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Des perceptions sur le communisme, 30 ans après

30 ans après la chute des régimes communistes d’Europe de l’Est, 27% des Roumains considèrent que le communisme a fait beaucoup de bien au pays et près de 30% trouvent qu’il a fait davantage du mal à la Roumanie. Cette même étude montre que près d’un tiers des Roumains ont préféré la réponse « Les choses sont plus complexes. Le communisme des années ’50 est très différent de celui du régime Ceauşescu. » Une autre enquête sociologique récente relève le fait que plus de la moitié des Roumains considèrent que « c’était mieux au temps du communisme ». Ce type de sondage est mené régulièrement en Roumanie depuis 1989 avec des résultats pas si différents.

Des perceptions sur le communisme, 30 ans après
Des perceptions sur le communisme, 30 ans après

, 25.12.2019, 00:06

30 ans après la chute des régimes communistes d’Europe de l’Est, 27% des Roumains considèrent que le communisme a fait beaucoup de bien au pays et près de 30% trouvent qu’il a fait davantage du mal à la Roumanie. Cette même étude montre que près d’un tiers des Roumains ont préféré la réponse « Les choses sont plus complexes. Le communisme des années ’50 est très différent de celui du régime Ceauşescu. » Une autre enquête sociologique récente relève le fait que plus de la moitié des Roumains considèrent que « c’était mieux au temps du communisme ». Ce type de sondage est mené régulièrement en Roumanie depuis 1989 avec des résultats pas si différents.

Par exemple, 20 ans après la révolution anticommuniste, près de la moitié du pays pensait que « c’était mieux » au temps du régime communiste et 14% des répondants estimaient que rien n’avait changé. Mais malgré les différences entre les résultats et les méthodologies des recherches, une chose est claire : une perception positive du communisme est plutôt répandue parmi la population roumaine, peut-être tout aussi répandue que l’image négative du régime. La chercheuse Manuela Marin, de l’Université de l’Ouest de Timişoara, a analysé, à travers plusieurs études, ce que l’on appelle aujourd’hui « la nostalgie du communisme ». Elle considère que, pour expliquer le phénomène de la nostalgie, il faut analyser les aspects positifs que les Roumains associent au passé récent. Manuela Marin :« Selon mes observations, ça concerne notamment la partie matérielle, ce type de bien-être matériel assuré par l’Etat paternaliste : de la stabilité de l’emploi et des conditions de vie que les gens considéraient comme correctes, jusqu’à ce qu’ils percevaient comme une quelconque égalité des individus dans la société roumaine. Il me semble que ce que certains Roumains apprécient du régime communiste est, en fait, cet Etat paternaliste qui s’impliquait dans la vie des citoyens. Il faudrait aussi mentionner, par rapport aux enquêtes des années précédentes, que les Roumains ne souhaitent pas retourner au régime politique précédent, avec ses limitations en matière de liberté individuelle et de liberté d’expression. Les gens voudraient plutôt une formule mixte, qui mette ensemble la prospérité de type socialiste et leur liberté actuelle. »

Mais la prospérité socialiste n’était pas une prospérité réelle. Comment expliquer alors cette perception pour le moins tempérée du passé ? Manuela Marin :« Il faut être conscient que pour les gens des années 1970-1980, même pour ceux des années 1960 – il y a cette distinction de date récente entre le communisme des différentes périodes historiques ; il était important d’être propriétaire d’un appartement, d’avoir accès à l’électricité, à l’eau chaude et une source de revenu stable. Pour la génération née dans les années ’40 et au début des années ’50, c’était là le maximum de bien-être matériel qu’ils avaient osé espérer. Les années ’70 sont considérées comme l’âge d’or socialiste. Les gens n’avaient alors aucun terme de comparaison pour juger de leur niveau de vie. Ils se souviennent des choses concrètes: avoir un emploi stable, pouvoir passer ses vacances à la mer ou à la montagne et, parfois, pouvoir acheter un lave-linge ou une télé. Il faut comprendre ces personnes qui, auparavant, avaient vécu à la campagne et qui s’établissaient dans les villes à ce moment-là. Pour eux, c’était, un gain de prospérité. »

Durant l’époque communiste, c’était l’Etat qui mettait tout à disposition : emplois, logements, vacances, loisirs. Une raison de plus pour que la transition économique du communisme vers le capitalisme soit, pour beaucoup, synonyme de bouleversement. Cette perturbation a laissé une partie de la population nostalgique du rôle joué par l’Etat. Mais, le rappelle Manuela Marin, il y avait un prix à payer pour cela :« L’individu s’est vu confronté à tout un tas de défis qui remettaient en question toute sa connaissance de la vie et de l’existence. C’est ce que j’appelle la disparition du contrat social. L’Etat communiste, paternaliste, avait conclu un accord non écrit avec le citoyen: j’assure tes besoins vitaux et tu t’engages à m’obéir, à mettre en application les décisions du parti communiste et de l’Etat. »

30 ans après la chute de cet Etat paternaliste, les structures gouvernementales et administratives installées par la suite n’ont, vraisemblablement, pas réussi à remplacer la dépendance de l’Etat par une confiance dans le bon fonctionnement des institutions qui garantissent les droits des citoyens. C’est l’avis de l’historienne Alina Pavelescu, directrice adjointe des Archives nationales de Bucarest :« Le sentiment de bien-être et de sécurité du citoyen dépend de la confiance faite aux autres membres de la société, aux autorités et aux institutions. Chez nous, la relation entre le citoyen et les institutions est quelque peu dysfonctionnelle, avec tant de choses non-expliquées ces 30 dernières années, liées à la période communiste, mais aussi à l’époque post-communiste. Comment ces personnes, qui faisaient partie de l’appareil communiste, ont-elles fait, pour continuer à tirer avantage après 1990 ? Tout cela a pour conséquence le manque de confiance réciproque des citoyens, mais aussi des citoyens dans les institutions. »

Par ailleurs, beaucoup de problèmes surgis pendant le communisme n’ont pas été résolus à temps. Au contraire, ils ont été entretenus, à bon escient, pour créer de la confusion parmi les jeunes, qui les considèrent comme des phénomènes récents. Alina Pavelescu :« Il est bizarre de voir que beaucoup de gens jeunes ou moins jeunes disent que c’était mieux avant. Les gens qui ont vécu à l’époque devraient savoir, par exemple, que les conditions dans les hôpitaux étaient terribles. Parfois bien plus terribles qu’à présent. Entre autres, le fait de donner des bakchichs était monnaie courante dès les années 1980. »

Mais pour que les jeunes générations apprennent ces choses, il est nécessaire que l’histoire du communisme soit connue et comprise. L’éducation, de pair avec la diminution des atteintes liées à l’Etat, peuvent aider les jeunes à se débarrasser de la mentalité héritée du communisme. Selon Alina Pavelescu, le renouveau est toujours à la base une histoire de juniors : « Je suis très optimiste quand je pense aux enfants d’aujourd’hui, qui vivent dans un monde beaucoup plus ouvert que ce que nous aurions pu imaginer. Pas seulement ceux qui ont connu le communisme, mais aussi ceux qui, dans les années ’80, vivaient dans des sociétés démocratiques. Même si l’école essaie d’éviter le sujet du communisme et même si les parents essaient de les garder à l’écart de ce sujet, les jeunes cherchent à apprendre des informations souvent contradictoires. C’est ainsi que se forme leur esprit critique, en clarifiant et en comprenant ces informations. Elle est là ma source d’optimisme, dans le fait de vivre dans une société ouverte. Et pour que cela perdure, il faut prendre soin de la garder ainsi. » (Trad. Elena Diaconu)

(sursa foto pixabay@Vertax)
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