La République de Moldova – défis et aspirations
Linstallation à la tête de la République de Moldova, dun gouvernement minoritaire toléré par les députés communistes pro-russes a fait planer le doute sur lengagement européen de léquipe dirigée par le nouveau premier ministre Chiril Gaburici. Constitué en février dernier, quelques mois après les élections législatives du 30 novembre, par une coalition minoritaire entre le Parti démocrate – libéral et le Parti démocrate, le cabinet Gaburici est, selon les analystes, politiquement fragilisé et géopolitiquement confus. Promoteurs dun rapprochement avec la Roumanie voisine, les libéraux sont restés en opposition.
Bogdan Matei, 22.05.2015, 13:01
Du coup, ce jeune premier ministre de trente-huit ans, ancien directeur des compagnies de téléphonie mobile, doit faire de son mieux pour continuer le trajet politique entamé par ses prédécesseurs pro-occidentaux, Vlad Filat et Iurie Leancă. Cest grâce à leurs réformes que Chisinau a réussi à signer les accords dassociation et de libre échange avec Bruxelles, en se voyant alimenter les espoirs de rejoindre lUnion dici 2020. A lheure quil est, lancien premier ministre, Iurie Leanca, nhésite pas à comparer son pays avec un navire à la dérive.
A part une petite dose de rancune propre à tout politicien écarté du pouvoir, les propos de Leanca sont partagés par les analystes. Le parcours européen de Chisinau se déroule plutôt au ralenti en raison de la situation politique et du niveau de corruption bien plus élevé que Bruxelles ne le pensait, opine lanalyste Nicu Popescu de lInstitut détudes de sécurité de lUE basé à Paris. Aux dires de celui-ci, les principaux problèmes auxquels se confronte la République de Moldova sont labsence dune majorité pro-européenne ferme et lévasion fiscale. Il convient de rappeler la disparition du système bancaire moldave de près dun milliard de dollars, englouti par des sociétés fantômes. Une réalité qui met en doute le bon fonctionnement des sociétés publiques dans leur ensemble. La République de Moldova, conclut lanalyste Nicu Popescu, traverse une grave crise de crédibilité aux yeux de ses propres citoyens et des chancelleries occidentales.
Partisane du parcours européen de son voisin, au nom dune communion linguistique, culturelle et historique, la Roumanie na pas caché sa préoccupation au sujet des hésitations contre – productives de la classe politique moldave. Passionné de lhistoire de la République de Moldova Conseiller de lex-président roumain, Traian Basescu, Iulian Chifu constate : La Roumanie continue à se faire lavocat de la République de Moldova devant lUE. En plus, Bucarest sest montré très ouvert à toutes les sollicitations dassistance ou de soutien formulées par Chisinau. Dautre part, soyons réalistes : nous sommes membres de lUE et tout appui est accordé en fonction des arguments présentés. Comme dhabitude, nous nous rendons à Chisinau et leur disons : allez, continuez vos réformes, donnez-nous des arguments pour pouvoir vous soutenir. Quoi que lon fasse, cest à Chisinau de prendre les bonnes décisions. Il doit poursuivre ses réformes pour renforcer lEtat de droit, défendre lindépendance de la justice et combattre la corruption, voilà les principaux critères.
Selon lanalyste Nicu Popescu, à lheure actuelle, les contre-performances du gouvernement pro-occidental moldave minent lidée dintégration européenne, alimentant en échange la popularité des politiciens populistes ou pro-russes. Frères ennemis, les communistes et les socialistes de lopposition parlementaire se disputent non seulement les faveurs offertes par Moscou, mais aussi la population aux nostalgies soviétiques, qui compte pour la moitié de lélectorat. De plus, la souveraineté de Chisinau est discutable tant quil ne restaurera son autorité dans la région séparatiste pro-russe de Transnistrie. Celle-ci est indépendante de facto depuis 1992, suite à un conflit armé tranché par lintervention des troupes russes du côté des séparatistes.
Président du Centre de prévention des conflits et dalerte précoce, Iulian Chifu estime que, vu la fragilité des institutions de Chişinău, la République de Moldova risque dêtre confrontée à un scénario similaire à celui dUkraine: Les autorités légitimes de République de Moldova ne disposent pas de capacités militaires capables de faire face à la quantité darmement, de troupes et de ressources se trouvant dans la zone séparatiste. Cest pourquoi les débarquements sur les deux rives de la rivière de Dniestr devraient alerter Chisinau. Toutefois, la manière dont Chisinau gère actuellement son budget, ne témoigne pas dune réelle préoccupation pour cet aspect.
Par des émissaires de premier rang de Bruxelles et de Washington, lOccident a toujours exprimé son soutien à lindépendance, à la souveraineté et à lintégrité territoriale de la République de Moldova. Toutefois, elles sont peu nombreuses les voix politiques de Chisinau désireuses de renoncer au tabou constitutionnel de la neutralité et de plaider pour lentrée dans du pays dans lOTAN. Iulian Chifu souligne que : Il est évident que la République de Moldova doit faire ses propres calculs. Son option visant la sécurité ne peut être décidée ni à Bucarest, ni à Washington, ni à Bruxelles. Cest à Chisinau de le décider.
La République de Moldova nest pas la Suisse, quel que soit le critère pris en compte – géopolitique, militaire, ou stratégique – mettent en garde les spécialistes. A leur avis, le principe de la neutralité est complètement dépassé à une époque où la Russie tente de satisfaire ses ambitions expansionnistes et revanchardes dans les pays ex-soviétiques. (trad.: Ioana Stancescu, Valentina Beleavski)