Les parents prennent l’initiative!
Une ville comme Bucarest, surpeuplée, polluée et habitée par des gens pressés et tracassés justement par les problèmes de la vie urbaine, semble difficile à changer pour en faire un espace amical pour les enfants – et les parents, bien sûr. Et si c’était quand même possible, cela dépendrait beaucoup de l’implication citoyenne des gens. L’initiative Grow Up Romania le prouve. Ce projet a été lancé en 2016 par un groupe informel de parents animés d’un grand sens civique, qui souhaitaient faire de la ville de Bucarest un espace propice pour élever des enfants et qui étaient conscients du fait qu’exprimer leur mécontentement en privé ne suffisait pas pour résoudre les problèmes. Il fallait saisir les autorités, dont le devoir est d’apporter des changements positifs à la ville. Dana Ostacie et Alma Cazacu, deux jeunes mamans qui, à part leurs activités professionnelles et domestiques, trouvent du temps pour faire du bénévolat, comptent parmi ces parents. Leur but est de mobiliser d’autres parents pour tâcher de résoudre ensemble leurs problèmes communs.
Christine Leșcu, 25.09.2019, 13:10
Une ville comme Bucarest, surpeuplée, polluée et habitée par des gens pressés et tracassés justement par les problèmes de la vie urbaine, semble difficile à changer pour en faire un espace amical pour les enfants – et les parents, bien sûr. Et si c’était quand même possible, cela dépendrait beaucoup de l’implication citoyenne des gens. L’initiative Grow Up Romania le prouve. Ce projet a été lancé en 2016 par un groupe informel de parents animés d’un grand sens civique, qui souhaitaient faire de la ville de Bucarest un espace propice pour élever des enfants et qui étaient conscients du fait qu’exprimer leur mécontentement en privé ne suffisait pas pour résoudre les problèmes. Il fallait saisir les autorités, dont le devoir est d’apporter des changements positifs à la ville. Dana Ostacie et Alma Cazacu, deux jeunes mamans qui, à part leurs activités professionnelles et domestiques, trouvent du temps pour faire du bénévolat, comptent parmi ces parents. Leur but est de mobiliser d’autres parents pour tâcher de résoudre ensemble leurs problèmes communs.
Quels sont ces problèmes ? Alma Cazacu répond : « Bucarest est une ville en souffrance. Il est impossible de la traverser pour aller du point A au point B sans rencontrer des détritus jetés sur les trottoirs ou d’autres obstacles, sans passer à côté d’aires de jeux en mauvais état etc. Nous avons proposé un questionnaire aux parents de notre groupe informel en ligne. Selon leurs réponses, le problème le plus fréquent auquel ils se confrontent est la présence des voitures garées sur les trottoirs entre lesquelles on ne peut pas faire passer une poussette en toute sécurité. 64% des parents qui ont répondu au questionnaire ont signalé cet aspect. 57% des parents interrogés sont mécontents du manque des toilettes publiques prévues de tables à langer et d’espaces où l’on puisse entrer avec la poussette. 48% des parents signalent l’absence des rampes ou d’engins pour monter une poussette dans les transports publics. Enfin, 44% se plaignent des aires de jeux publiques sales et en mauvais état, qui mettent en danger la sécurité et la santé des enfants. Nous tentons, nous, de créer une sorte de pont entre les citoyens et les responsables, car les citoyens ont la sensation que tout doit être solutionné par les autorités, sans qu’ils leur présentent ces problèmes ; et ils ne savent pas, non plus, que ces problèmes doivent être signalés d’une certaine façon. »
Un nombre significatif de parents bucarestois n’ont pas tardé à se mobiliser et commencer à adresser des pétitions aux mairies des 6 arrondissements de la capitale.
Dana Ostacie détaille : « En très peu de temps, la communauté Grow Up Romania a réuni 7.000 membres sur sa page Facebook. Un groupe de volontaires s’est également constitué. Notre principale activité consiste à mobiliser les gens, pour qu’ils agissent à leur tour. Avant tout, nous leur offrons des informations – par exemple sur la façon de déposer une pétition citoyenne. Au début, nous avons déposé, nous, plusieurs pétitions concernant l’espace public et nous avons appris où adresser une certaine demande pour que celle-ci ne soit pas renvoyée d’une institution à l’autre et que des mois entiers s’écoulent avant que le problème en question ne soit résolu. Par conséquent, nous avons rédigé un petit guide pour tout le monde, accessible en ligne, qui simplifie une démarche de ce genre. En 5 minutes on envoie un email contenant des photos prises sur place et on a toutes les chances de voir le problème pris en compte et résolu. »
Découragés jusqu’ici par la bureaucratie et sceptiques quant à l’amabilité et à la bonne volonté des fonctionnaires, les Bucarestois ont repris courage suite au succès de plusieurs demandes formulées par les membres de la communauté Grow Up Romania. Voici quelques exemples de problèmes traités suite à leurs démarches : passages piétons repeints, déplacement d’un poteau se trouvant au milieu d’un arrêt de bus et qui entravait le passage d’une poussette, éclairage d’une aire de jeux dans la zone du Parc Carol où, en hiver, en soirée, les enfants ne pouvaient plus jouer à cause de l’obscurité.
Dana Ostacie précise : « L’important, c’est que les gens insistent. L’idéal serait que plusieurs personnes de la zone respective signalent le même problème par des pétitions. Plus elles sont nombreuses, plus le problème a des chances d’être classé parmi les priorités. A présent, il n’est plus difficile du tout d’envoyer une pétition, surtout par email. Nous avons seulement dû motiver les gens et les faire gagner un peu en confiance par des exemples positifs. Après avoir présenté nos réussites et posté les données de contact des responsables, après leur avoir indiqué à qui s’adresser et fourni des modèles de pétition, les demandes ont commencé à affluer. Nous nous félicitons de ce que les gens s’impliquent et qu’ils nous envoient des photos pour nous présenter leurs réussites. »
Toutes les demandes ne sont pas résolues ou résolues rapidement. Cela dépend de la mairie ou de l’arrondissement. L’important, c’est qu’une fois réveillé, cet esprit civique ne perde pas de sa vigueur. En outre, il faut que, toujours par implication civique, les citoyens s’entraident. Grow Up Romania a lancé, à cette fin, ses propres campagnes, exhortant par exemple les gens à ramasser les excréments de leurs chiens quand ils les promènent dans les rues ou dans les parcs, à attirer l’attention des chauffeurs qui garent leur voiture sur le trottoir et à respecter l’hygiène pour tous.
« Nous voulons faire comprendre aux gens que le bien-être des familles d’une ville dépend aussi du comportement de chacun de ses habitants », affirme Alma Cazacu : «Dans nos campagnes, nous avons opté pour des messages non agressifs. D’habitude, les réactions des parents face aux chauffeurs qui garent leur voiture sur les trottoirs sont très agressives. Nous sommes d’avis, nous, que l’éducation ne se fait pas de manière agressive, c’est pourquoi nous avons conçu des flyers expliquant aux chauffeurs que pour les parents avec un bébé en poussette et pour les personnes touchées par des déficiences, il est difficile de circuler sur des trottoirs encombrés de voitures. Le plus important, c’est de ne pas oublier qu’en descendant de voiture, les chauffeurs deviennent, à leur tour, piétons. Avec les maîtres et les maîtresses des chiens cela a été plus difficile. Pour éviter de nous adresser directement à eux, en leur donnant l’impression de les accuser, nous avons collé des affiches, les priant de ramasser les excréments de leur chien. Nous n’avons pas l’intention d’accuser qui que ce soit, nous souhaitons seulement leur faire comprendre qu’il n’est pas normal de laisser des ordures traîner derrière soi. »
Quant à ses projets d’avenir, Grow Up Romania poursuivra se démarches visant à faire de la capitale roumaine une ville amie des parents et des enfants, en impliquant ses habitants dans la solution de leurs problèmes. (Trad. : Dominique)