Eduquer par et pour la culture dans le système roumain d’éducation nationale
Eduquer par et pour la culture est devenu l’un des thèmes favoris dans les débats publics de ces dernières années. Quel est le rôle de l’enseignement à promouvoir et à faire sienne la culture par les plus jeunes? De quelle manière pourrait-on introduire dans le programme scolaire des cours et des disciplines qui répondent à ces desiderata?
Luana Pleşea, 06.12.2017, 13:27
Eduquer par et pour la culture est devenu l’un des thèmes favoris dans les débats publics de ces dernières années. Quel est le rôle de l’enseignement à promouvoir et à faire sienne la culture par les plus jeunes? De quelle manière pourrait-on introduire dans le programme scolaire des cours et des disciplines qui répondent à ces desiderata?
D’évidence, l’enseignement roumain comprend, et ce depuis belle lurette, des éléments censés sensibiliser les enfants à la culture. Aussi, les nouveaux programmes au niveau de l’enseignement primaire et secondaire, souvent conçus dernièrement par des professionnels de l’Institut des sciences de l’éducation, visent justement à ouvrir la perspective sur ces sujets aux enfants. Ils se donnent pour tâche de sensibiliser les élèves à ce qu’on appelle la culture au sens large, mais également aux nouvelles formes d’expression culturelle, ajoute dr. Magdalena Balica, directrice adjointe de l’Institut des sciences de l’éducation. Forcément, les élèves entrent en contact avec des éléments de culture lorsqu’ils abordent différentes disciplines, que ce soit la littérature, l’art plastique, la chorégraphie, l’éducation musicale, mais encore l’histoire, la géographie, l’éducation sociale.
Malgré tous ces efforts, une étude, réalisée en 2016 par l’Institut des sciences de l’éducation et intitulée « L’Art à l’école: concepts et pratiques », montre à profusion l’absence d’une politique cohérente qui vise la promotion de l’éducation à l’art, aussi bien au sein de l’école qu’au sein des autres institutions publiques.
Magdalena Balica: « Il est certain qu’au-delà de l’éducation artistique promue dans le cadre des programmes scolaires, l’école vit dans une réalité sociale et culturelle. Il faudrait alors pouvoir encourager la pratique éducative, encourager l’art social et la pratique artistique accessible aux enfants. Par ailleurs, nous, en tant qu’Institut des sciences de l’éducation, on encourage toutes les initiatives et tous les projets culturels développés au niveau des communautés, à l’initiative des artistes ou des gens de culture actifs au niveau local. On est heureux de saluer l’apparition d’un nombre important d’associations et d’ONGs qui s’engagent dans divers types de collaborations, menées en partenariat avec les écoles, au niveau local. Il faut que l’art descende de son piédestal et puisse être accessible au plus grand nombre. La pratique artistique, l’accès à l’art ne peuvent demeurer l’apanage d’un petit nombre d’initiés, mais se doivent de faire profiter nos enfants, de participer à leur épanouissement. L’école a besoin de cet appel d’air frais. Elle a besoin de professionnels, de nouvelles opportunités, elle a besoin de pouvoir échanger avec son environnement social et communautaire. C’est un début prometteur qui devrait être encouragé et promu par le système scolaire, par l’Education nationale. »
Un bon exemple en ce sens, c’est le projet initié par les époux Adriana et Virgil Scripcariu – elle historienne d’art, lui sculpteur. C’est ensemble qu’ils ont fondé une école privée dans le village de Piscu, situé à une petite 40e de km de Bucarest, dans le comté d’Ilfov, pour pallier à la fermeture de l’école publique locale. Adriana Scripcariu est par ailleurs l’auteure de certains manuels alternatifs sur le thème de la préservation du patrimoine culturel.
Adriana Scripcariu : « Nous sommes actuellement en train de finaliser une sorte de guide éducatif, rédigé à l’intention des professeurs de l’enseignement secondaire. Il vise à promouvoir et à faire connaître le patrimoine roumain inscrit dans la liste de l’UNESCO auprès des élèves. Nous espérons que ce guide puisse être utilisé dès cette année scolaire, et constituer la base d’un projet pilote dans un certain nombre d’écoles. Ensuite, probablement à partir de l’année prochaine, il devrait constituer le squelette d’une discipline optionnelle dans beaucoup d’autres écoles. Il y a une certaine demande de nouvelles disciplines optionnelles interdisciplinaires au niveau des programmes scolaires, de la part des professeurs mêmes. Ce guide viendrait à point nommé, et nous espérons qu’il puisse satisfaire leurs attentes. Par ailleurs, nous avons d’autres projets en route, des projets qui envisagent de faire connaître le patrimoine national ou local auprès des enfants, d’initier plein d’ateliers créatifs, de sensibiliser nos enfants à l’importance du patrimoine culturel. »
Le besoin de ces nouveaux guides, du matériel de cours, du matériel pédagogique adapté pour mieux promouvoir l’art, la culture, la pratique artistique auprès des enfants est fortement ressenti, en premier lieu par les professeurs et par les professionnels de l’éducation. Nombre d’artistes ou d’opérateurs culturels ressentent un besoin accru de s’investir dans ce domaine.
Adriana Scripcariu l’avoue : « Il faut savoir quoi, comment, de quelle manière présenter cela aux enfants. Voyez-vous, la génération des enseignants d’aujourd’hui est elle-même peu armée de ce point de vue. Ils ont très peu bénéficié d’une initiation à cette approche de la pratique artistique et culturelle, à l’amour du patrimoine, à l’importance de sa préservation. D’où leur demande de pouvoir collaborer avec des artistes, des professionnels qui oeuvrent dans divers domaines culturels, de pouvoir travailler ensemble avec des muséographes, des associations culturelles et avec celles qui s’investissent dans la promotion du patrimoine. On souhaite réussir à promouvoir, à pouvoir accroître l’accès à la culture et à la pratique artistique aux enfants, justement grâce à ce type de collaborations avec des intervenants externes. On souhaite à ce que cela puisse avoir un impact durable et positif dans la formation des générations à venir. »
Si les partenariats entre l’école, les associations ou encore d’autres institutions publiques et privées est largement souhaité et souhaitable dans ce contexte, il n’en reste pas moins que le chemin semble parsemé d’embûches.
Magdalena Balica l’affirme : « Ce qui nous manque, c’est certainement un cadre adapté et les ressources financières nécessaires, indispensables à sa mise en oeuvre. On devrait probablement repenser nos politiques éducatives, et ce pour mieux intégrer cette approche de la collaboration entre les acteurs culturels et l’école, pour en constituer une intervention cohérente, sur le long terme. Il est évident que l’école ne peut pas endosser à elle seule la multitude des facettes qu’implique la formation d’un enfant: le sensibiliser aux problématiques sociales, l’impliquer dans la vie de sa communauté, lui offrir les outils nécessaires pour qu’il puisse vivre pleinement son destin d’homme, de citoyen, d’être de culture. »
Nous achèverons ce constat par l’une des conclusions tirée de l’étude réalisée par l’Institut des sciences de l’éducation: « On remarque sans l’ombre d’un doute que l’éducation aux valeurs artistiques et culturelles ne peut être réalisée en l’absence d’une vraie politique publique volontariste, impliquant l’ensemble des acteurs, à tous les niveaux. Aussi, pour y réussir, il faudrait faire montre d’une volonté politique forte et manifeste qui aille dans ce sens. Faute de quoi, ces initiatives dispersées vont demeurer juste des modèles de bonne pratique, sans lendemain et sans impact durable, échouant néanmoins dans leur tentative à s’agencer en un système cohérent, socialement utile. » (Trad. Ionut Jugureanu)