Les communautés locales face au progrès technologique
Roxana Vasile, 29.06.2022, 14:11
Au cours des 30 années écoulés depuis la chute du
communisme, en Roumanie, le secteur du bâtiment a connu un essor remarquable.
Mais souvent son développement s’est avéré assez chaotique : immeubles
résidentiels trop hauts érigés au beau milieu de quartiers de villas à un seul étage,
constructions en verre et acier apparues tout près d’immeubles historiques ou
encore des constructions ayant différentes formes et couleurs. Le résultat est
un désordre assez fatiguant. Le chaos
architectural, des milieux urbain et rural est principalement le résultat de
l’absence de normes claires dans le secteur du bâtiment. S’y ajoutent aussi les
autorités qui souvent ferment les yeux face aux transgressions au code
d’urbanisme.
Aujourd’hui nous faisons la connaissance de Cristina et
de Paul Budan, les initiateurs d’un projet qui, une année durant, a étudié
l’architecture vernaculaire de la partie supérieure de la rivière Topolog dans
le département d’Arges, dans le sud, afin trouver des solutions pour sa
conservation. Pourquoi ? Eh bien parce que la région sera traversée à
l’avenir par une autoroute. Or, l’initiative des époux Budan vise justement à
concilier le progrès et la spécificité de l’endroit. Ou bien, si le changement
est inévitable, il faudrait au mettre sur papier la façon de vivre des
habitants des parages pour la rendre accessible à la postérité.
Cristina
Budan est assistante universitaire à la
Faculté d’architecture de l’Université Ion Mincu et elle nous explique les
principaux repères du projet déroulé le long de la rivière Topolog : «
Le projet visait à cartographier toute la partie supérieure de la Vallée du
Topolog, afin de découvrir quels éléments
d’architecture traditionnelle pourront survivre et aussi pour passer en revue les
éléments qui disparaitront suite à la construction d’un segment de l’autoroute
reliant les localités de Cornetu et de Tigveni. Celui-ci traversera la vallée
et changera le plus probablement toute la région. A présent, la vallée est
assez paisible parce qu’il n’y a aucune route majeure et c’est pourquoi elle
s’est conservée tellement bien et que l’architecture traditionnelle se soit préservée
sans aucun effort considérable dans la région. Evidemment, la nouvelle
infrastructure produira des changements notables dans la structure des
villages, dans l’évolution de la région et aura un impact sur le patrimoine
architectural ».
Côté expériences, quelles révélations ont eu les nombreux
volontaires qui ont cartographié la partie supérieure de la vallée de la
rivière Topolog ? Cristina Budan répond
: « Comme il n’y a aucune route majeure, la vallée est particulièrement
calme et autonome. Ce qui est intéressant, c’est le fait qu’elle fonctionne
comme une région unitaire, homogène. C’est très beau de vivre dans cette vallée,
dans le sens où les habitants possèdent des maisons, des vergers, des pâturages
et par leurs activités quotidiennes font l’unité de ce lieu. Ce fut la première
chose que nous avons aimée. Les routes sont spectaculaires, surtout lorsqu’on
sillonne les collines adjacentes. C’est une très belle expérience que de
parcourir la vallée et les chemins menant aux maisons historiques sont
superbes. Nous y avons trouvé de très belles maisons, difficiles à classifier.
Nous avons eu du mal d’ailleurs à identifier des typologies claires, parce
qu’elles sont tellement variées. Nous avons trouvé des maisons dotées de très
belles vérandas, que l’on peut inclure dans l’architecture traditionnelle, mais
nous avons également découvert des maisons aux murs particulièrement décorés,
avec des toits très raffinés et complexes. Bref, toute une richesse de l’expression
traditionnelle, que nous ignorons le plus souvent. Il est très important pour
nous de garder une base de données, avec tout ce qui existe actuellement et
avec des témoignages de la manière dont la vallée fonctionne. En fin de compte,
les maisons témoignent de la vie dans ces lieux. Et nous avons décidé de faire
une base de données avec différentes maisons, avec les formes qu’elles peuvent avoir,
afin de montrer la variété de l’architecture locale. »
Paul
Budan habite actuellement à Bucarest. Néanmoins, ce projet est particulièrement important pour lui, vu
que la région longeant la rivière de Topolog est sa région natale. Il y passe
les étés et il est particulièrement concerné par l’aspect que la région aura après
la construction de l’autoroute.
Paul Budan nous fait part de ses impressions : « Il est difficile d’imaginer une telle
transformation. En quelques années seulement, la vallée sera probablement un
grand chantier, mais à la fin, peut-être avec l’aide des autorités, elle se
développera d’une manière harmonieuse, nous l’espérons bien. Il faudra refaire
les rives, les sentiers et les ponts, peut-être proposer plusieurs types de nouvelles
constructions locales, y compris des constructions desservant l’autoroute -
parkings, hôtels, gites ruraux – qui aident à préserver la spécificité locales
et la cohérence architecturale de la vallée. Ce projet permettra d’initier un
dialogue et de réunir les autorités locales et centrales pour faire reconstruire
la vallée d’une manière harmonieuse. Nous espérons avoir une influence positive
et intervenir d’une manière bénéfique dans ce processus de changement ».
Certes, notre invité parlait d’un dénouement idéal. Si,
malheureusement, tel ne sera pas le cas, l’initiative de Cristina et Paul
Budan restera un travail exceptionnel de documentation, rendu possible aussi par
l’Ordre des architectes de Roumanie, le musée du village de Bucarest, celui de
la viticulture et de la pomoculture de Golesti, au compté d’Arges, mais aussi grâce
à la participation des spécialistes en histoire, sociologie, géographie, sans
oublier ni les bénévoles, notamment des étudiants en architecture, ni le professionnels
du secteur. Les résultats de leur travail sont à retrouver sur le site petopologinsus.ro,
sur la page Facebook du projet et surtout dans un album dont la qualité, le
contenu et la taille sont vraiment exceptionnels.
Cristina Budan conclut : « Il faut l’avouer : la modernisation est nécessaire et nous la
souhaitons tous et, d’ailleurs, tous ces projets sont particulièrement
nécessaires. Par ailleurs, la manière dont ces chantiers se déroulent est très
importante. D’abord, parce qu’un projet d’infrastructure ne devrait pas
modifier le développement futur de la contrée. Nous espérons qu’il apportera
cette richesse promise et qu’il fera plus de bien de que mal à cet endroit ».
Pour résumer les paroles de Cristina Budan, assistante
universitaire à la Faculté d’architecture de Bucarest, qui sont un véritable
slogan – oui au progrès mais pas à n’importe quel cout ! (trad. Alex Diaconescu)