Quel accès à la culture pour les jeunes des petites villes ?
Christine Leșcu, 01.03.2023, 13:56
Parlons culture et
jeunesse. On le sait très bien, la culture est un instrument qui met en lumière
les valeurs d’une société. Plus encore, les espaces destinés à la culture
servent aussi à véhiculer des principes et des attitudes sociales et
politiques. En partant de ce concept, l’étude intitulée « La consommation
culturelle dans les rangs des jeunes des petites et moyennes villes »,
réalisée à l’aide de la Fondation Friedrich Ebert de Roumanie, a voulu savoir
en quelle mesure les activités culturelles des petites zones urbaines se
croisent avec par exemple avec les perspectives féministes ou bien si les
jeunes associent les événements culturels à certaines valeurs sociales. Une
autre idée de laquelle part cette enquête est l’état précaire de
l’infrastructure culturelle dans les petites villes : peu de bibliothèques
publiques, salles de cinéma fermées, centres culturels non-fonctionnels ou
utilisés à d’autres fins.
225 jeunes âgés de 13 à 20 ans ont
participé à cette étude, dont 75 % étaient de jeunes filles. Ce n’était pas
l’intention des initiateurs d’avoir une majorité de voix féminines, mais tout
simplement, davantage de filles ont accepté de remplir les formulaires et de
participer aux interviews, explique Carmen Voinea, la coordinatrice de cette
recherche. A son avis, les personnes interrogées ont fait une connexion claire
entre la consommation culturelle d’un certain type et les questions liées aux
genres.
Carmen Voinea : « J’ai constaté dans leurs réponses
que, lorsqu’il est question de consommation culturelle, des aspects plus larges
surgissent, tels ceux liés à l’égalité de genre ou à l’insertion sociale. Parmi
les besoins énumérés figuraient, par exemple, l’existence d’espaces culturels
où différentes personnes, y compris celles de la communauté LGBT, se sentent en
sécurité. Dans les interviews et les questionnaires, ils ont également
mentionné le besoin de résoudre les problèmes de leur communauté par le biais
de la culture. Plus encore, de nombreux jeunes ont avoué avoir commencé à se
familiariser à la thématique féministe et de genre à l’aide des films. Puis,
nous avons voulu connaître aussi leur attitude personnelle envers ces espaces.
Même si sur papier ou en réalité il existe des musées, des bibliothèques ou des
centres culturels, ceux-ci ne sont pas trop intéressants pour les jeunes,
a-t-on pu constater. Leur contenu n’est pas adapté à leurs besoins. Les jeunes
sentent le besoin d’être impliqués, de participer, de devenir co-créateurs de
ces espaces et de leurs produits culturels. Enfin, le fait d’avoir eu davantage
de jeunes filles à remplir ces formulaires peut indiquer un intérêt accru de
leur part pour la consommation culturelle et pour la problématique féministe. »
Sans doute, la consommation culturelle
des jeunes est étroitement liée à l’infrastructure culturelle et à son offre,
plus précisément à la diversité ou à la précarité de celle-ci.Carmen Voinea explique :
« Premièrement, nous
avons constaté que les activités culturelles les plus répandues étaient
solitaires ou domestiques. Puis, il paraît que les activités culturelles qui
leur sont offertes dans les espaces publics ne sont pas très diversifiées, ni adaptées
à leurs goûts. De même, même s’ils sont très nombreux à estimer qu’il est
intéressant d’aller au cinéma, 45 % des jeunes ont affirmé ne pas avoir vu un seul
film au cinéma cette dernière année. Plus encore, 48 % d’entre eux ont dit
avoir dû se déplacer dans une autre ville pour trouver un cinéma. »
Cette triste réalité vient met en avant le
désir des jeunes d’avoir un ciné dans leur ville d’origine. L’enquête a donc
constaté que, dans leur mental collectif, les anciennes salles de cinéma
restent un repère même pour les jeunes qui n’y sont jamais entrés. Enfin, il faut dire que cette enquête
nous donne aussi une bonne nouvelle. Carmen Voinea :
« Les bibliothèques, telles
qu’elles sont présentes dans les cartes mentales réalisées par les jeunes, ont
été une surprise. Dans plusieurs villes, les bibliothèques ont mis à la
disposition des jeunes non seulement un espace pour la lecture ou pour
emprunter des livres, mais aussi un espace où les jeunes ont pu mettre à profit
leurs propres idées, telles un club de culture sud-coréenne ou des soirées
karaoké. A Călărași, par exemple, une jeune fille affirmait que la bibliothèque
était son endroit préféré de la ville. A Slatina aussi. C’est là qu’elles ont
trouvé un espace pour se développer et devenir des créateurs de culture.
D’ailleurs, les espaces publics sont les endroits les plus fréquentés par les
jeunes. 70 % des endroits où ils se rendent pour la culture sont publics. Par
contre, lorsqu’il est question de thématiques féministes, ils optent plutôt
pour des espaces privés ou informels. Cela témoigne du fait, que même si
l’infrastructure publique reste la plus fréquentée par les jeunes, ils n’y
trouvent toujours pas suffisamment d’ouverture pour se pencher sur des sujets
liés au féminisme ».
Autant de conclusions de l’étude
« La consommation culturelle dans les rangs des jeunes de petites et
moyennes villes ». S’y ajoute la recommandation faite aux autorités de
ressusciter les activités culturelles des espaces publics, de les rendre plus
inclusives car la demande en est certainement là. (trad. Valentina
Beleavski)