autres Etats membres de l’UE. Nos approches de la situation sont fondées sur la solidarité et la responsabilité. Nous resterons aux côtés des autres Etats membres et nous contribuerons aux solutions. La sécurité des frontières extérieures est un chapitre auquel la Roumanie se porte bien. Même si elle n’est pas encore membre de Schengen, la Roumanie prend très au sérieux sa mission de défendre les frontières extérieures de l’UE, enregistrant de très bons résultats. La Roumanie se comporte de facto comme si elle était membre de l’espace Schengen.»
Ces dernières années, l’entrée dans Schengen a été reportée pour des raisons de politique intérieure de certains Etats membres de l’UE. On a également raté une éventuelle remise en question du sujet, lors du Conseil Justice et Affaires Intérieures ténu début octobre. A ce moment-là, c’est la Roumanie, elle-même, qui a demandé le retrait de ce point de l’ordre du jour, car elle savait très bien que la décision ne lui serait pas favorable – a expliqué le premier ministre, Victor Ponta.
Récemment, lors d’une conférence organisée par la Commission parlementaire chargée de l’adhésion à l’espace Schengen, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Titus Corlăţean, précisait que cette adhésion ne dépendait pas de ce que la Roumanie réalisait du point de vue technique, mais du contexte politique européen, pas du tout propice à son entrée dans Schengen ; cette fois-ci, il s’agit notamment de la vague de migrants qui déferle sur l’Europe : « Les rapports rédigés par les nombreuses équipes de l’Agence européenne Frontex, qui se sont rendues aux frontières de la Roumanie, semblent être gardés seulement pour que Frontex soit renseignée, ils n’arrivent pas sur la table des décideurs politiques. Il y a toujours eu des facteurs qui ont rendu inopportune l’adhésion de notre pays et, pour être franc, je dirais que ces facteurs ont été en général extérieurs à la Roumanie. »
Pour les mois à venir, on ne s’attend pas, non plus, à un changement d’attitude radical de la part des Etats appartenant à l’espace de libre circulation, qui nous permette d’espérer une prochaine adhésion de la Roumanie à cet espace.(Trad.: Valentina Beleavski, Dominique)