La place des femmes dans l’économie
Les plus récentes données recueillies au sein de l’UE confirment que l’inégalité des sexes existe toujours dans l’économie. Deux conséquences douloureuses en découlent: l’accès difficile des femmes au marché du travail et les revenus qu’elles touchent et qui sont inférieurs à ceux des hommes. En 2017, dans l’UE, les hommes gagnaient 16% de plus que les femmes, alors que leurs pensions de retraite étaient de 37% plus élevées. Cela témoigne de la position économique vulnérable des femmes. D’ailleurs, leur situation n’a pas beaucoup changé depuis 1995, lorsque l’ONU a adopté à Pékin la Plateforme d’action visant à éliminer toutes les formes de discrimination des femmes, affirme Jakub Caisl, spécialiste de la statistique à l’Institut européen pour légalité entre les hommes et les femmes, basé à Vilnius : « Il y a plusieurs défis à relever sur le long terme, qui sont, malheureusement, toujours d’actualité. Par exemple, les défis économiques auxquels sont confrontées les femmes, le taux d’occupation dans les rangs des femmes, la distribution du travail non payé ou non rémunéré dans un foyer. Cela veut dire qu’il y a moins de femmes sur le marché de l’emploi et que, dans le milieu personnel ou familial, ce sont toujours elles qui assument la plupart des activités non rémunérées. Ce dernier aspect est un problème qui persiste depuis longtemps déjà. »
Christine Leșcu, 30.10.2019, 13:56
Ces activités non rémunérées liées au ménage, au foyer et à la famille, les femmes les assument depuis des siècles. Evidemment, il ne s’agit pas de les rembourser, mais de les partager de manière équitable avec le partenaire de vie. Les statistiques européennes font, elles aussi, état de ce déséquilibre dans la distribution de ces tâches. Jakub Caisl ajoute : « A présent, dans l’UE, il y a toujours quelque 7.700.000 femmes qui n’ont pas intégré le marché de l’emploi à cause des responsabilités familiales, ainsi que 9 millions de femmes qui travaillent à mi-temps en raison des mêmes responsabilités. A comparer avec les hommes : ils ne sont que 500.000 à se retrouver dans une situation similaire. La différence est nette et cela entraîne des écarts aussi en matière de salaires. A présent, le décalage entre les sexes est de 11,5% en faveur des hommes. On peut dire qu’il y a eu un progrès dans le sens où le taux d’embauche des femmes et des hommes a augmenté, notamment après la crise économique. Toutefois les décalages n’ont pas disparu. »
Pour avoir une meilleure idée de la situation, retour à la plus récente étude sociologique de l’Institut européen pour légalité entre les hommes et les femmes, publiée en octobre 2019 et intitulée L’indice d’égalité des genres. Dans ce rapport, le travail au sein de l’UE obtient 72 points sur un total de 100 ; un score qui mesure l’égalité d’accès au marché du travail et les conditions de travail.
En Roumanie, ce score est de 68 points sur 100, inférieur donc à la moyenne européenne. Plus concrètement : en Roumanie, le taux d’embauche est de 61% chez les femmes et de 79% chez les hommes. En revanche, c’est toujours en Roumanie que l’on distingue le plus faible décalage salarial entre les sexes : les hommes ne gagnent que 3% de plus que les femmes. Pourtant, il n’en va pas de même pour les pensions de retraite. En 2017, il y avait une différence de 63% entre les femmes et les hommes, en faveur de ces derniers. C’est un phénomène qui préoccupe également la Fondation Friedrich Ebert Roumanie, qui a publié des statistiques dans le cadre d’un projet intitulé « Le moniteur social », basé sur les données fournies par Eurostat. Détails, avec Victoria Stoiciu, représentante de la Fondation : « Les chiffres d’Eurostat montrent qu’en 2018, en Roumanie, près de 37% des personnes âgées de plus de 65 ans étaient exposées au risque de pauvreté. Les femmes en étaient les plus concernées, car 43% d’entre elles se retrouvaient dans cette situation, par rapport à seulement 19% des hommes. Et là, on ne parle que des retraités. En fait, ce chiffre de 37% est le plus élevé depuis 2009. Il a diminué un peu vers 2014, pour s’accroître à nouveau juste après, de sorte qu’en 2018 nous avions déjà dépassé le niveau de pauvreté de 2009, lorsque le pays était en pleine crise économique. C’est un phénomène extrêmement inquiétant. Les avis sont partagés. Certains se félicitent de la croissance des retraites, d’autres disent qu’il ne fallait pas les augmenter, car cette majoration n’est pas durable. Pour leur part, les statistiques montrent que toutes ces majorations ne réussissent pas à combler les besoins des personnes âgées et que la pauvreté ne fait que progresser dans leurs rangs. »
Mais pourquoi cette précarité parmi les retraités de Roumanie ? Les raisons sont les mêmes que pour l’ensemble de l’UE, affirme Victoria Stoiciu : « Cela s’explique par les différences de genre existantes sur le marché roumain de l’emploi. A leur tour, ces différences sont le résultat de certains désavantages structurels auxquels sont confrontées les Roumaines et qui se reflètent dans leurs revenus, une fois arrivées à l’âge de la retraite. De quels désavantages structurels s’agit-il ? Premièrement, l’accès des femmes au marché de l’emploi est plus réduit. Systématiquement, le taux des femmes qui travaillent est plus bas que celui des hommes. C’est aussi le résultat d’une mentalité traditionnaliste qui dit que la femme devrait s’occuper uniquement du foyer. Puis, même si elles ont un emploi, les femmes travaillent moins d’années que les hommes. Et pas en dernier lieu, les salaires qu’elles touchent sont constamment inférieurs à ceux des hommes. Cela entraine, évidemment, un décalage entre leurs retraites, qui sont calculées en fonction du niveau des contributions. S’y ajoute une capacité réduite d’économiser, alors que de nombreuses personnes âgées comptent sur les économies accumulées pendant leurs années de travail. Tous ces facteurs cumulés, la discrimination systématique de la femme dans l’économie est la plus évidente au moment de la retraite.», conclut Victoria Stoiciu, représentante de la Fondation Friedrich Ebert Roumanie. (Trad. Valentina Beleavski)