Schengen, un objectif difficile à atteindre
Après l’accession de la Roumanie à l’Union européenne en 2007, l’adhésion à l’espace Schengen est devenue le principal objectif de politique étrangère de Bucarest. Prévue pour mars 2011, l’admission semble, pourtant, lointaine, le Conseil Justice — Affaires intérieures de l’Union européenne ajournant depuis lors, sous différents prétextes, le débat du problème concernant la perspective et les délais concrets pour l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’espace européen de libre circulation.
Corina Cristea, 18.10.2013, 15:03
Après l’accession de la Roumanie à l’Union européenne en 2007, l’adhésion à l’espace Schengen est devenue le principal objectif de politique étrangère de Bucarest. Prévue pour mars 2011, l’admission semble, pourtant, lointaine, le Conseil Justice — Affaires intérieures de l’Union européenne ajournant depuis lors, sous différents prétextes, le débat du problème concernant la perspective et les délais concrets pour l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie dans l’espace européen de libre circulation.
Ceci étant, le statut d’Etat membre de Schengen semble un objectif très difficile à atteindre. Pourquoi ? L’analyste de politique étrangère Bogdan Chirieac: « Il n’existe aucune explication logique. C’est tout simplement qu’il s’est passé quelque chose, pas en Roumanie, mais en Europe. A savoir, l’Europe, cette grande Europe, occidentale, démocratique et riche, n’a pas tenu ses engagements envers la Roumanie. Dans le contrat sur Schengen, il n’y a aucune mention concernant le Mécanisme de coopération et de vérification, pas plus que la justice ou encore la minorité rom ou autre chose. Non. Il s’agissait d’un aspect purement technique ayant trait à la sécurisation des frontières. La Roumanie a dépensé un milliard d’euros pour la sécurisation, qui a été faite par une compagnie franco-allemande célèbre ».
L’ironie du sort fait que l’Allemagne et la France, aux côtés des Pays-Bas, soient à présent les Etats les plus réticents à l’adresse de l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie. Ce mois-même, le ministre allemand de l’Intérieur, Hans-Peter Fridrich, a reproché aux autorités roumaines et bulgares le niveau insatisfaisant d’intégration sociale des Roms, ce qui engendre, selon lui, une grande pression de migration sur d’autres Etats, dont surtout l’Allemagne.
La prise de position intervient après la décision d’un tribunal allemand qui a décidé qu’une famille d’immigrés roumains a le droit de toucher une aide sociale, donc une aide financière. Le ministre estime que si la décision devient définitive, il est clair qu’elle sera une raison d’immigration accrue vers l’Allemagne. Il souligne aussi que les autorités de Bruxelles doivent s’assurer que la Roumanie et la Bulgarie utilisent les fonds européens mis à leur disposition pour financer des projets d’intégration sociale.
En réplique, le ministère des Affaires intérieures de Bucarest a réitéré le fait que la Roumanie répond à tous les critères techniques et juridiques requis pour son adhésion à l’espace Schengen. Du coup, affirment les responsables roumains, une éventuelle décision des Etats membres ne devait pas être liée à l’insertion des Roms, un problème remis récemment sur le tapis par la France. Des membres du gouvernement français ont invoqué les efforts insuffisants déployés par les autorités roumaines en faveur de l’insertion des Roms. Ceci après que Paris eut accusé antérieurement Bucarest et Sofia d’incapacité de contrôler les frontières extérieures de l’UE.
L’analyste Bogdan Chirieac précise : « La minorité rom se trouvant en France n’a rien à voir avec notre adhésion à Schengen. Les Roms voyagent de toute façon en France, ils sont des citoyens européens et donc on ne peut pas les arrêter à la frontière, même s’ils se voient contraints de présenter leur carte d’identité. C’est aberrant ce qui se passe actuellement. La crise a provoqué une sorte de folie politique au sein de l’UE qui me fait penser à la grande dépression des années 1929-1930 ».
« On ne doit pas faire de confusion entre deux situations différentes » a affirmé à son tour l’ambassadeur de la France à Bucarest, Philippe Gustin : «La question Schengen est une question technique transformée en question politique aussi bien en Roumanie que dans le reste des pays communautaires. Il ne faut pas confondre deux choses différentes. Malheureusement, une telle confusion a été alimentée ces dernières années et les médias y ont contribué aussi ».
Bien que les Etats de l’espace Schengen aient décidé que la Roumanie et la Bulgarie sont parvenues à remplir tous les critères techniques, Bucarest et Sofia sont contraints d’attendre le rapport MCV requis par les Etats qui voient un lien entre ce document et Schengen. Pourtant, ce rapport qui présente les évolutions dans le domaine de la justice ne sera présenté qu’au début de l’année prochaine, a fait savoir le porte-parole de la Commission européenne, Mark Gray. Entre temps, la Roumanie et la Bulgarie ont annoncé poursuivre leurs démarches pour s’assurer d’une décision favorable quant à leur adhésion à l’espace de libre circulation, en respectant les principes et les normes européens. (trad.: Ligia Mihăiescu, Ioana Stăncescu)