Les dépenses familiales par temps de pandémie
« Plus d’un tiers des foyers roumains couvrent difficilement les dépenses courantes de la vie ». C’est ce que constate une récente étude intitulée « Les conditions de vie de la population de Roumanie », réalisée par l’Institut national de la statistique. L’enquête porte sur l’année 2019. A ce moment-là, 34% des familles roumaines avaient du mal à assurer le nécessaire quotidien. Quand il s’agit de difficultés légères à couvrir les dépenses quotidiennes, le pourcentage dépasse les 77%. Sans doute, la situation a empiré cette année notamment en milieu rural, sur toile de fond de la pandémie de coronavirus et des déplacements limités. Une étude sociologique de la Fondation World Vision Roumanie le confirme.
Christine Leșcu, 07.10.2020, 12:46
Pour davantage de détails, nous nous sommes adressés à Oana Şerban, porte-parole de cette Fondation dont le rôle est d’aider les habitants du milieu rural : « Dans les communautés rurales pauvres, les gens n’ont pas d’emplois. La plupart des fois, ils font un travail journalier, s’ils en ont l’occasion. D’autres restent chez eux et comptent uniquement sur les allocations familiales. Nous avons donc mené une étude ce printemps et le résultat n’a pas été surprenant. Plus de 60% des parents du milieu rural n’ont pas travaillé, alors que 40% des personnes interrogées n’ont pas pu assurer le minimum nécessaire en aliments, médicaments et produits d’hygiène pour leurs enfants, ou elles l’ont assuré partiellement. Pratiquement, un cinquième des sujets ont déclaré que leurs revenus ont baissé soit parce qu’ils ont été licenciés, soit parce qu’ils ont été placés en chômage technique, soit parce qu’ils n’ont plus trouvé d’emploi journalier. Par conséquent, 41% des parents se sont vu obliger à réduire les dépenses du foyer pendant le confinement. 26% d’entre eux affirment ne plus avoir aucun emploi et aucune source de revenu. Cela veut dire que la pandémie a eu un impact significatif sur la vie à la campagne. »
Selon l’Institut national de la statistique, 48% des foyers qui couvraient difficilement les dépenses courantes, l’année dernière, avaient à leur tête un agriculteur. Puis, lorsqu’il est question d’estimer ses propres nécessités et dépenses, 5% des habitants du milieu rural affirmaient avoir besoin d’un revenu mensuel de 1000 lei (205 euros) pour couvrir les dépenses courantes. A comparer avec les foyers urbains dont 86% nécessitent plus de 2000 lei (410 euros) par mois pour le strict minimum. Cela indique des différences énormes entre les besoins de chaque milieu, constatent les spécialistes de l’Institut. On pourrait dire aussi que, là où les conditions de vie sont plutôt précaires, les gens ont moins d’aspirations et de besoins, car tout est plus difficile à obtenir.
Oana Şerban explique : « En discutant avec les enfants, nous avons constaté qu’ils ne se plaignaient pas trop, mais cela se doit au fait qu’ils sont habitués à ne pas avoir de prétentions. Ils se contentent de peu de choses, car c’est ce que la vie leur a appris. Et c’est très triste. »
Pour la plupart des élèves du milieu rural, tout comme pour ceux vivant en ville, le second semestre de l’année scolaire précédente s’est déroulé en ligne. Ou il aurait dû se dérouler ainsi. Comme d’habitude, il y a une grande distance entre la réalité sur papier et celle sur le terrain, a constaté la fondation World Vision Roumanie.
Oana Şerban ajoute : « Environ 40% des élèves du milieu rural n’ont pas participé à des cours en ligne. Seulement 64% des enseignants ont tenu des classes sur Internet, le reste ont envoyé des devoirs via des textos, sur Whastapp ou Messenger. D’autres encore sont allés de maison en maison pour remettre aux enfants des fiches imprimées. Plus de 55% des parents ne disposent pas d’un dispositif numérique pour chaque enfant de la famille, alors que la plupart des familles ont plus d’un enfant. Il y en a 3, voire 4. Au lieu de faire des cours en ligne en même temps, ceux-ci ont dû assister, à tour de rôle, aux classes sur le même portable. Donc, il a été très difficile d’assurer la continuité du processus éducationnel. Ce qui est très grave, car de là il n’y a qu’un pas jusqu’à l’abandon scolaire. Qui plus est, 8% des personnes interrogées ont déclaré n’avoir aucun dispositif pour l’école en ligne. Seuls 20% ont affirmé que leurs enfants avaient suivi les cours de télé-école diffusés par la Télévision publique, car certaines familles n’ont même pas de télé. »
A tout cela s’ajoutent d’autres informations qui mettent en question le déroulement de cette nouvelle année scolaire, démarrée le 14 septembre, où les cours en ligne s’imposent à nouveau. Après avoir discuté avec 62 chefs d’établissements scolaires du milieu rural, les experts de la fondation World Vision Roumanie ont conclu qu’en ce moment : un établissement sur 4 n’est pas connecté à Internet, 9 écoles sur 10 ne disposent pas d’ordinateur fixe ou portable, ni de tablettes pour les cours en ligne et 12% des chefs d’établissement pensent que le risque de l’analphabétisme augmentera à cause de la pandémie de coronavirus. (Trad. Valentina Beleavski)