La vaccination des enfants – obligatoire ou facultative?
Plus de 10 mille cas de rougeole et 36 décès des suites de cette maladie extrêmement contagieuse – voilà les dernières statistiques officielles d’une épidémie qui a touché la Roumanie en 2017 et qui continue de sévir dans le pays. L’épidémie éclatait sur la toile de fond d’un débat acerbe qui divise la population depuis plusieurs années et d’un projet de loi qui prévoyait l’obligation vaccinale, proposé initialement il y a 4 ans. Le fait que sur 10 mille personnes ayant contracté la maladie, 9.688 n’avaient pas été vaccinées a attisé les polémiques. Elles opposent la plupart des médecins et des représentants du système de santé, d’une part, et la société civile ainsi que des parents qui n’acceptent pas la vaccination obligatoire, de l’autre. Le problème de l’obligation vaccinale ne se serait même pas posé si l’on n’avait pas été confronté à une situation inquiétante du taux de vaccination des enfants – estime le médecin Sandra Alexiu, vice-présidente de la Société nationale des médecins traitants.
Christine Leșcu, 31.01.2018, 13:16
Plus de 10 mille cas de rougeole et 36 décès des suites de cette maladie extrêmement contagieuse – voilà les dernières statistiques officielles d’une épidémie qui a touché la Roumanie en 2017 et qui continue de sévir dans le pays. L’épidémie éclatait sur la toile de fond d’un débat acerbe qui divise la population depuis plusieurs années et d’un projet de loi qui prévoyait l’obligation vaccinale, proposé initialement il y a 4 ans. Le fait que sur 10 mille personnes ayant contracté la maladie, 9.688 n’avaient pas été vaccinées a attisé les polémiques. Elles opposent la plupart des médecins et des représentants du système de santé, d’une part, et la société civile ainsi que des parents qui n’acceptent pas la vaccination obligatoire, de l’autre. Le problème de l’obligation vaccinale ne se serait même pas posé si l’on n’avait pas été confronté à une situation inquiétante du taux de vaccination des enfants – estime le médecin Sandra Alexiu, vice-présidente de la Société nationale des médecins traitants.
Sandra Alexiu : « A la différence d’autres vaccins qui ont été parfois en rupture de stock, celui contre la rougeole, qui est en fait un vaccin complexe contre la rougeole, la rubéole et les oreillons, n’a presque jamais manqué. En jugeant d’après les données dont nous disposons, la logique porte à croire que cette épidémie est liée au refus de la vaccination. On peut également expliquer la recrudescence des cas de maladie par le manque de confiance des parents et des patients vis-à-vis du système sanitaire de Roumanie. Le système a enregistré une série d’échecs et il est en train de traverser une crise. Or, un des éléments qui a déterminé ce manque de confiance a été l’absence de vaccins, qui n’ont pas été fournis à temps. Il s’agit de vaccins contre d’autres maladies, mais ce manque a augmenté la défiance vis-à-vis des vaccins, alimentée aussi par les campagnes anti-vaccination menées non seulement en Roumanie, mais aussi au niveau international. »
De l’autre côté de la barricade se trouvent ceux qui militent pour le droit de refuser la vaccination et ils insistent sur leur liberté de choisir. C’est le cas de l’Association « Lion Mentor » dont la présidente, Irina Thiery, explique l’attitude de ceux qu’elle représente.
Irina Thiery : « Lion Mentor n’est pas contre la vaccination. Nous vivons dans un Etat de droit où, estimons-nous, la vaccination est un choix. C’est pourquoi nous respectons les personnes qui choisissent d’assumer les risques de la vaccination, mais nous nous opposons fermement à la vaccination obligatoire. La vaccination est un acte médical préventif et non pas thérapeutique et elle doit être précédée par des examens médicaux – soit de routine – soit approfondis. Pour réduire les risques, les examens doivent comporter des tests génétiques, allergologiques, neurologiques et immunologiques. Seul un examen complexe de ce genre pourrait prévenir, dans une certaine mesure, des effets adverses graves tels les allergies, les paralysies, la mort subite ou les crises d’épilepsie. »
Tous ces effets adverses figurent d’ailleurs dans le prospectus de chaque vaccin; leur apparition ou leur ampleur dépendent du patient. Le médecin Sandra Alexiu explique : « Les effets adverses mineurs sont les plus fréquents. Il s’agit le plus souvent de réactions locales, que l’on rencontre chez beaucoup d’adultes ou d’enfants : rougeur ou chair qui durcit à l’endroit de la piqûre, un peu de fièvre ou éruptions locales. Il y a aussi des effets adverses plus importants, mais, en les jugeant, on doit mettre en balance l’importance et les bénéfices de la vaccination, qui peut prévenir des maladies dont certaines ne peuvent pas être traitées. Par exemple, un enfant non vacciné sur mille risque d’être touché par une encéphalite rougeoleuse et un autre peut décéder des suites de cette grave maladie. En revanche, statistiquement, un enfant vacciné sur un million est touché par une encéphalite après le vaccin contre la rougeole. »
Or, ce sont justement toutes ces statistiques qui alimentent le scepticisme des anti-vaccination.
Irina Thiery précise: « Un cas sur dix se plaint de différentes réactions indésirables post vaccination, tandis que des effets secondaires plus rares sont constatés dans un cas sur cent mille. Il est hors de propos qu’un vaccin nuise à une seule personne sur un million, comme je l’ai entendu dire dans une publicité! Ce n’est pas vrai! En revanche, il est vrai que les médecins roumains ne sont pas instruits à rapporter les effets indésirables constatés chez leurs patients. Et je vous donne l’exemple de trois départements de Roumanie qui depuis trois ans déjà, disent n’avoir enregistré aucun effet secondaire. Cela n’est pas possible! »
Du coup, même les statistiques officielles concernant les cas de rougeole sont regardées d’un oeil sceptique.
Irina Thiery: « La Roumanie manque de protocoles uniques de diagnostic. Cela veut dire que pas tous les cas de rougeole rapportés et enregistrés finissent par se confirmer. Les mêmes symptômes peuvent conduire à des diagnostics différents. Par conséquent, le ministère de la Santé publique s’avère incapable de prouver par des documents médicaux le nombre de cas dont il fait état. A jeter un coup d’œil sur la situation des décès invoqués par l’Agence nationale des médicaments comme étant en rapport avec la rougeole, on serait surpris de constater que selon l’Agence, ce virus serait responsable de la mort d’uniquement 10 personnes sur les 36 décédées. Dans le reste des cas, la maladie n’a été considérée qu’un facteur de risque, associé à d’autres affections préexistantes. »
Puisque dans le cas des maladies contagieuses, la mise en oeuvre des mesures de prévention n’est efficace que lorsqu’elles concernent toute la communauté, on a posé la question aux parents sur l’obligation vaccinale.
Adepte des vaccins, tout en respectant le droit d’autres parents de les refuser, la mère d’une fillette de six ans nous a déclaré : « Moi, je suis pour les vaccins, mais je ne tiens pas à ce que tout le monde partage mon opinion. Chacun a le droit d’élever son enfant comme bon lui semble. Finalement, si un jour, je commençais à douter des bénéfices de la vaccination, je resterais ferme sur mes positions même si le reste du pays me disait le contraire. »
La mère d’une autre gamine de 8 ans a ajouté: « Ma fille a 8 ans et je l’ai fait vacciner de tous les vaccins recommandés. Je respecte l’opinion de ceux qui refusent la vaccination, mais je ne peux pas la partager tant que les médecins disent tout le contraire. »
Qu’est ce que cette mère pense de la façon dont la société est touchée par une recrudescence des cas de maladies contagieuses suite au refus de la vaccination ?
Parent : « Les enfants aussi ont des droits. Du coup, quand leurs parents se trompent, il faudrait que quelqu’un intervienne. Je pense qu’une loi sur l’obligation vaccinale serait de bon augure ».
Approuvé par le Sénat, le projet de la dite loi est débattu actuellement par la Chambre des députés. (Aut. : Christine Leşcu ; Trad. : Ioana Stăncescu, Dominique)