Le baromètre de genre, 18 ans plus tard
Une Roumanie dynamique, où les perceptions de genre changent en se modernisant ; une Roumanie qui hésite entre conservatisme et progressisme dans lapproche de légalité des genres ; une faible perception du besoin de politiques visant légalité des chances. Voilà les conclusions les plus importantes du Baromètre de genre 2018, réalisé 18 ans après le premier jamais réalisé en Roumanie, en lan 2000. Le plus récent, commandé par lassociation non gouvernementale féministe « Centrul Filia/Le Centre Filia », a très bien retenu le changement de certaines mentalités, limmobilisme de certaines autres et lindécision dautres encore. Vu que des sujets tels la violence familiale, léducation à la santé et à la santé reproductive, le grand nombre de mères adolescentes en Roumanie, ont figuré à lagenda public de ces dernières années, Centrul Filia souhaite voir les résultats de cette enquête sociologique produire des politiques de genre conséquentes.
Christine Leșcu, 31.07.2019, 00:02
Une Roumanie dynamique, où les perceptions de genre changent en se modernisant ; une Roumanie qui hésite entre conservatisme et progressisme dans lapproche de légalité des genres ; une faible perception du besoin de politiques visant légalité des chances. Voilà les conclusions les plus importantes du Baromètre de genre 2018, réalisé 18 ans après le premier jamais réalisé en Roumanie, en lan 2000. Le plus récent, commandé par lassociation non gouvernementale féministe « Centrul Filia/Le Centre Filia », a très bien retenu le changement de certaines mentalités, limmobilisme de certaines autres et lindécision dautres encore. Vu que des sujets tels la violence familiale, léducation à la santé et à la santé reproductive, le grand nombre de mères adolescentes en Roumanie, ont figuré à lagenda public de ces dernières années, Centrul Filia souhaite voir les résultats de cette enquête sociologique produire des politiques de genre conséquentes.
Andreea Bragă, représentante de lassociation Centrul Filia, explique le contexte dans lequel le Baromètre de genre a été réalisé, ainsi que les éventuelles solutions aux problèmes. «Les mentalités patriarcales et les préjugés concernant la violence, la victime et ses agresseurs, mais aussi le manque dinformations sur la violence familiale et la dynamique de la violence parmi les professionnels du domaine – policiers, juges ou assistants sociaux – freinent laccès des femmes à leurs droits. Sur le terrain, nous apprenons que ce sont les policiers eux-mêmes qui déconseillent aux femmes de porter plainte ou qui ne savent pas quels conseils leur donner. Je ne veux pas généraliser, tous les agents de police ne font pas ça, mais nous aimerions que les professionnels sensibles à la problématique de genre soient plus nombreux, quils rejettent les stéréotypes et les préjugés sur les hommes et les femmes, pour intervenir rapidement dans les cas de violence familiale, surtout quand leur intervention peut faire la différence entre la vie et la mort. Nous continuons à occuper les premières places des classements européens en matière daccouchements parmi les adolescentes, de mortalité à la naissance, de faible accès de la mère aux services de santé… De nombreuses femmes ne consultent jamais un médecin pendant la grossesse. Donc une des solutions a été de refaire un des réseaux de sages-femmes et dassistantes communautaires qui aillent à la rencontre des bénéficiaires et qui travaillent avec les femmes, au sein même de la communauté. Nous avons lintention de remettre en état le réseau de cabinets de planning familial. Malheureusement, nous constatons une résistance de lopinion publique quand on parle de droits reproductifs et daccès à la contraception. »
Comparé au Baromètre de genre de lan 2000, celui de lannée dernière met en évidence des évolutions positives, mais aussi des attitudes figées dans le temps, selon la sociologue et professeure des universités Laura Grunberg. Lenquête de 2018 contient de nombreuses réponses contradictoires, qui évoquent des mentalités hésitant entre le passé et le présent, entre attitudes traditionnalistes et progressistes, comme laffirme Laura Grunberg : «Aussi bien en 2000 quen 2018, ceux qui parlent dégalité ou dun partenariat hommes-femmes dans la vie privée représentent de faibles pourcentages. « Qui soccupe de la maison ? » Si la réponse la plus fréquente à cette question avait été « les deux », on aurait pu parler dun partenariat privé. Ce thème, du partenariat privé, de léquilibre entre la vie professionnelle et la vie privée ne semble pas être connu ou intéresser les gens. Et cette perception na pas bougé avec le temps. Dautres perceptions sont restées figées : cest plutôt du devoir des femmes que de celui des hommes de soccuper des tâches ménagères. Le pourcentage de ceux qui le pensent touche les 60%, le même chiffre quen 2000. En 2018, tout comme en 2000, quelque 80% des sujets questionnés considèrent que la quasi-totalité des tâches ménagères incombe aux femmes, sauf les travaux de réparation. »
Dans le même temps, Laura Grunberg croit quun un changement, bien que faible, est en train de sopérer. «Il est vrai quà la question de savoir si lhomme est le chef de la famille, la perception a baissé de 83% en 2000 à 70% en 2018. Cest tout de même bien. Personnellement, je ny vois pas de changement, puisque 70%, cest toujours beaucoup. Même chose en ce qui concerne lidée que « la femme doit suivre son homme ». Le changement y est visible, 65% au lieu de 78%. Mais moi, je naime pas ce pourcentage non plus. Les différences sont visibles, mais les chiffres continuent dêtre importants. Je mattendais à des changements plus profonds en 18 ans. »
Les aspects positifs mis en évidence par le Baromètre de genre 2018 sont pourtant nombreux, considère Laura Grunberg. « Concernant lélection dune femme aux fonctions de président du pays, en 2000, les Roumains nagréaient pas cette idée. En revanche, en 2018, le changement est évident. Si en 2000, 73% des sondés préféraient un président homme, ils nétaient plus que 43% à le penser, le changement est donc extraordinaire. Pour ce qui est de lidée que « les hommes sont plus capables de conduire que les femmes », la baisse est significative: de 54% à 44%. Cela veut dire que les femmes sont tout aussi capables de conduire que les hommes, certaines dentre elles même plus capables. « Les femmes sont trop occupées avec les tâches ménagères et nont pas le temps dassumer des postes de direction », ceux qui le pensaient représentaient 68%, ils sont maintenant 44%. « Les femmes nont pas confiance en elles-mêmes » – en 2000, 43% des Roumains le pensaient, alors quen 2018 ils étaient 31%.
Le Baromètre montre clairement que les efforts des ONGs daccroître la prise de conscience relative à la violence familiale et de soutenir la prise de mesures légales contre les agresseurs et en faveur des victimes, ont fait la différence, affirme Laura Grunberg. «Par rapport à 2000, bien plus de personnes considèrent que la violence familiale nest pas simplement une affaire privée, quil faut résoudre en famille. Au contraire, cest la police qui devrait intervenir en premier dans de telles situations. En 2000, 35% des gens considéraient que les partenaires devaient résoudre seuls leurs problèmes, aujourdhui ils ne sont plus que 20% à le croire, et la plupart indiquent la police en premier. Cest un changement de mentalité, ce qui est le plus difficile à opérer. Donc les efforts faits sont visibles. »
Les auteurs du Baromètre de genre ont conclu que la Roumanie change et que les perceptions de la population concernant les rôles traditionnels de la femme et de lhomme se diversifient. (Trad. : Ileana Ţăroi)