Les immigrés, un problème compliqué pour l’UE
En proie aux conflits et à la pauvreté, de plus en plus de personnes issues des pays tels la Libye, l’Erythrée, la Syrie, le Nigéria ou encore la Somalie, risquent leur vie pour s’embarquer depuis les villes portuaires du nord de l’Afrique, dans l’espoir de rejoindre les côtes européennes de la Méditerranée, principalement celles italiennes. Face à l’ampleur du phénomène, l’UE fait des efforts soutenus pour trouver des solutions.
Corina Cristea, 03.07.2015, 13:38
En proie aux conflits et à la pauvreté, de plus en plus de personnes issues des pays tels la Libye, l’Erythrée, la Syrie, le Nigéria ou encore la Somalie, risquent leur vie pour s’embarquer depuis les villes portuaires du nord de l’Afrique, dans l’espoir de rejoindre les côtes européennes de la Méditerranée, principalement celles italiennes. Face à l’ampleur du phénomène, l’UE fait des efforts soutenus pour trouver des solutions.
Les pays européens principalement visés par cette vague de migration ont appelé les autres Etats membres à faire preuve de solidarité et à prendre en charge, à leur tour, des nouveaux venus. Une position partagée aussi par des pays tels l’Allemagne qui a accueilli à elle seule en 2014, 250.000 demandeurs d’asile. La tragédie d’avril dernier quand 800 migrants ont péri dans le naufrage de leur chalutier, au large de l’île de Lampedusa, tout comme celle intervenue quelques jours plus tard et soldée à son tour par des centaines de morts, ont poussé les chefs d’Etat et de gouvernement européens à se réunir d’urgence pour trouver des solutions.
Une première décision a été adoptée : tripler le budget de l’opération de surveillance et de sauvetage en mer, «Triton», dont le budget initial était de trois millions d’euros par mois. Mais, selon l’Agence pour les Réfugiés des Nations Unies, le plus important serait de trouver une solution afin de diminuer les pertes de vies et de mettre en place un système d’asile européen commun. Le plan d’action pour l’immigration et l’asile présenté par la Commission européenne prévoit en fait des clés de répartition pour assurer une distribution équitable de certains réfugiés et, en cas de crise, un transfert des demandeurs d’asile entre les États membres de l’UE. Bruxelles entend alléger le fardeau de pays comme l’Italie et la Grèce qui ont accueilli les dizaines de milliers de personnes ayant traversé la Méditerranée et obtenu le statut de réfugié.
La répartition se ferait en fonction de la population, du PIB et de la capacité d’accueil de chacun des 28. Soutenue par les pays les plus exposés à la migration, la proposition a provoqué des réactions négatives de la part d’autres Etats membres tels la France ou le Royaume-Uni. Londres a marqué son opposition à la proposition de Bruxelles en affirmant qu’une distribution des migrants sur l’ensemble du vieux continent n’allait pas décourager les futures vagues de réfugiés, trop souvent victimes du trafic d’êtres humains. Poussés par le désespoir, victimes des violences et de la manipulation, ces personnes sont contraintes à payer des sommes importantes aux trafiquants dont les affaires sont de plus en plus prospères, affirme les autorités britanniques.
Pour sa part, la Commission Européenne a demandé aux Etats de l’UE dont la Roumanie, de prendre en charge sous deux ans 40.000 candidats à l’asile syriens et érythréens arrivés en Grèce et en Italie, et les a appelés à accueillir dans le même délai 20.000 réfugiés. Selon le schéma avancé par Bruxelles, ce sera à la France et à l’Allemagne d’accueillir le plus grand nombre d’immigrés, tandis qu’au pôle opposé on retrouve la Slovénie et Chypre. Pour sa mise en place, la proposition doit recevoir le vote des 28, dont plusieurs continuent à s’y opposer.
Est-ce qu’un tel projet risquerait de déstabiliser l’UE ? Le président du Centre pour la prévention des conflits, Iulian Chifu, insiste sur le fait qu’il s’agit seulement d’une proposition : « La décision appartient à chaque Etat membre. Il y en a qui disent « vous savez, moi, j’ai reçu déjà tel ou tel nombre d’immigrés ; je ne trouve pas normal que quelqu’un m’impose un nombre différent, calculé en fonction de mon PIB et de mes capacités d’accueil ». Avancé par Bruxelles, ce projet n’arrivera malheureusement pas à résoudre la situation des réfugiés. Pour cela, il faudrait une implication de tous les Etats partenaires. Par exemple, il faudrait que le Maroc, la Tunisie, l’Algérie, la Libye ou l’Egypte – tous ces pays que les réfugiés traversent pour arriver dans les ports sud-méditerranéens – mettent en place des centres de triage qui, à présent, existent seulement sur le continent. La destruction des bateaux de passeurs ne pourra pas se faire sans la contribution des pays de l’Afrique du Nord où ces personnes arrivent avant de s’aventurer en mer. Le Centre pour la prévention des conflits, en collaboration avec le Système d’alerte précoce, a élaboré un rapport basé sur des informations sur le transfert d’une partie de l’argent reçu par les passeurs vers l’Etat islamique et les groupements radicaux libyens. C’est un scénario qui reprend en quelque sorte ce qui s’est passé en Somalie avec les pirates Al-Shabab proches d’Al Quaïda. »
A l’heure où l’on parle, une question s’impose : la Roumanie est-elle prête à ouvrir ses portes à plus de 2000 immigrés, le quota décidé par Bruxelles ? Maria Voica, coordinatrice des programmes du Bureau de Bucarest de l’Organisation Internationale pour la Migration, affirme :: « L’expérience accumulée par la Roumanie en matière d’accueil et de droit d’asile nous fait penser qu’il nous serait difficile d’assumer un nombre tellement important. Outre la capacité restreinte d’accueil, le fait que toutes ces personnes ne parlent pas le roumain supposera des efforts considérables pour leur insertion sur le marché de l’emploi. Je doute qu’ils débarquent en Roumanie munis d’un diplôme d’études ou d’un certificat de compétences, vue les guerres qui déchirent leurs pays d’origine. Je doute vraiment que la Roumanie puisse prendre convenablement en charge toutes ces personnes. »
D’autant plus que les frontières roumaines sont les seules à s’ouvrir, à présent, aux réfugiés ukrainiens.