Les Roumains, parmi les Européens les plus passionnés par les randonnées en montagne
. Les Carpates qui traversent le centre du pays du nord à l’ouest offrent aux amoureux de la montagne une grande variété d’activités, des balades tranquilles en forêt aux ascensions difficiles des pics arides. Les stations, les refuges et les chalets de montagne offrent des possibilités de repos et de détente aux touristes après l’effort physique. Eté comme hiver, les sentiers de randonnée sont parcourus par des montagnards qui préfèrent les étendues sauvages au confort des hôtels et des pensions. C’est aussi le cas d’Ilinca Stoenică, guide de haute montagne, diplômée de la Faculté de géographie du tourisme, connue dans l’environnement en ligne grâce à son blog de passionnée de la montagne. Mère de trois garçons, dont le cadet est encore nourrisson, Ilinca leur a transmis l’amour pour la montagne dès leur plus jeune âge. C’était aussi son éducation, alors elle sait combien il est important de faire cet apprentissage au cours de l’enfance.
Christine Leșcu, 30.01.2019, 15:15
C’est là une partie de la démarche éducative qu’elle présente sur son blog. Ilinca Stoenică : « Un enfant devrait faire des sorties dans la nature dès sa naissance. Cela ne veut pas dire que ses parents devraient escalader des sommets ou exposer le nouveau-né à des dangers. Je crois fortement que la nature est l’école la meilleure et la plus spontanée qui soit. Elle est essentielle non seulement pour le développement physique, même si elle évoque le mouvement, la condition physique, la santé. Ceci est bien sûr important, mais je crois que la nature participe également au développement cognitif et émotionnel. La nature vous oblige à trouver des solutions pour tout un tas de problèmes, et on y arrive par l’improvisation, chose que beaucoup d’enfants ne maîtrisent pas encore. Mais elle accroît aussi la tolérance à la frustration et la capacité à nouer des relations. On le dit, d’ailleurs, les amitiés qui se lient à la montagne durent toute une vie. »
Toutefois, la plupart des initiatives d’éducation à la montagne de Roumanie sont des initiatives privées, comme celle d’Ilinca Stoenică : « Il n’existe pas en ce moment en Roumanie de politique cohérente d’éducation à la nature. Il existe des initiatives privées, comme la mienne. Et d’autres, mais elles ne sont pas nombreuses. Il y a eu des discussions entre des professeurs et des personnes passionnées par la montagne pour introduire une discipline à l’école appelée « Education dans la nature ». Mais ça ne s’est pas fait, le programme est très chargé et pour introduire une nouvelle discipline il faut des professeurs pour l’enseigner. Mais qui pourrait les former, les qualifier ? C’est le serpent qui se mord la queue. Au moins, nous avons la possibilité d’organiser des sorties au moment de cette semaine dédiée aux animations en dehors de l’école, appelée l’Ecole autrement. C’est le moment d’aller dans la nature et d’organiser des activités qui comptent vraiment pour les enfants. »
Malgré cela, les rapports rendus publics à la fin de l’année dernière par Eurostat, l’Office statistique de l’Union européenne, montraient une réalité surprenante. Les Slovaques et les Roumains seraient les Européens les plus passionnés par les excursions en montagne. En 2016, la montagne était une des attractions principales pour 13% des voyages de loisirs des citoyens de l’Union. En haut du classement on trouve les Slovaques, avec 25% des excursions qui avaient pour destination la montagne, et les Roumains en deuxième position avec 24% des voyages. Les Français et les Italiens suivent dans le classement, avec 19% de déplacements montagnards.
Ilinca Stoenică croit qu’il est nécessaire de nuancer les conclusions de ce rapport : « A en croire les réalités sur le terrain, les conclusions seraient différentes. Il y a deux aspects majeurs que l’on devrait prendre en considération. Tout d’abord, le nombre croissant de montagnards, qui mène à l’augmentation des offres de randonnées guidées. L’une découle de l’autre, ces deux évolutions s’alimentent réciproquement. Ensuite, il y a l’accès facile aux équipements de qualité, ce qui, du temps de ma jeunesse, n’était pas forcément le cas. Il suffit de penser au large choix de parkas ou de coupe-vent que l’on a de nos jours. Aujourd’hui on ne se pose plus le problème de l’équipement quand on souhaite commencer à pratiquer la randonnée. »
Ilinca Stoenică s’exprimait ainsi sur l’intérêt croissant pour la randonnée en montagne en Roumanie et le tourisme qui en découle : « Il n’existe aucune statistique précise pour quantifier ce phénomène, surtout que la plupart des randonneurs le pratiquent à titre individuel. Ils assurent à eux seuls le transport, l’hébergement et donc, il est pratiquement impossible de les recenser à moins qu’ils ne s’installent dans un établissement à même de dresser des statistiques ou qu’ils ne visitent des réserves naturelles munis d’un ticket d’entrée. Or, tous ces touristes ne sont pas pris en compte au moment où de tels chiffres sont véhiculés. Ce qui fait que les statistiques reposent plutôt sur le nombre de nuits passées par les skieurs, par exemple, en hiver, sur l’ensemble des stations alpines de Roumanie. Et c’est à partir de ce moment qu’il faut faire la différence entre ceux qui se rendent à la montagne et ceux qui se rendent en haut de la montagne. Attention, je ne veux pas minimiser l’importance de ce classement européen qui nous fait honneur. Mais les associations professionnelles roumaines telles la Société des guides de montagne et des leaders montagnards de Roumanie essaient d’obtenir des statistiques proches de la réalité. Cela n’est pas toujours évident, en raison des randonneurs qui s’aventurent seuls au sommet des montagnes. »
Les Roumains ne sont pas les seuls à faire des randonnées dans les montagnes roumaines. Les étrangers en font également, même les Slovaques, leaders des montagnards européens. Ilinca Stoenică : « Ceux qui arrivent en haut du Massif de Făgăraș en été ne se saluent plus en roumain, tant les étrangers que l’on y croise sont nombreux. Trois quarts des randonneurs sont originaires des pays voisins. Il y a beaucoup de Tchèques, de Slovaques, de Polonais qui préfèrent les montagnes roumaines à cause de leur nature sauvage. En plus, l’accès aux trajets n’est jamais limité et les touristes peuvent en quelque sorte camper presque partout, à l’exception des aires protégées. »
Quelles que soient les statistiques, une chose est sûre : les Roumains adorent la montagne et le nombre de ceux qui pratiquent le tourisme alpin est à la hausse. (Trad. Elena Diaconu et Ioana Stăncescu)