Comment gérer son corps et son esprit pendant une situation de crise ?
La société roumaine
a subi une reconfiguration dramatique sous l’influence de la pandémie de
coronavirus. Les mesures prises ces derniers mois, tel le confinement ou les gestes
barrières, ont créé un nouveau paradigme pour notre existence. On a dû apprendre
à maintenir la distance physique, mais aussi à se rapprocher via la technologie.
On a appris à travailler depuis chez soi et on a gagné davantage de temps en
famille, mais on est tout aussi fatigués et stressés. En fait, les Roumains ont
découvert qu’en travaillant à domicile, on économisait trois heures par jour. Trois
heures à consacrer à la famille ou tout simplement pour dormir.
Luiza Moldovan, 30.09.2020, 12:31
La société roumaine
a subi une reconfiguration dramatique sous l’influence de la pandémie de
coronavirus. Les mesures prises ces derniers mois, tel le confinement ou les gestes
barrières, ont créé un nouveau paradigme pour notre existence. On a dû apprendre
à maintenir la distance physique, mais aussi à se rapprocher via la technologie.
On a appris à travailler depuis chez soi et on a gagné davantage de temps en
famille, mais on est tout aussi fatigués et stressés. En fait, les Roumains ont
découvert qu’en travaillant à domicile, on économisait trois heures par jour. Trois
heures à consacrer à la famille ou tout simplement pour dormir.
Toutefois, la situation
n’est pas la même pour tous. En fait, selon une récente étude sociologique,
seuls 3 Roumains sur 10 estiment avoir eu plus de temps libre pendant la
pandémie qu’avant, alors que 4 sur 10 ont besoin de dormir davantage. Cette
étude permet de se faire une idée sur la manière dont une crise comme celle-ci
influence la qualité du sommeil et implicitement de la vie aussi. On dirait que
pendant un confinement prolongé, les gens auraient eu le temps de dormir
davantage, mais tel ne fut pas le cas. En fait, des comportements et des
sentiments que les Roumains ne connaissaient pas ont fait surface pendant la
pandémie.
La psychologue
Daniela Ionescu explique : « La plus grande crainte de l’homme, c’est l’inconnu.
Or, les éléments inconnus abondent dans cette pandémie. Il y a peu d’informations,
qui en plus sont souvent contradictoires et menaçantes. Du coup, le sentiment
de sécurité est sérieusement affecté et remplacé par la peur, la culpabilité ou
par des comportements du genre « lutter ou s’enfuir ». Un simple éternuement
peut susciter un souci non seulement dans la tête de la personne qui
éternue mais aussi pour tous ceux qui l’entourent : « serait-ce… ? » Or,
notre cerveau ne supporte pas l’incertitude. Quand il ne dispose pas de
toutes les informations, il les complète, déformant la réalité objective. En
résulte un scénario cohérent sur la base duquel la personne agit pour regagner
le contrôle. C’est pourquoi, souvent, on est confronté à des réactions inadéquates,
exagérées, parfois aberrantes, dans des situations normales mais interprétées
comme dangereuses. »
Maintenant plaçons
cette tendance dans le contexte du confinement que nous avons vécu au printemps
dernier. L’isolement et les mesures de distanciation sociale ont des
conséquences profondes sur l’homme, alors qu’une mauvaise qualité du sommeil est
le premier signe que quelque chose ne va pas.
Explications avec
le sociologue Gelu Duminică : « La privation de sommeil survient dans
une multitude de contextes, affirment les spécialistes. Dans des contextes de
tension, de crise, le corps humain réagit. Il est très possible que dans un
moment de crise, la tension ressentie par le corps se matérialise entre autres
par le fait de ne plus pouvoir dormir. Le manque de repos du cerveau et du corps
entraîne un plus de tension. C’est un cercle vicieux en fait : la tension
cause l’absence de sommeil, l’absence de sommeil cause de la tension. Cette
pandémie de Covid-19 est une période très tendue. Surtout au début. La tension
est maintenue aussi par tous les messages transmis par la société, du genre « la
mort est plus près que nous ne le croyions » ou « il est très probable
que quelque chose de mal arrive à tes proches ». S’y ajoute l’isolement. C’est
un élément auquel on n’était pas habitués et qui a complètement bouleversé
notre vie. Or, la sociologie nous apprend que le comportement de l’homme dépend
énormément du contexte et de la situation. Nous nous sommes retrouvés dans une
situation inconnue. Et, logiquement, la tension a été très grande, se
manifestant par l’absence de sommeil. »
Le confinement ne
nous a pas protégés jusqu’au bout, parce que l’animal social q »est l’homme y a
réagi par la dépression et l’anxiété qui affaiblissent son système immunitaire.
La psychologue
Daniela Ionescu précise : « Nous sommes génétiquement programmés à
vivre au sein d’un collectivité. On construit notre équilibre psychique et on
évolue par l’interaction, donc la distanciation sociale est hors de propos. Plus
on est physiquement, socialement et psychiquement connectés, plus notre état de
santé et d’esprit est meilleur. L’isolement peut mener à la fatigue chronique.
On peut avoir des attaques de panique, des sentiments de tristesse, d’impuissance,
commencer à abuser de l’alcool ou de la drogue. S’y ajoutent souvent des idées
liées au suicide. La distanciation physique nuit elle aussi à l’équilibre
psychique. L’homme a besoin de s’approcher des autres, de les toucher. Ces
gestes nous donnent de la confiance et de la sécurité. C’est le premier langage
que l’on apprend au moment où on est nés. C’est le langage le plus direct et le
plus complet et aucune forme de communication verbale ou écrite ne peut le remplacer.
Le toucher transmet de manière rapide et exacte une variété plus grande de
sentiments que le visage ou les gestes par exemple. La distanciation, quelle qu’elle
soit, renforce l’agressivité, sur soi-même et sur les autres. Ou au contraire,
la distanciation peut nous aider à mieux comprendre les relations interhumaines,
à mieux apprécier la présence de l’autre, à développer notre sens de l’empathie,
de la compassion, de l’altruisme, de la conscience de soi et du monde. »
L’étude que nous avions
mentionnée en début de notre chronique confirme notre besoin d’interagir. Et pour
cause : aller au restaurant et fréquenter les terrasses et les bars sont les
activités qui ont manqué le plus aux Roumains pendant le confinement. 53% des
personnes interrogées l’affirment. 48% ressentent le plus l’absence du cinéma et
des concerts. A comparera avec 15% seulement de sujets qui affirment que la
pratique de leurs hobbies leur a le plus manqué.
La psychologue
Daniela Ionescu explique ces tendances : « L’homme est un être social. Un
de ses besoins fondamentaux est celui d’appartenance. Pour satisfaire ce besoin,
il doit socialiser. L’estime de soi et la confiance en soi se construisent par
l’expérimentation facilitée par l’interaction. De la même manière, la compassion,
l’empathie, l’altruisme et la socialisation jouent un rôle essentiel dans notre
développement cognitif et affectif et nous aident à construire les mécanismes d’adaptation
au monde et à la vie, à gérer le stress et l’anxiété. L’isolement social peut causer
non seulement des maladies physiques, mais aussi la perte du sens de la
réalité. Parfois cela cause même le décès. Par ailleurs, le besoin excessif de
socialiser peut cacher des déséquilibres psychiques que l’individu maîtrise en se
concentrant sur les interactions avec les autres. A la base de la socialisation
en présentiel et à l’aide de la nourriture, comme c’est le cas des restaurants,
l’on retrouve le souvenir de l’affection, du confort et de la protection reçus
via le lait maternel. Puis, la nourriture est un langage qui nous aide à
communiquer nos intentions et nos émotions et à entrer en contact avec les autres.
Manger ensemble est un échange d’énergies, un acte de rapprochement et d’intimité.
Tout comme la nourriture nourrit notre corps, les relations nous nourrissent d’un
point de vue émotionnel. Et lorsque nous recevons les deux types de nourriture,
la satisfaction est complète. »
Voilà donc autant
de choses que l’on a découvertes au cours de cette pandémie. A nous de les
intégrer et de les comprendre, afin d’avoir une vie meilleure quel soit le
contexte. (Trad. Valentina Beleavski)