Les jeunes de Roumanie – portrait collectif
Une récente étude sociologique réalisée à linitiative de la Fondation Friedrich Ebert Roumanie met sous la loupe une tranche dâge dont on parle beaucoup, mais dont on sait trop peu en fait et qui est aussi très peu représentée au niveau des politiques sociales: les jeunes. Menée en 2018, cette étude analyse leur approche de sujets tels la famille, léducation, le style de vie, la religion ou la démocratie. Qui plus est, létude cible non seulement des Roumains mais aussi des jeunes de 9 autres pays dEurope du sud-est, membres et non membres de lUE.
Christine Leșcu, 07.08.2019, 13:50
Une récente étude sociologique réalisée à linitiative de la Fondation Friedrich Ebert Roumanie met sous la loupe une tranche dâge dont on parle beaucoup, mais dont on sait trop peu en fait et qui est aussi très peu représentée au niveau des politiques sociales: les jeunes. Menée en 2018, cette étude analyse leur approche de sujets tels la famille, léducation, le style de vie, la religion ou la démocratie. Qui plus est, létude cible non seulement des Roumains mais aussi des jeunes de 9 autres pays dEurope du sud-est, membres et non membres de lUE.
On confirme une fois de plus ce que dautres statistiques ont déjà constaté : les jeunes restent une catégorie vulnérable, affirme Victoria Stoiciu, représentante de la Fondation Friedrich Ebert Roumanie : « Comme le constate notre étude et bien dautres, les jeunes forment sans doute une catégorie défavorisée, premièrement du point de vue économique. Le niveau de pauvreté est très accentué parmi les jeunes de 15 à 25 ans, en fait il est plus élevé que pour dautres tranches dâge. Dhabitude on pense aux personnes âgées ou aux retraités lorsque lon fait ces comparaisons. En fait, la situation économique des jeunes est beaucoup plus difficile. En plus, ils ne sont pas suffisamment représentés au niveau politique non plus. »
Tous les indicateurs économiques et sociaux portant sur les jeunes de Roumanie sont très bas, constate le sociologue Gabriel Bădescu, un des auteurs de létude. Toutefois, il faut mettre ces indicateurs dans un contexte plus large, européen. Par exemple, plus de la moitié des participants roumains sont daccord avec lidée que la démocratie est une bonne forme de gouvernance. Mais 23% dentre eux estiment que, dans certaines conditions, la dictature serait une forme de gouvernance meilleure que la démocratie. A comparer les 9 Etats inclus dans la recherche, on constate que la Roumanie a un des niveaux les plus bas pour ce qui du soutien à la démocratie, dans le contexte, où lon remarque partout une tendance vers lautoritarisme.
Ce qui est aussi remarquable, cest que le changement des générations napporte pas forcément de meilleurs citoyens, favorables à la démocratie, estime Gabriel Bădescu : «Ce déclin de lattachement à la démocratie nest pas uniforme à travers les différentes tranches dâge. Lorsque lon parle de la qualité de la démocratie, les jeunes sont une catégorie vulnérable et problématique. Problématique, parce quil existe des études qui indiquent quune fois imprimées certaines attitudes à un jeune âge, elles sont difficiles à changer ; au contraire, elles restent là et se perpétuent.»
Outre lattitude socio-politique, létude de la Fondation Friedrich Ebert Roumanie analyse aussi le soutien aux minorités des jeunes. Gabriel Bădescu nous en parle : « Le soutien des droits des minorités est plutôt faible chez les jeunes. Pour plusieurs catégories de minorités, la Roumanie enregistre les valeurs les plus basses des dix pays étudiés. Il sagit notamment des droits des minorités ethniques et des droits des pauvres ».
La même recherche a mis au jour les décalages existant en Roumanie non seulement entre les régions, mais aussi entre les milieux rural et urbain. Dailleurs, selon des études de 2017, le taux général du risque de pauvreté parmi les jeunes roumains était de 37% en milieu rural et de 6% seulement en milieu urbain. Dans ces conditions, la Fondation Friedrich Ebert Roumanie constate que 23% des jeunes vivant à la campagne font partie de la catégorie appelée NEETs (not in employment, education or training). Ce sont des jeunes qui ne suivent aucune forme denseignement, ni de formation, et qui nont pas non plus un emploi. Le taux en est double en milieu rural par rapport au milieu urbain. Aucun autre pays étudié nenregistre un décalage si important.Et cest toujours la situation économique précaire qui explique le fait quune grande partie des jeunes roumains rêve démigrer, affirment les auteurs de létude. A la différence de lannée 2014, lorsque 60% des jeunes de 14 à 29 ans souhaitaient partir à létranger, en 2018 ils nétaient que 30%.
Partir à létranger est souvent un simple désir, qui ne se concrétise pas, souligne le sociologue Daniel Sandu, coauteur de létude dont il est question aujourdhui : « Avoir un fort désir de partir nest pas un élément essentiel pour savoir sils veulent vraiment quitter le pays ou pas. Cest plutôt la réponse à la question « comment évaluez – vous vos opportunités de développement dans votre propre pays ? » Si la situation économique de son pays est difficile, comme cétait le cas en 2014, et si les opportunités sont réduites, alors on a cette tendance de planifier son départ ou au moins de souhaiter partir. »
Mais qui sont ces jeunes qui souhaitent tant quitter la Roumanie ? Les réponses sont tout aussi surprenantes, de lavis de Daniel Sandu : « En fait, à faire une analyse plus profonde, on constate que lintention de partir concerne deux groupes très différents et placés aux extrêmes. Un groupe est formé de jeunes provenant de familles aisées et qui souhaitent poursuivre leurs études à létranger. Lautre est formé de jeunes provenant de familles qui se débrouillent grâce à largent envoyé par certains membres qui travaillent à létranger. Cet argent permet aux jeunes davoir accès aux biens, mais il ne leur offre pas de stabilité, ni de perspective dans leur pays. » Dailleurs, la perception du présent est celle qui donne la perspective de lavenir. Ce qui explique beaucoup de choses. (Trad. Valentina Beleavski)