Les télocites et la régénération hépatique
Les télocites sont les cellules qui donnent espoir aux malades considérés jusqu’ici comme incurables. Découvertes il y a quatre ans par les chercheurs de l’Institut National de Pathologie Victor Babeş de Bucarest, les télocites, cellules de petite taille, mais qui présentent de très longs prolongements, agissent de concert avec les cellules stem. La découverte remonte en fait à 2005. A ce moment-là, les chercheurs avaient donné aux nouvelles cellules le nom de cellules Cajal-like, en raison de leur ressemblance avec les cellules interstitielles Cajal, qui portent le nom de leur découvreur.
Corina Cristea, 08.08.2014, 13:09
Des études ultérieures ont pourtant démontré que les télocites avaient des caractéristiques très différentes de celles de Cajal. Enfin, selon les dernières études en date, les télocites peuvent aider à régénérer le foie et contribuer à la guérison du muscle cardiaque après un infarctus du myocarde, en créant de nouveaux vaisseaux capillaires. L’académicien Laurenţiu Popescu, directeur général de l’Institut Victor Babeş, affirme que l’on a découvert des télocites jusque dans les valves cardiaques. «Les greffes sur des animaux d’organes entièrement configurés, dont la totalité des cellules avaient atteint la maturité, se sont avérées fonctionnelles pour différents intervalles de temps. Il y a une vingtaine d’années, personne n’y aurait pensé, même pas le plus optimiste des chercheurs», explique l’académicien Ionel Sinescu, recteur de l’Université de Médecine et de Pharmacie Carol Davila.
Pour l’instant, les essais de laboratoire concernent les seuls cobayes, mais la découverte ouvre la voie à la guérison de certaines maladies graves, dont l’infarctus du myocarde ou la cirrhose. De l’avis des spécialistes, l’enjeu est énorme, vu la possibilité de sauver des millions de vies, car les maladies cardiovasculaires et surtout l’infarctus du myocarde représentent la première cause de mortalité dans le monde. La Roumanie détient le malheureux record de se classer en tête de liste à l’échelle européenne pour ce qui est de la mortalité causée par les maladies cardio-vasculaires.
Si l’on prélève une bonne partie du foie d’un rat, on constate non seulement la réfection de l’organe, au bout de quelques semaines, mais aussi la croissance du nombre des télocites”, précise Laurenţiu Popescu : « Cette dernière année, on a mis en évidence la présence des télocites dans la peau, les yeux et la moelle aussi, en dehors des quelque 25 organes déjà recensés qui en recelaient. Ce qui est extraordinaire c’est que les télocites se multiplient et qu’elles sont impliquées dans la régénération du foie. Je ne saurais dire si l’on parviendra finalement à prouver que les télocites jouent un rôle capital ou seulement celui de cellules témoin dans ce processus. Il existe déjà des informations selon lesquelles l’absence des télocites est responsable de certaines maladies, dont la plus connue est la sclérose multiple.”
La nouveauté en matière de recherche médicale sur les télocites est le fait que leur nombre décroît, parfois jusqu’à la disparition complète, dans le cas de certaines maladies, dont la sclérodermie, la sclérose multiple (pulmonaire, cardiaque, hépatique) ou le psoriasis, précise encore l’académicien Laurenţiu Popescu. Les nouveaux progrès enregistrés par les chercheurs de l’Institut Victor Babeş ont été faits en coopération avec des spécialistes allemands, chinois, italiens, belges, polonais, espagnols ou américains. Une équipe de scientifiques roumains a participé à Guangzhou, en Chine, à la première transplantation de télocites sur des cobayes.
Grâce à cette greffe, le muscle cardiaque abîmé par un infarctus provoqué s’est refait. La régénération des tissus et des organes est donc un des défis à relever, car, avec l’âge, le cœur, le foie, les poumons, les muscles et le cerveau subissent des modifications structurelles. Autrement dit, ils commencent à se détériorer, affirme l’académicien Laurenţiu Popescu, d’après lequel la greffe d’organes est une solution de compromis. La solution réelle, renchérit-il, relève de l’arrêt de cette détérioration progressive des organes, par une procédure qui permette la régénération.
Selon les études, les résultats obtenus suite au traitement avec des télocites sont 10 fois meilleurs que ceux des traitements traditionnels avec des cellules stem. Et les recherches en Roumanie pourraient progresser un peu plus rapidement, grâce à la décision du Ministère roumain de l’Education, de soutenir l’Institut Victor Babes, une première depuis la découverte des télocites. Il s’agit de la modernisation de l’infrastructure destinée à la recherche avancée dans la médecine cellulaire et moléculaire, le montant du projet, qui s’étalera sur 18 mois, s’élevant à 10 millions d’euros environ.
La décision est d’autant plus importante si l’on prend en compte le fait qu’en Roumanie les fonds octroyés à la recherche sont beaucoup moindres que ceux alloués par d’autres pays européens. 19 fois nominé au Prix Nobel de Médecine, lInstitut “Victor Babeş” de Bucarest pourrait à un moment donné gagner cette distinction, pour ses recherches révolutionnaires liées aux télocites.
Pour l’instant, l’académicien, Laurentiu Popescu est le premier Roumain à avoir reçu le prestigieux prix du Magnolia blanc, accordé par le gouvernement de la municipalité de Shanghai. L’académicien roumain s’était aussi vu décerner la Médaille d’or 2012, par l’Académie Internationale de recherches cardiovasculaires, siégeant aux Etats-Unis. Il s’agit d’une distinction que les grands noms de la médecine internationale considèrent comme un prix Nobel pour la cardiologie. (trad. Mariana Tudose, Alexandra Pop)