La société civile lutte contre la pollution
Cela fait quelques années déjà que les habitants de la capitale roumaine,
Bucarest, déplorent la mauvaise qualité de l’air qu’ils respirent. Et ils ne
sont pas les seuls, vu que dernièrement, la Cour européenne de Justice a
condamné la Roumanie pour les échecs répétés quant à réduire le niveau de
pollution sur Bucarest. La condamnation prononcée au printemps dernier est tombée
à la fin d’une longue procédure d’infraction démarrée des années auparavant.
Par ailleurs, les statistiques sanitaires indiquent qu’en Roumanie, la
pollution est responsable de la perte de plus d’années de vie saine qu’en Inde.
En 2018, les chiffres indiquaient que la toxicité de l’air tuait chaque année plus
de 23 000 Roumains, en provoquant des maladies telles le cancer du poumon, la
cardiopathie ischémique, les accidents vasculaires, les infections
respiratoires ou la maladie pulmonaire obstructive chronique. Autant de
maladies aux lourdes conséquences économiques.
Christine Leșcu, 04.11.2020, 13:19
Cela fait quelques années déjà que les habitants de la capitale roumaine,
Bucarest, déplorent la mauvaise qualité de l’air qu’ils respirent. Et ils ne
sont pas les seuls, vu que dernièrement, la Cour européenne de Justice a
condamné la Roumanie pour les échecs répétés quant à réduire le niveau de
pollution sur Bucarest. La condamnation prononcée au printemps dernier est tombée
à la fin d’une longue procédure d’infraction démarrée des années auparavant.
Par ailleurs, les statistiques sanitaires indiquent qu’en Roumanie, la
pollution est responsable de la perte de plus d’années de vie saine qu’en Inde.
En 2018, les chiffres indiquaient que la toxicité de l’air tuait chaque année plus
de 23 000 Roumains, en provoquant des maladies telles le cancer du poumon, la
cardiopathie ischémique, les accidents vasculaires, les infections
respiratoires ou la maladie pulmonaire obstructive chronique. Autant de
maladies aux lourdes conséquences économiques.
Selon une étude élaborée récemment par l’Alliance européenne pour la santé
publique et intitulée « La pollution de l’air et son impact sur les coûts de
santé », chaque année, Bucarest perd 6,35 milliards d’euros en raison de
la pollution de l’air et de ses conséquences sur la santé des citoyens. En
fait, chaque Bucarestois perd annuellement 3 004 euros pour des soucis de santé
que la mauvaise qualité de l’air lui provoque, tandis que les coûts sociaux engendrés
par la pollution en Roumanie s’élèvent, en moyenne, à 1 810 euros par personne.
Il est donc évident que des mesures pour une amélioration de la qualité de
l’air s’imposent.
Pour cela, il faudrait commencer par apprendre quelles sont les substances
nocives que les Roumains respirent malgré eux, en quelle quantité ces
particules se retrouvent dans l’air et quelles sont les zones à forte
concentration de toxicité. Ceci étant, plusieurs ONG ont élaboré la plate-forme
Aerlive. Lancé le 12 décembre 2019, ce projet a permis la mise en place, à
Bucarest, de plusieurs appareils de mesure de la qualité de l’air. Par la
suite, les valeurs indiquées se retrouvent sur une carte en ligne que tout
habitant de la capitale peut consulter. Les capteurs Aerlive mesurent le niveau
des particules en suspension PM10 et PM5 et cinq types de gaz toxiques.
Pourquoi a-t-on eu besoin de l’aide de la société civile pour mesurer le niveau
de pollution ? Oana Neneciu, qui dirige la plate-forme Aerlive, explique: « Le besoin d’avoir une telle plate-forme à Bucarest, mais
aussi dans d’autres villes, était assez urgent, car la pollution pose des
problèmes majeurs. Pourquoi on s’est dit qu’une telle initiative serait nécessaire
? Les stations censées mesurer la qualité de l’air mises en place par le ministère
de l’Environnement ne fonctionnaient pas proprement et ne fonctionnent toujours
pas. La technologie qu’elles utilisent est ancienne et pour avoir de bons résultats,
elles devraient être modernisées tous les cinq ans. Or cela n’est jamais arrivé
en 15 ans. Après, ces stations ne fonctionnent pas constamment comme elles le devraient
pour pouvoir évaluer correctement. Un autre problème porte sur le nombre réduit
de telles stations : seules 8 sont fonctionnelles sur Bucarest dont deux
desservent Ilfov et elles ne marchent que 60 à 70% du temps. En dépit de tous
ces aspects négatifs, mêmes ces stations enregistrent, souvent, des niveaux de
pollution significatifs. »
A Bucarest, les principaux facteurs responsables de la pollution de l’air
sont le trafic automobile, notamment les polluants des gaz d’échappement et les
chaudières à gaz d’appartement. De quelle manière ces facteurs influencent-ils
la qualité de l’air respiré? Oana Neneciu, à la
tête d’Aerlive, explique : « Bucarest
est en proie au smog qui s’installe en hiver et au printemps. L’année dernière,
à compter du mois de décembre quand nous avons lancé notre plate-forme, les
valeurs des concentrations de particules en suspension ont été très grandes jusqu’au
moment du confinement, au mois de mars. Plus grave encore, on constate des
épisodes de forte pollution durant les week-ends quand les concentrations de
particules PM10 et PM5 dépassent cinq ou six fois le niveau acceptable pour la
santé. C’est ce que nous avons constaté à plusieurs reprises au mois de mars.
Ce fut là un premier signal d’alarme quant à l’existence d’un tel phénomène que
l’on ignorait complètement. Nous, on incriminait notamment le trafic routier comme
responsable de la pollution le jour, or voilà que la nuit et le week-end, on a
découvert une autre source de pollution, à savoir le brûlage illégal de déchets
en plein air aux alentours de Bucarest et même dans la banlieue bucarestoise,
là où les capteurs enregistraient déjà des valeurs significatives de toxicité
de l’air. »
Malgré toutes ces informations, les autorités n’ont pas pris de mesures supplémentaires
de lutte contre la pollution. Pourtant, à compter de mars dernier quand le confinement
a été mis en place, la qualité de l’air s’est améliorée – comme quoi, le trafic
routier reste un des principaux facteurs polluants. Ce n’est qu’un des effets collatéraux
de la pandémie, affirme Oana Neneciu, qui accuse les autorités compétentes de
manque d’initiative. « Le rapport que le ministère de
l’Environnement a envoyé à la Commission européenne en 2019 indique que le pays
continue d’être en situation d’infraction. Deux stations installées à Bucarest
ont mesuré en un seul an 35 valeurs au-dessus du niveau toléré de PM10, ce qui
veut dire que le pays risque une nouvelle procédure d’infraction, même si un
procès à ce sujet vient d’être achevé. Bien que la Cour européenne nous ait
condamnés pour ne pas avoir été capables d’adopter les mesures nécessaires de
lutte contre la pollution, nous revoici dans la même situation. »
La bonne nouvelle, c’est que le projet Aerlive a suscité
l’intérêt des citoyens vis-à-vis du niveau de pollution à Bucarest. Du coup, la
campagne « Adopte un capteur » a été couronnée de succès, comme le
prouve le nombre de Bucarestois qui se sont inscrits sur les listes de l’ONG
afin d’obtenir la mise en place, dans leur quartier, d’un tel capteur dont le
nombre total se monte à présent à 20. Le succès d’une telle campagne a fait
qu’un projet similaire soit mis en place à Cluj aussi, une ville en proie elle
aussi à une forte pollution. (trad. Ioana Stancescu)