Qu’est-ce qui freine l’entrée dans le Schengen?
Bien que théoriquement elle soit prête depuis trois ans déjà à intégrer l’espace Schengen, la Roumanie se retrouve toujours à ses frontières et personne n’ose plus faire des pronostics. Sans pour autant déposer les armes, les Roumains se disent toujours confiants en la capacité de leur pays d’adhérer à l’espace de libre circulation. Dans une interview pour Radio Roumanie, le questeur en chef Marian Tutilescu, expert, fait un passage en revue des événements: « Lors du Conseil Justice – Affaires Intérieures du 9 juin 2011, les ministres européens ont convenu que la Roumanie et la Bulgarie remplissaient tous les critères techniques d’adhésion à Schengen. Entre temps, des changements se sont produits aussi bien dans la législation européenne que dans les politiques de migration. Si l’on parle des changements législatifs, il faut mentionner l’adoption d’un paquet visant à renforcer la gouvernance de l’espace Schengen et comprenant une révision du mécanisme d’évaluation et de suivi destiné à contrôler l’application de l’acquis de Schengen et toutes les mesures censées modifier le Code frontières Schengen et visant la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures dans des circonstances exceptionnelles. Or, sur l’ensemble des circonstances, une vise justement la situation où un Etat décide de rétablir, de façon temporaire, pour une période de six mois renouvelable trois fois, les contrôles à ses frontières nationales en cas de pression migratoire incontrôlable ».
Corina Cristea, 04.07.2014, 13:00
Une décision significative censée renforcer la sécurité de l’espace Schengen dans le contexte où la communauté européenne a déjà connu des flux migratoires importants, comme ceux à la frontière turco-grecque ou turco-bulgare. A l’heure où l’on parle, la situation est plutôt stable, affirme Marian Tutilescu qui n’exclut pas que des nouvelles vagues migratoires se produisent, sans une si grande ampleur, pourtant. N’empêche, la Roumanie et la Bulgarie avaient déjà répondu à tous les critères d’adhésion au moment de l’entrée en vigueur du nouveau paquet législatif, donc aucun risque qu’elles soient soumises à une nouvelle procédure d’évaluation. L’acquis de Schengen est bien explicite et la Roumanie l’a accompli à 100%, affirme à son tour Mircea Geoana, le président de la Commission parlementaire chargée de l’entrée du pays dans l’espace de libre circulation. Et lui d’ajouter qu’aucun argument contre l’adhésion de Bucarest à Schengen, qu’il soit de nature politique, européenne ou électorale, ne tient plus la route, surtout si l’on tient compte de ce qui se passe dans l’Ukraine voisine.
Mircea Geoană : « En ce moment plus que jamais, l’Europe a besoin d’unité. Jamais ces 40 dernières années, l’Europe n’a été soumise à un risque de confrontation et de recommencement de la guerre froide, comme c’est le cas maintenant, depuis la mise en place des missiles américains à moyenne portée, dans les années ’80. En ce moment, donc, toute forme d’égoïsme, de populisme ou de double langage européen doit cesser. Parce que ce qui est arrivé vis-à-vis de la Roumanie et de la Bulgarie ces dernières années a effectivement été un double langage ».
Marian Tutilescu n’exclut pas la possibilité d’une décision positive en octobre en ce qui concerne la levée des contrôles aux frontières aériennes et maritimes pour la Roumanie, mais, a-t-il rappelé, cette décision doit être prise à l’unanimité au Conseil Affaires intérieures. En ce qui concerne d’éventuels arguments qui pourraient encore être invoqués pour que la décision de l’admission soit de nouveau ajournée, Marian Tutilescu estime que cette anticipation est difficile à faire: « L’argument essentiel a porté sur le progrès dans le domaine du MCV, mais à chaque fois il y avait d’autres intérêts derrière, y compris ceux liés aux élections internes, lesquels, n’ayant aucun rapport avec l’acquis de Schengen, ne pouvaient pas être révélés. Même si, en tant qu’experts, nous avons fait de notre mieux pour remplir les critères requis, nous avons constaté qu’il existe une zone grise au delà des traités et que c’est là qu’interviennent certains hommes politiques. Je rappelle, à titre d’exemple, le cas bien connu d’un parti d’extrême droite des Pays-Bas. En contrepartie de son appui au gouvernement au sein du Parlement, il avait imposé la position du pays à l’égard de l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’espace Schengen. En clair, il demandait que le gouvernement néerlandais s’y oppose pour des raisons ayant trait à des intérêts internes. »
Les autorités roumaines espèrent que dans la seconde moitié de 2014 un pas décisif sera fait en ce qui concerne les frontières maritimes et aériennes. Elles souhaitent aussi que la décision visant les frontières terrestres soit elle aussi prise, par la suite, dans un délai raisonnable. (trad. : Ligia Mihaiescu, Ioana Stancescu)