La violence domestique par temps de pandémie
Christine Leșcu, 20.01.2021, 12:08
Andreea
Rusu: « Au cours de 9 premiers mois de l’année 2020, plus de 20 000 cas de
coups et autres violences domestiques ont été rapportés en Roumanie. De même,
le nombre des appels au numéro unique des urgences, 112, a été de 18% plus
élevé que durant la même période de l’année 2019. Plus encore, le numéro vert
lancé par « l’Agence nationale pour l’égalité des chances entre femmes et
hommes, où les femmes peuvent se renseigner sur les services dont elles peuvent
bénéficier en cas de violence, ces appels donc ont doublé durant l’état d’urgence.
Les femmes se sont heurtées à d’autres problèmes aussi. Par exemple, elles
avaient besoin d’accès à une connexion internet, d’un ordinateur et d’une
imprimante pour déposer une demande d’ordre de protection depuis chez elles.
Alors qu’on le sait très bien qu’en Roumanie Internet n’est pas accessible en
milieu rural ou dans les milieux défavorisés. Par conséquent, de nombreuses
femmes ne disposent pas des moyens techniques nécessaires pour demander de la
protection. »
Durant
l’état d’urgence institué en Roumanie entre le 16 mars – 15 mai 2020, lorsque
la liberté de déplacement a été quasi totalement limitée, de nombreuses femmes
ont été carrément bloquées à domicile avec leurs agresseurs, ne pouvant pas
partir, ni demander de l’aide à quelqu’un d’autre. De même, à part le fait
qu’il fallait déposer en ligne les demandes pour un ordre de protection,
plusieurs tribunaux à travers le pays ont été fermés ou ont fonctionné à
programme partiel. Du coup, la plupart des femmes ont vécu cette période avec
l’impression qu’à ce moment-là la priorité c’était la santé publique, alors que
l’intégrité et la sécurité des personnes abusées a été mise de côté par les
autorités. Du moins, c’est ce qu’ont constaté les ONG activant dans le domaine.
Andreea
Rusu du Centre FILIA explique : « La plupart des bénéficiaires de ces
ONGs ont dû rentrer chez leurs agresseurs et sont restées bloquées dans le même
logement, soit puisqu’elles avaient peur de sortir à cause du virus, soit parce
que, tout simplement, elles ne pouvaient parler à personne d’autre. D’autres
pays ont trouvé des solutions pour que les victimes de la violence puissent
appeler la police ou les directions d’assistance sociale, tels les numéros de
Whatsapp spécialement créés en ce sens. Ou bien elles pouvaient se rendre à une
pharmacie et communiquer un certain code. Et pour cause : au moment où
l’on vit dans la même maison avec un agresseur, il est très difficile de
contacter les ONG ou les bureaux d’assistance sociale. Une victime ne peut pas
toujours appeler le 112 et son appel n’est pas toujours considéré comme une
urgence. »
Dans ce
contexte, les associations civiques roumaines ont fait de leur mieux pour venir
en aide aux victimes de la violence domestique. Elles se sont servies toujours
de la technologie numérique. Andreea Rusu nous explique comment cela s’est
passé : « Les discussions ont eu lieu en ligne, la plupart des fois, avec les victimes
qui ont eu accès à Internet. Le nombre des visiteurs des sites spécialisés a
augmenté. De même, plusieurs campagnes en ligne ont été lancées pour venir en
aide aux femmes abusées. Mais malheureusement, les femmes vivant dans des
milieux vulnérables et qui ne connaissent pas d’ONG spécialisée dans le domaine
sont restées toutes seules, elles ont eu très peu d’options, sinon pas du tout.
»
Les
plaintes contre la violence domestiques se sont multipliées sur l’ensemble de
l’UE et chaque Etat membre a réagi à sa manière. Pour sa part, l’Institut
européen pour l’égalité des genres (EIGE), qui est une agence de l’UE sise à
Vilnius, a fait une étude sur l’impact de la maladie Covid-19 sur les victimes
de la violence domestique.
Quel
résultat ? Réponse avec Veronica Collins, représentante de l’Institut : «
En France, lors de la première semaine du confinement, il a eu une croissance
de 32% des plaintes contre la violence domestique. En Lituanie le nombre en au
augmenté de 20% en trois semaines, par rapport à la même période de l’année
précédente. Pour la Lituanie, les données nous ont été fournies par la police,
alors que pour la France ces chiffres ont été publiés dans la presse. On n’a
pas encore d’accès à des informations solides provenant des autorités des Etats
membres. Notre étude vise plutôt les initiatives gouvernementales censées
protéger les femmes contre la violence et d’assurer leur accès aux services de
soutien tels les abris ou les lignes téléphoniques dédiées. Initialement,
certains pays ont rapporté une baisse des cas de violence, probablement à cause
du fait que les victimes étaient isolées à domicile avec les agresseurs et ne
pouvaient pas sortir, ni téléphoner. »
La même
étude a voulu savoir pour quelles raisons les cas de violence domestiques se
multiplient par temps de crise, comme c’est le cas de cette pandémie. Veronica
Collins explique : « Les raisons se trouvant à l’origine de cette
hausse de la violence domestique sont nombreuses. L’incertitude économique en
est une. Cette incertitude mène à des tensions accentuées au sein de la famille
et du foyer. Si la victime n’est pas financièrement indépendante, ce sera
encore plus difficile pour elle de quitter une relation abusive dans des
conditions d’insécurité économique générale. De même, le stress et l’anxiété généralisée
peuvent favoriser une consommation accrue d’alcool, qui est une autre cause de
la violence. Et puis, c’est toujours en période de crise et de restrictions que
la victime n’a plus accès au réseau de soutien constitué de ses amis ou ses
proches.»
Bien
que certains Etats-membres aient pris des mesures pour protéger les victimes de
la violence domestique pendant la pandémie, l’étude del’Institut européen pour l’égalité des genres montre aussi que les
interventions ne sont toujours pas suffisantes et qu’il est nécessaire d’avoir
une stratégie intégrée qui puisse être mise en pratique pendant n’importe quel
type de crise. (Trad. Valentina Beleavski)