Qui visite encore les musées?
Christine Leșcu, 02.08.2023, 10:39
62% des Roumains n’ont jamais franchi le seuil d’un musée
et 33% le font seulement une ou deux fois par ans, selon le dernier baromètre
de la consommation des biens culturels datant de 2019, soit une année avant la
pandémie de Covid. Depuis, de telles enquêtes n’ont plus été menées, mais le
degré de fréquentation des musées par la clientèle adulte de Roumanie ne semble
pas avoir changé. Même si les chiffres ne sont pas rassurants, on ne devrait
pas paniquer.
Le sociologue Dan Petre explique:
La situation n’est pas si alarmante que ça. On devrait
voir le bon côté des choses, c »est-à-dire, profiter de ces statistiques pour
encourager les musées à devenir plus attrayants et plus intéressants. Je plaide
en faveur d’une approche plus capitaliste, si vous me permettez le terme, dans
le sens où ce n’est pas dans l’obligation des consommateurs de visiter les
musées et d’enrichir leur culture, mais aux musées de proposer des expériences
plus attractives à même de faire les gens à les inclure parmi leurs passe-temps
favorits. Voilà le principal aspect qu’on devrait prendre en considération:
abandonner la mentalité selon laquelle les gens ont le devoir de se cultiver et
inverser le paradigme.
Pour cela, les musées aussi devraient changer de
tactiques et au lieu d’avoir une attitude passive envers les visiteurs, essayer
de les attirer par différents moyens. Pour cela, une première chose à faire
serait de connaître le profil du visiteur, ses attentes et ses centres
d’intérêts. Autant d’aspects que Alexandra Zbuchea, doyenne de la Faculté de
management de la SNSPA et plusieurs experts ont présenté dans l’ouvrage
Explorateur au musée, paru sous l’égide du Musée de la ville de Bucarest.
La
coordinatrice du volume, Alexandra Zbuchea, nous explique pourquoi une telle
démarche s’avère nécessaire:
Les musées ont l’obligation de comprendre les
visiteurs afin de répondre à leurs
attentes, tout en les aidant à s’épanouir et à passer un moment agréable. Cela
veut dire qu’en dehors du gain culturel et intellectuel, une visite au musée doit
représenter un passe-temps plaisant. Au cas contraire, on restera dans la même
situation où l’intérêt envers les musées est marginal et réservé à un
échantillon particulier de personnes. De ce point de vue, les statistiques
s’avèrent assez inquiétantes puisqu’elles font état d’un pourcentage de 62% des
Roumains qui n’ont jamais entrepris de visite au musée. D’autres enquêtes ont
montré des taux encore plus grands, de 70 à 80%. Cela ne veut pas dire que 7
Roumains sur dix n’ont jamais mis le pied dans un musée, mais qu’ils ne l’ont
pas fait dans le courant de la dernière année. Ce qui plus est, l’intérêt demeure
très réduit et les Roumains se rendent rarement au musée, tout en continuant
pourtant de le faire.
Mais qui sont pourtant ces Roumains qui visitent les
musées et pourquoi le font-ils? Alexandra Zbuchea opine:
Ce n’est pas difficile de décrypter le profil-type du
visiteur de musée. En revanche, vous seriez peut-être surpris d’apprendre qu’il
s’agit d’un visiteur plutôt jeune – lycéen, étudiant, en début de carrière, ce
visiteur a des études supérieures et il habite en milieu urbain. Les autres
catégories de public ne fréquentent pas les musées. Une raison en serait
l’absence de telles opportunités, en sachant que dans les petites localités,
les musées n’existent pas ou s’ils existent, ils ne sont pas attrayants.
Qu’est-ce que l’on pourrait encore dire sur le visiteur de musée de chez nous?
Qu’il s’intéresse au patrimoine, tout en se disant mécontent des visites que
les musées proposent. Il voudrait bien des expériences plus intéressantes, plus
interactives que seuls certains musées roumains mettent en place.
De son côté, le sociologue Dan Petre vient nuancer ces
propos, en y ajoutant un peu d’optimisme. Il y a de nombreuses raisons qui poussent les
gens à visiter les musées ce qui fait que ces institutions de culture
concurrencent avec les autres fournisseurs de loisirs, y compris les galeries
commerciales, explique notre invité:
Par exemple, pendant la semaine dite Altfel que les
écoles roumaines consacrent aux activités extra-scolaires, le nombre de
visiteurs de musée augmentent d’une manière spectaculaire dans les rangs des
élèves. Même constat pendant la Nuit blanche des musées durant laquelle
l’entrée est libre. Mais soyons honnête, ce n’est pas le prix des billets qui
décourage les Roumains. En revanche, le
Roumain cherche à vivre des expériences inédites. C’est ce qui le pousse à
franchir le seuil des musées pendant la Nuit des Musées, quand ces institutions
mettent en place des approches différentes. Cette nuit-là, il y a des visiteurs
qui font le tour des musées, comme d’autres, font le tour des bars ou des
clubs, un samedi soir. Et à force de
passer d’un musée à l’autre, les Roumains les comparent, tout en vivant une
expérience culturelle. Personnellement, je pense que le plus important dans la
visite d’un musée est de profiter d’une expérience intéressante, puissante et
satisfaisante. C’est ça ce que les musées devraient offrir aux gens.
Par conséquent, l’ouvrage Explorateur de musée nous
invite à mieux découvrir le profil-type du visiteur roumain, tout en
encourageant les musées à investir dans les expériences interactives que la
plupart des gens lors de leurs visites. (Trad. Ioana Stancescu)