Le statut du travailleur culturel professionnel en Roumanie
Début avril, le gouvernement de
Bucarest a adopté un décret d’urgence portant sur le statut du travailleur
culturel professionnel. Acte normatif sur lequel les responsables roumains ont
travaillé pendant presque deux ans, le statut du travailleur culturel
professionnel est censé ramener l’ordre et la normalité dans la situation
fiscale, sociale et économique des artistes, écrivains et comédiens, dont le
travail n’est pas le même que celui d’un employé habituel. En même temps, cette
loi vise à stimuler aussi le potentiel créatif des travailleurs culturels et de
les maintenir actifs sur le marché du travail.
Christine Leșcu, 25.04.2023, 13:39
Début avril, le gouvernement de
Bucarest a adopté un décret d’urgence portant sur le statut du travailleur
culturel professionnel. Acte normatif sur lequel les responsables roumains ont
travaillé pendant presque deux ans, le statut du travailleur culturel
professionnel est censé ramener l’ordre et la normalité dans la situation
fiscale, sociale et économique des artistes, écrivains et comédiens, dont le
travail n’est pas le même que celui d’un employé habituel. En même temps, cette
loi vise à stimuler aussi le potentiel créatif des travailleurs culturels et de
les maintenir actifs sur le marché du travail.
Pour ce faire, un groupe de travail
a été constitué aussi auprès de la Commission européenne, afin de réglementer
aussi le statut européen des artistes. Delia Bădoi
a été la représentante de la Roumanie au sein de ce groupe et elle a contribué
aussi à l’élaboration de cet acte normatif en Roumanie. Pour commencer, elle
nous parle des conditions de travail dans le domaine artistique, telles
qu’elles étaient avant la création des nouvelles normes :
Delia Bădoi : « L’idée
générale jusqu’ici, c’était que les travailleurs culturels et les artistes de
Roumanie et d’autres pays, pouvaient travailler selon la législation générale
en vigueur. Pratiquement, il y avait plusieurs lois qui, existent toujours
d’ailleurs dans le Code du travail ou bien dans les lois des droits d’auteur et
ainsi de suite. Puis, évidemment, il y a les formes indépendantes de travail.
S’y ajoute le fait que certains artistes travaillent à l’aide de leurs propres
sociétés, ils ont créé des personnes morales. La législation roumaine est
plutôt fragmentée du point de vue des conditions de travail. C’est-à-dire que
le même document législatif ne réunit pas suffisamment de mesures pour éviter les
vulnérabilités économiques du travail dans le secteur culturel. Or, ce statut,
tel qu’il a été conçu depuis déjà les années 1980, lorsqu’il y a eu une
directive de l’UNESCO demandant de formuler un tel statut, ce nouveau document
vient donc unifier le travail intermittent, atypique qui est spécifique au
secteur culturel. Il était vraiment nécessaire d’avoir sous la même ombrelle
plusieurs mesures considérées comme des avantages, des droits qui permettent
l’entrée en normalité des travailleurs du domaine culturel. »
Notre second
invité d’aujourd’hui connaît de sa propre expérience les risques de pratiquer
un métier qui n’est pas officiellement reconnu et règlementé d’un point de vue
fiscal. Il s’appelle Doru Taloș, il est comédien et
initiateur du projet culturel indépendant « Reactor » de Cluj-Napoca
(centre-ouest).
Doru Taloș raconte : « Ces 9 dernières
années j’ai souvent travaillé plus qu’un horaire normal de temps plein.
Néanmoins, seulement une année et demie de travail a été prise en compte
officiellement. Donc, je n’ai pas d’ancienneté, je n’ai pas cotisé pour ma
pension de retraite et tout cela devient urgent à mesure que l’âge avance.
Avant l’année dernière, je n’ai pas eu d’assurance maladie, puisque je ne me le
permettais pas. J’espère qu’une fois introduit ce nouveau cadre législatif, une
fois mis en place certains bénéfices fiscaux et une fois ce type de nécessités
devenues évidentes, la situation s’améliorera et nous pourrons arriver à
une formule qui nous permettra de couvrir toutes ces dépenses qui sont
essentielles en fin de compte. »
Par conséquent, on ne peut que
saluer l’adoption du statut du travailleur culturel, en tant que premier pas
vers la normalisation de la situation des artistes indépendants de Roumanie.
Doru
Taloș ajoute : « En fin de compte, nous
sommes extrêmement vulnérables et exposés aux risques, puisque nous ne
réussissons pas à nous assurer une certaine durabilité, ni des garanties sur le
long terme. J’espère bien que cet acte normatif aidera à éclaircir notre situation
et à responsabiliser les personnes qui travaillent dans le domaine, que ce
statut nous assurera une forme de survie sur le long terme. J’espère qu’il nous
aidera à sentir que l’on peut faire notre métier indéfiniment. Pour l’instant,
j’ai l’impression que toutes les personnes du domaine sont disponibles à
travailler tant qu’elles sont prêtes à faire des sacrifices, alors que ces
sacrifices sont possibles uniquement à une certaine étape de la vie. Car les
besoins que j’avais à l’âge de 25 ans, ne sont pas du tout les mêmes que ceux
que j’ai maintenant, à 35. Par conséquent, il faut faire des précisions qui
transforment notre activité en un métier de longue durée. »
Quant au contenu proprement-dit de
la nouvelle loi, c’est à Delia Bădoi de nous donner des détails : « Il est important de préciser que ce
statut permettra de conclure un contrat d’activité culturelle. Il y aura un
modèle de contrat qui sera enregistré d’auprès du Fisc, pour déclarer les
revenus, et aussi auprès du ministère de la Culture, dans un registre de
l’évidence de tous les travailleurs culturels. Sans doute, les 3 années à
suivre seront plutôt une expérimentation qui nous permettra de voir exactement
l’intérêt pour ce type de contrat, ce que les gens ont compris de cet acte normatif
et ce qu’ils en demandent. Principalement, ce contrat rendra légale tout
activité culturelle. Ce serait vraiment dommage de ne pas avoir un tel document
qui se veut une amélioration du travail dans le domaine culturel. »
Comme tout acte normatif, le statut
du travailleur culturel pourra être amélioré. Pour l’instant, c’est un premier
pas très important vers la sortie de l’ambiguïté législative et de la précarité
de ce métier. (trad. Valentina Beleavski)