Crise démographique en Roumanie
Parmi les informations, pour le moment partielles,
obtenues suite au recensement de la population de 2021, celles relatives au
logement sont intéressantes. Elles révèlent deux extrêmes : d’une part le
nombre important de communes abandonnées, principalement dans les zones
rurales, où le nombre de maisons dépasse désormais le nombre d’habitants.
D’autre part, des zones surpeuplées, en ville comme à la campagne, confrontées
à une véritable pénurie de logement par rapport au nombre d’habitant. Bien
qu’elle soit l’un des pays de l’UE avec le nombre le plus important de
propriétaires immobiliers, la Roumanie reste confrontée à un véritable problème
de qualité des logements. Sa population se concentre principalement dans les
grandes villes et leurs banlieues. Un phénomène qui s’explique de manière très
simple : les zones urbaines offrent davantage d’opportunités professionnelles,
un meilleur accès à l’éducation et une plus grande variété d’activités pour
profiter de son temps libre.
Christine Leșcu, 31.05.2023, 10:23
Parmi les informations, pour le moment partielles,
obtenues suite au recensement de la population de 2021, celles relatives au
logement sont intéressantes. Elles révèlent deux extrêmes : d’une part le
nombre important de communes abandonnées, principalement dans les zones
rurales, où le nombre de maisons dépasse désormais le nombre d’habitants.
D’autre part, des zones surpeuplées, en ville comme à la campagne, confrontées
à une véritable pénurie de logement par rapport au nombre d’habitant. Bien
qu’elle soit l’un des pays de l’UE avec le nombre le plus important de
propriétaires immobiliers, la Roumanie reste confrontée à un véritable problème
de qualité des logements. Sa population se concentre principalement dans les
grandes villes et leurs banlieues. Un phénomène qui s’explique de manière très
simple : les zones urbaines offrent davantage d’opportunités professionnelles,
un meilleur accès à l’éducation et une plus grande variété d’activités pour
profiter de son temps libre.
Mais cet exode rural s’explique aussi par le
déclin démographique et la migration des populations vers les régions qui
offrent de meilleures conditions de vie, conclut Bogdan Suditu, maître de
conférence à la Faculté de géographie et président de la Commission technique
d’urbanisme de la Mairie de Bucarest :
« Ce phénomène s’est aggravé après 1990, et encore davantage dans les
années 2000. On constante un fort exode rural ou un vieillissement de la
population de ces villages. Et beaucoup sont aujourd’hui presque déserts. En
outre, on observe une tendance des jeunes à s’installer dans les villes afin de
trouver plus facilement du travail ou une formation professionnelle ou
universitaire. J’ai moi aussi analysé les données obtenues suite au recensement
et la situation est assez inquiétante. Pour vous donner un exemple, parmi les 3
181 administrations territoriales, seules 77 comptent plus de 25 000 habitants.
C’est très peu ! Cela ne représente que 2,4 % de l’ensemble des
administrations territoriales. Parlons maintenant de l’extrême inverse. 2 501
d’entre-elles, soient 78 %, comptent moins de 5 000 habitants. Il arrive que
dans certains cas, le nombre d’employés de la mairie soit supérieur au nombre
d’habitants de la commune. Nous sommes face à deux situations
antagonistes : d’un côté les grandes villes comme Bucarest, Constanta,
Timisoara, Iasi, Craiova, Cluj et leurs banlieues qui sont en pleine croissance
démographique, et de l’autre des communes qui se vident. En Roumanie, la
commune de Bătrâna dans le département de Hunedoara ne compte plus que 88
habitants. »
La situation
observée en 2021 n’a rien de nouveau. Ce même constant avait été fait il y a 10
ans, à l’occasion du recensement précédent. Par exemple, en 2011, 129 communes
roumaines étaient complètement inhabitées, et suite à un calcul basé sur le
nombre total d’habitants en zones rurales, on a constaté que 2 000 communes
comptaient moins de 100 habitants. En attendant les données complètes, il y a
fort à parier que ce phénomène ce soit accentué depuis.
Comment, dans de telles
circonstances, améliorer les conditions de vie des habitants de ces villages
dépeuplés, et celles des habitants des zones urbaines surpeuplées ? Bogdan
Suditu nous répond :
« Il
existe une « Stratégie nationale pour le logement », adoptée l’année
dernière. C’est une excellente nouvelle. Elle s’adresse surtout aux groupes les
plus vulnérables, mais vise aussi l’amélioration de l’accès à un logement
décent, en location ou à l’achat. Evidemment, il s’agit de voir où peut agir le
gouvernement, mais aussi d’établir un cadre de coopération entre ce dernier et
les autorités publiques locales. La Roumanie n’est pas le seul pays à connaître
un tel déclin démographique. Beaucoup
d’autres pays sont confrontés au même problème. Le mécanisme proposé par le
gouvernement, cette stratégie nationale donc, a plusieurs objectifs :
développer le parc immobilier dans les villes et les zones où se concentre la
population, tout en encourageant la construction de logement dans les zones
rurales. Mais, reste à savoir pour qui ? Si la Roumanie arrive à attirer
de la main d’œuvre étrangère, je ne pense pas que cette dernière ira
s’installer dans les campagnes. Alors que pouvons-nous faire ? Améliorer
la situation, c’est-à-dire en ayant une meilleure utilisation des ressources
dont nous disposons déjà. »
Si l’on prend l’exemple d’un coin
de campagne dépeuplé : ne vaut-il pas mieux, au lieu de cinq écoles, n’en
avoir qu’une seule avec de bons professeurs et les élèves les plus éloignés géographiquement
seraient emmenés en transport avec un bus mis à disposition par la mairie ?
C’est une solution à envisager et qui a déjà été prise en compte par certaines
administrations locales qui ont amélioré la vie de leurs habitants, en les encourageant
à rester sur place. En 2020, 45 % des Roumains habitaient dans des logements
surpeuplés. Ce taux est le plus élevé d’Europe, nous informe Bogdan Suditu, qui
précise que le phénomène s’observe aussi bien dans les grandes villes que dans
les petites communes, notamment en raison de la concentration des immeubles
communistes où plusieurs générations d’une même famille partagent le même
appartement.
Bodgan Suditu :
« De
nombreux Roumains à la retraite ou s’en approchant habitent dans le même
appartement depuis trente ou quarante ans, et dans lequel ils ont élevé leurs
enfants. Une fois adultes, les enfants partent et leurs parents restent sur
place. C’est une réalité qui s’observe notamment dans les grandes villes et qui
nécessiterait des solutions, puisque souvent, les personnes âgées doivent payer
des charges consistantes. Même si elles habitent un bel appartement, leurs
revenus ne leur permettent pas de payer les factures. »
Paradoxalement, la Roumanie est aussi le pays
européen ayant le plus grand nombre de propriétaires. Les Roumains préfèrent
avoir leur propre appartement que de louer ou de s’acheter une maison. Quelles
sont les conséquences d’un tel choix ?
Bogdan Suditu répond :
« En Roumanie, nous sommes
prêts à payer très cher pour devenir propriétaires. Le sentiment de sécurité
qui en découle est très apprécié. Malheureusement, à part les coûts très
élevés, acheter implique aussi une perte de la mobilité. A partir du moment où
l’on fait un prêt immobilier pour acheter un appartement, on ne peut plus
bouger, même si l’on constate au bout d’un mois ou deux que des infrastructures
manquent. Et puis au moment où les enfants arrivent et que l’on constate que le
quartier n’a pas de maternelle ou d’école, il sera difficile de déménager.
Imaginez que vous habitiez dans la banlieue d’une grande ville comme Bucarest,
Cluj ou Iasi et que vous souhaitiez vous rapprocher d’une école, alors même que
vous êtes en train de rembourser le prêt contracté pour l’achat de votre
appartement. Ce n’est pas évident de trouver quelqu’un prêt à le racheter, tout
en respectant les conditions imposées par la banque. »
Séduits par le sentiment de sécurité que l’achat
d’un bien immobilier peut leur offrir, les Roumains continuent à vouloir devenir
propriétaires. Tout cela dans le contexte où le nombre d’appartements
disponibles sur le marché reste encore assez faible. (Trad : Ioana Stancescu & Charlotte
Fromenteaud)