L’art et la lutte contre le harcèlement à l’école
L’art a toujours été efficace pour aider les gens à prendre conscience de leurs problèmes et difficultés, mais aussi à les résoudre. Même à plus grande échelle, au niveau des communautés ou de l’ensemble de la société, l’art prouve son utilité pour faire prendre conscience des problèmes des autres, en augmentant ainsi le niveau d’empathie. Un projet déroulé par l’association DocuArt dans une communauté rurale du département de Gorj, dans le sud-ouest de la Roumanie, en fait la preuve.
Christine Leșcu, 12.05.2021, 13:11
Plus d’informations avec Daniela Apostol, manager culturelle et directrice de DocuArt : « Nous avons réfléchi quelle serait la meilleure manière de résoudre un problème que nous avons identifié comme social à travers des instruments culturels et éducationnels. C’est ce que nous faisons depuis longtemps, nous avons alors tout simplement décidé de continuer à faire ce qu’on sait faire de mieux. C’est ainsi que le « Projet Congruent, compétences nécessaires aux groupes hétérogènes de jeunes » est né. Pour nous, c’est un projet nécessaire afin de réduire les disparités entre les jeunes Roms et non-Roms et d’augmenter l’inclusion des groupes vulnérables. C’est un projet que nous menons en partenariat avec l’école Antonie Mogoș d’une commune du département de Gorj (sud-ouest). Quelle joie de trouver de l’ouverture du côté de la direction de cette école ! On essaie de créer un contexte plus favorable à l’épanouissement de 200 élèves en créant une relation très importante entre les élèves, leurs parents et l’école. »
Le projet Congruent a démarré en février avec les élèves et les parents d’élèves de CM2 et de 6e (quatrième et cinquième années d’école selon le système roumain). La première activité a été un programme d’éducation des parents pour les familiariser avec les besoins émotionnels, psychiques et éducationnels des enfants, mais aussi pour les aider à améliorer leur relation à l’école et à la communauté. Ce n’est pas le côté théorique qui a primé lors des rencontres, surtout que les parents se sont montrés généralement très ouverts, comme l’a remarqué la psychologue Alexandra Cojocaru : « J’ai été très impressionné par l’esprit de cohésion des parents des élèves de CM2. Ils sont très unis, réagissent de concert aux problèmes de leurs enfants et appliquent des stratégies communes pour les résoudre. L’institutrice joue un rôle très important et les parents sont venus nous rencontrer suite à sa recommandation. Ils étaient très désireux de travailler avec nous, très ouverts à discuter de leurs problèmes au niveau individuel et familial. Les problèmes sont d’ailleurs très divers : dans cette école il y a des enfants de familles défavorisées ou dont les parents sont divorcés, par exemple. »
Les activités face à face ont aidé à créer du lien avec cette petite communauté rurale, estime Daniela Apostol, la directrice de DocuArt : « Nous avons privilégié les rencontres face à face, en dépit de la pandémie, et avons évité de faire des choses en ligne. Pour ce genre d’activité, la rencontre directe est très importante. Nous allons dans le village de Ceauru deux-trois fois par mois pendant deux-trois jours à chaque fois et nous rencontrons chaque classe d’élèves et de parents. Dans l’équipe, on a un psychologue, un réalisateur et un conseiller, qui interviennent en fonction des activités. Une séance de travail dure entre 45 et 70 minutes, selon le sujet. Nous essayons de cumuler des informations liées à la psychologie et à l’art de la meilleure manière qui soit et de présenter l’ensemble d’une manière simple et facile à comprendre. »
Au-delà du côté parentalité, le projet Congruent comprend aussi un volet qui vise à luter contre le harcèlement entre les enfants, phénomène que la communauté du village de Ceauru connaît déjà. Daniela Apostol : « Les enfants connaissaient bien l’existence du phénomène. Nous leurs avons demandé s’ils avaient entendu parler de ça à la télé ou bien s’ils avaient assisté à des interactions de ce type. Mon sentiment est que la communauté d’élèves est très soudée dans cette école et cela est dû principalement aux parents. Je dirais que le phénomène est moins présent ici qu’en milieu urbain. Le plus grand problème auquel les enfants sont confrontés là, c’est le manque de crédibilité devant les adultes quand ils parlent de harcèlement et cela les fait souffrir. Ce que nous avons expliqué aux parents, c’est qu’avec l’intimidation, tant l’agresseur que l’enfant agressé sont des victimes. L’agresseur se comporte de cette manière car il a été, à son tour, harcelé par le passé. »
Après les premières rencontres, une évaluation psychologique sera menée pour identifier les cas qui ont besoin de thérapie individuelle. Quant à la prise de conscience et à la lutte contre le harcèlement, les initiateurs du projet Congruent ont fait le choix de travailler avec la cinéma-thérapie. Cela présuppose de regarder des films ou des séquences de film qui peuvent aider les enfants, mais aussi les parents, à mieux comprendre ce qui se passe avec les harcelés et les agresseurs. La psychologue Alexandra Cojocaru : « Le lien entre art et psychologie me semble très important. La cinéma-thérapie offre les instruments nécessaires à l’exploitation et à l’identification de notions plutôt difficiles à saisir et à discuter dans une thérapie classique, surtout dans une thérapie de courte durée. Dans le cadre du projet, nous offrons des séances de thérapie aux enfants, mais elles ne sont pas si nombreuses. En les complétant avec des séances de cinéma-thérapie, nous espérons arriver à des résultats qui seraient, peut-être, plus longs à atteindre à travers une thérapie classique. »
Le théâtre sera également utilisé dans le cadre du projet. Plus précisément, les enfants joueront des rôles qui les aideront à prendre conscience de leurs problèmes et de ceux des autres. Le programme Congruent continuera jusqu’en octobre 2022. En plus de répéter l’expérience dans d’autres villages, les initiateurs souhaitent constituer des groupes d’action locale censé reprendre les activités conçues par DocuArt et les continuer à l’issue du projet. (Trad. Elena Diaconu)