Salons du livre pour enfants à Bucarest
Manque d’appétit pour la lecture, des élèves irrésistiblement attirés par leurs tablettes et par Internet plutôt que par les livres, parents submergés par leur quotidien … Voilà quelques-unes des causes du divorce grandissant entre les enfants et les livres qui faisaient autrefois le délice de leurs parents. Autant de motifs d’inquiétude pour les responsables des politiques éducationnelles.
Christine Leșcu, 18.10.2017, 12:26
Manque d’appétit pour la lecture, des élèves irrésistiblement attirés par leurs tablettes et par Internet plutôt que par les livres, parents submergés par leur quotidien … Voilà quelques-unes des causes du divorce grandissant entre les enfants et les livres qui faisaient autrefois le délice de leurs parents. Autant de motifs d’inquiétude pour les responsables des politiques éducationnelles.
Récemment toutefois, de nouvelles initiatives privées tentent de renverser la vapeur et d’enclencher du coup un véritable changement d’attitude : plutôt que de s’en plaindre, mieux vaut agir.
Aussi, l’Association « Autant des choses dans la lune qu’à la mansarde » vient d’organiser la première foire de livres dédiés aux enfants, le « BOOKerini », à Bucarest. Tout au long d’un week-end, les petits visiteurs purent ainsi approcher, regarder et toucher des livres à la librairie Carturesti en plein centre de Bucarest, livres dont les prix quelque peu bradés firent la joie des parents. A côté des livres, des ateliers sur diverses thématiques associées à la lecture et à l’amour du livre furent organisés.
Selon Valentina Bacu, l’une des organisatrices de la Foire : « On a mis l’accent sur le livre de bonne qualité, on veut que l’enfant commence par approcher et à aimer les personnages. La manière dont on a organisé les stands a également été très importante, ne fut-ce que pour leur faciliter l’accès. On a mis des stands à leur hauteur, pour qu’ils puissent regarder, approcher et toucher facilement les livres. Ils pouvaient encore s’asseoir à leur guise, par terre, sur des poufs ou encore dans des fauteuils. Au même moment, nous avons organisé à la librairie Carturesti toute une série d’activités attrayantes pour les enfants. Dans la mansarde de la librairie on a ouvert une exposition, créée et dédiée aux enfants et, surtout, réalisée avec leur concours. Toujours à la mansarde, nous avons encore organisé des ateliers dédiés aux enfants et des lancements de nouvelles parutions. »
Tout au long de cette journée, la foule des parents, des enfants et des professeurs semblait infirmer la désertion annoncée des librairies et des bibliothèques par les plus jeunes.
Valentina Bacu : «En dépit des idées reçues, les enfants lisent, ils lisent peut-être plus que dans le temps, faisant néanmoins fi du programme scolaire. C’est ce que j’ai pu découvrir en travaillant avec eux. C’est ce que devraient comprendre aussi leurs parents et leurs profs. Ils ne lisent plus parce qu’ils sont contraints, ils ne lisent plus les chefs-d’œuvre classiques, recommandés par leurs parents. Mais le plus important c’est de leur laisser le plaisir de découvrir la lecture, le plaisir de la lecture par eux-mêmes. C’est pourquoi on a organisé cette foire, qui est tout à fait différente de ce qui se fait d’habitude dans le domaine. On a créé des espaces de lecture, telle la tente monté au beau milieu de la pièce. Nous avons organisé des ateliers de contes, on a illustré ces histoires. Ma conclusion c’est que les enfants lisent toujours. Cette première édition de la foire BOOKerini nous le confirme. Le premier jour on a pu compter plus de 700 enfants participants. Nous avons bon espoir que leur nombre augmente les jours suivants. .
Mais les enfants ne font pas que lire, ils écrivent aussi, comme on vient de le découvrir avec Delia Calancia, le plus jeune écrivain de la maison d’édition Humanitas à la foire BOOKerini. A neuf ans et demi, elle vient de lancer Une journée de la vie de Delia, volume écrit et illustré par ses soins. Talentueuse dessinatrice dès ses trois, quatre ans, elle s’inspire dorénavant de ses lectures pour les illustrer.
Quels sont tes livres préférés, Delia? « J’adore les livres fantasy, comme ceux de Roald Dahl, par exemple Matilda et Charlie et la fabrique de chocolat. J’aime tous les livres en fait. Je lis tous les jours. Y a pas un jour que je ne lise un peu ».
Un autre jeune auteur, Petru Buzea qui, du haut de ses dix ans, aidé par sa petite sœur, vient d’assister à la parution de son livre intitulé Histoires courtes et drôles.
Comment s’est-il essayé à l’écriture, c’est Petru lui-même qui nous le raconte: « Alors qu’un soir je m’ennuyais, je me suis proposé d’écrire une histoire. Je l’ai commencée, je l’ai relue, je l’ai montrée ensuite à maman. Elle l’a aimée. J’écris à la manière des contes, j’adore les contes, j’adore les lire. Mais récemment, j’ai voulu écrire aussi en m’inspirant de ma propre vie ».
Ou encore, Petra qui, à un peu moins de 11 ans, s’essaya à l’écriture après avoir dévoré plein de bouquins : «Aujourd’hui même j’ai commencé à écrire un livre, mais j’aime aussi les illustrer. Ce sont mes parents qui me lisaient avant, quand j’étais petite, puis aussi mamie, qui s’endormait le livre à la main, et puis, un jour, alors que j’avais appris à lire, je me suis dit: et si j’allais commencer à lire toute seule. »
Le rôle des parents pour ouvrir l’appétit de la lecture aux plus jeunes est forcément fondamental. C’est pourquoi, NARATIV (« Narratif ») , le festival de la lecture dédié aux enfants, s’adresse également à leurs parents.
C’est là qu’on a rencontré Ana, jeune maman d’un garçon et d’une petite fille, qui nous explique les raisons d’avoir amené ses enfants au Narratif : « Je voudrais qu’ils soient attirés par la lecture, car de nos jours les enfants vont plutôt regarder la télé ou jouer sur internet, sur leurs tablettes ou leurs téléphones. Les livres n’exercent plus l’attirance d’autrefois, quand on avait leur âge. Mon garçon, il a 10 ans, et il a commencé à lire tout seul mais, de temps à autre, je me dois bien de le pousser un petit peu à le faire. Quant à la petite, c’est encore moi qui lui lis, en fait on lit ensemble, elle vient de commencer l’école et commence à apprendre à lire. C’est la raison de notre présence au festival Narratif, pour qu’ils apprennent à lire tout seuls. »
Le festival NARATIV, organisé par l’Association Curtea Veche / La Cour Ancienne, fête cette année sa troisième édition, offrant aux enfants désireux plus de 3000 places d’accès gratuit dans différents ateliers proposés, censés attirer et stimuler leur intérêt et leur amour pour la lecture.
Miruna Meirosu, la vice-présidente de l’Association: « Nous organisons plein d’ateliers sur différentes thématiques pour démontrer aux enfants combien peut être amusant de lire. En même temps, on essaye de développer leur créativité, leur sens critique et leur capacité à trouver des arguments, en utilisant un mix de techniques reprises aux arts visuels, au théâtre d’ombres, à l’architecture. Nous organisons encore des ateliers de lecture dans diverses langues étrangères. Aussi des ateliers spécifiques destinés aux enfants malentendants ou à ceux qui ont des problèmes de vue. Par-delà les ateliers dédiés aux enfants, on organise des conférences pour les parents. Cela fait trois ans que nous essayons de promouvoir le concept de parenting à travers la lecture. C’est pour que les parents s’approprient les techniques modernes pour pouvoir aborder, dans leur relation avec leurs enfants, la question de la lecture, et pour qu’ils réussissent à faire aimer la lecture aux plus petits. »
II va sans dire que les efforts des parents et des professionnels de l’éducation doivent aller dans le même sens et trouver des synergies vu que, selon une étude réalisée par la même association « Curtea Veche », il n’y a que 8% des élèves de Bucarest qui lisent par pur plaisir. (Trad. Ionut Jugureanu)