Bucarest et la stratégie de l’OTAN
Membre de l’OTAN depuis 2004, la Roumanie harmonise sa stratégie militaire avec celle de ses partenaires. La consolidation de son système défensif et les exercices militaires auxquels Bucarest participe aux côtés des autres membres de l’Alliance s’inscrivent dans ces efforts déployés à cette fin.
Corina Cristea, 19.06.2015, 13:20
Membre de l’OTAN depuis 2004, la Roumanie harmonise sa stratégie militaire avec celle de ses partenaires. La consolidation de son système défensif et les exercices militaires auxquels Bucarest participe aux côtés des autres membres de l’Alliance s’inscrivent dans ces efforts déployés à cette fin.
Le chef de l’Etat major général de l’armée roumaine, le lieutenant général Nicolae Ciucă, explique: « L’année 2015 a été marquée dès le début par la décision d’appliquer les mesures adoptées à la fin du sommet de l’OTAN de Newport, au Pays de Galles. Suivant cette décision politique, toute une série d’exercices ont été organisés, couvrant tout l’éventail des missions militaires. En ce moment même, des exercices sont en déroulement, aussi bien en Roumanie que dans les centres d’instruction d’autres pays, étant organisés conjointement avec nos partenaires. D’autres exercices sont en préparation, étant prévus pour la seconde moitié de l’année. »
Plus de mille militaires de 25 Etats membres de l’OTAN participent ces jours-ci sur le polygone militaire de Cincu, au centre de la Roumanie, à un exercice de défense collective. Celui-ci apporte une nouveauté dans l’histoire de l’Alliance : un commandement militaire de l’OTAN est déplacé temporairement en Roumanie. L’exercice, qui doit s’achever fin juin, fait partie d’une ample série d’opérations de l’OTAN mobilisant près de 14 mille militaires à la frontière Est de l’Alliance, là où se trouve l’Ukraine, dévastée par un conflit armé dans les régions séparatistes pro-russes. La situation en Ukraine demeure difficile, engendrant des tensions qui couvent. Ce pourquoi Washington lui accorde une attention maximale.
La correspondante de la Radio roumaine aux Etats-Unis, Doina Saiciuc, cite le porte-parole du Pentagone, le colonel Steve Warren. Celui-ci affirme que les Etats-Unis ont consolidé le pré positionnement d’équipements militaires pour les entraînements et les exercices conjoints sur le territoire de différents pays partenaires et fait le point sur la situation vue depuis Washington: « Il y a de grandes tensions, nous devons nous exercer et améliorer notre capacité de déploiement rapide des forces de l’OTAN, en collaboration avec le pays partenaire respectif, pour nous assurer que si l’on est confronté à une situation d’urgence, si quelque chose arrive, l’instabilité n’affectera aucun Etat membre. Il nous faut de l’armement lourd pour nos exercices militaires. Jusqu’ici nous n’avons jamais déployé d’équipements lourds dans les pays baltes, en Pologne et en Roumanie. Ces équipements étaient stockés en Allemagne, en Europe Occidentale, bien sûr, comme un héritage de la Guerre froide. A présent nous avons besoin d’un autre positionnement américain en Europe. Or, ce pré positionnement des équipements militaires américains est un pas que nous faisons dans cette direction. »
De manière prévisible, l’intention des USA d’accroître la présence militaire américaine dans les Etats de l’OTAN en Europe de l’Est est désavouée par Moscou. Le ministère russe des Affaires étrangères a qualifié les plans de stationnement de chars des Etats Unis en Europe de l’Est de fait qui mine les dispositions-clé de l’Acte fondateur Russie-OTAN de 1997, par lequel l’Alliance a assumé son engagement de ne pas installer d’équipement militaire de façon permanente dans les pays indiqués dans ce document: « Les Etats Unis échauffent les esprits, ils ont généré et alimenté des phobies anti-russes parmi les alliés européens et pour profiter du moment difficile actuel, mais aussi pour élargir leur présence militaire en Europe, et bien évidemment aussi leur influence en Europe », estiment des sources du ministère russe des Affaires étrangères, citées par les agences de presse. Sur cette toile de fond, le leader du Kremlin a annoncé l’accroissement de l’arsenal nucléaire de la Russie de 40 missiles balistiques intercontinentaux, capables de pénétrer tout système de défense antimissile.
Vladimir Poutine : « Si quelqu’un place sous menace certains de nos territoires, nous devons pointer nos forces armées et notre force de frappe vers les territoires d’où vient la menace. Que pouvons-nous faire d’autre ? C’est l’OTAN qui arrive à nos frontières, et non pas nous qui allons quelque part. Nous sommes plus inquiets par l’élargissement du système de défense anti-missile, c’est un problème d’importance stratégique. »
L’annonce a été qualifiée par les chancelleries occidentales de « déstabilisante et dangereuse.» Dans un point de presse à Bruxelles, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a déclaré qu’une telle rhétorique de la part de la Russie explique pourquoi l’Alliance a intensifié ses préparatifs pour protéger les Etats membres de l’Est de l’Europe : « Ce bruissement d’armes nucléaires de la Russie est injustifié, c’est déstabilisant et c’est dangereux. C’est quelque chose que nous essayons de résoudre et c’est la raison pour laquelle nous avons intensifié la capacité de réponse de nos forces, nous répondons en nous assurant que l’OTAN sera à l’avenir aussi une alliance qui assure la protection de ses membres face à toute menace. »
« Personne ne veut faire des pas en arrière. Personne ne veut, je crois, un retour a une sorte de statut de Guerre froide», a déclaré aussi le chef de la diplomatie américaine, John Kerry, tandis qu’à Moscou, le ministère des Affaires étrangères a exprimé son espoir que la raison triompherait, et que la situation en Europe serait contrôlée pour ne pas glisser vers une nouvelle confrontation militaire qui peut avoir des conséquences dangereuses.(Trad. Ligia Mihaiescu, Dominique)