Faux médicaments en ligne
Le commerce en ligne des faux médicaments gagne de l’ampleur ces dernières années, au point où l’on pourrait affirmer que c’est déjà un véritable fléau. La preuve? L’apparition de véritables réseaux criminels qui font fortune de la vente de médicaments contrefaits. Selon les statistiques de l’Institut International de Recherche Anti-Contrefaçon de Médicaments, un médicament sur deux commercialisés en ligne est faux et seulement une e-pharmacie sur vingt est légale. Bien que pas encore trop grave, la situation en Roumanie n’est pas rose non plus.
Christine Leșcu, 05.07.2017, 15:00
Dans une tentative de décourager le commerce en ligne de faux médicaments, la Roumanie a lancé un premier rapport de surveillance du e-commerce des médicaments issus de sources non contrôlées. C’est une initiative censée évaluer la réalité de la vente illégale sur Internet des produits délivrés normalement sur ordonnance. Aux dires de Dan Miclea, de Media Kompas, l’organisation responsable de ce rapport, le document se penche sur tous les médicaments figurant sur la liste des Plans nationaux oncologie, maladies rares et vaccins, des 5 dernières années.
L’occasion de constater que les patients souffrant d’un cancer sont les plus atteints par la vente illicite de médicaments. Dan Miclea: «Dans un premier temps, il faudrait insister sur le rôle de l’éducation et d’une information correcte du patient vis-à-vis de son état de santé. Une personne en situation désespérée, comme par exemple celles atteintes d’un cancer, n’a pas le temps de suivre un traitement normal, comme c’est le cas des malades chroniques. A part l’éducation et l’information, dont la responsabilité incombe aussi bien aux autorités qu’à la société civile et aux médias, il faudrait que les médias fassent leur travail et mènent des enquêtes sur la contrefaçon des médicaments. Et puis, la Roumanie devrait se doter d’une législation non- interprétable à l’intention des sites, des commerçants et des publications.»
Aux dires du sous-commissaire de police Razvan Marinica de la Direction d’Investigation de la Criminalité économique, les personnes responsables du commerce illicite de médicaments risquent un dossier pénal pour évasion fiscale, blanchiment d’argent ou vente de produits contrefaits : «L’actuelle loi en la matière est plutôt ambiguë. Surtout l’article du Code pénal sur la vente de médicaments contrefaits. On ne fait pas la différence entre un produit faux et un autre contrefait. Or, la contrefaçon signifie la falsification de la marque, du logo, sans toucher au produit proprement dit. A part cela, je dois dire que l’on assiste à de véritables réseaux criminels dans des pharmacies, qui ne signalent pas l’entrée des médicaments ni leur vente ultérieure pour blanchir l’argent qui en résulte.»
A l’heure où l’on parle, un projet de loi pour définir le cadre légal du bon fonctionnement des pharmacies en ligne se trouve sur la table de la Chambre des députés. De l’avis de Cezar Irimia, président de l’Alliance des Malades Chroniques de Roumanie, plus que le manque d’information ou d’éducation, c’est la politique défectueuse menée par les autorités qui pousse les patients à acheter de sources illégales : «Je connais des personnes qui ont acheté des médicaments sur Internet, j’en connais d’autres qui se sont fait avoir, je connais des malades qui ont mangé de la craie vendue à la place du produit souhaité. Ils l’ont appris au moment où ils ont fait de la fièvre et se sont rendus à l’hôpital pour en apprendre la cause. Ou bien, je connais le cas d’un patient qui a pris du charbon végétal au lieu de prendre un cytostatique. Il ignorait complètement la couleur du cachet et le fait de découvrir un médicament noir ne l’a pas surpris.
Il y a énormément d’opportunistes qui font leur apparition en situation de crise, ils se présentent parfois même aux portes des hôpitaux, pas seulement sur Internet. Pourquoi cette situation? C’est à nos responsables politiques qu’il faudrait poser la question. C’est en l’absence de politiques sanitaires cohérentes et de toute responsabilité que nous voilà confrontés à un tel désastre. On a retiré des pharmacies des médicaments bon marché, essentiels dans la prise en charge des patients atteints d’un cancer.
C’est un désastre ce que fait le Ministère de la Santé. Il décide du retrait du marché d’un tas de médicaments qui ne rapportent pas beaucoup, tandis que ceux profitables sont touchés par les exportations parallèles. Les journalistes allemands nous ont informé que presque 90% des médicaments importés par leur pays proviennent de Roumanie. »
Nicolae Fotin, à la tête de l’Agence nationale chargée des médicaments et des dispositifs médicaux, tire la sonnette d’alarme quant aux risques de l’achat de médicaments sur Internet : «D’abord, il est risqué de ne pas connaître l’origine du médicament, le nom du producteur, la teneur en substance active, les excipients. C’est très dangereux pour la santé. Prenons le cas des vaccins, par exemple. Tout le monde sait à quel point ils sont sensibles à la transportation et à la conservation.
Il y en a qu’on peut congeler, tandis que d’autres non. Or, une préservation en dehors des températures indiquées rend inutile l’administration du vaccin. Même s’il est autorisé, il n’est bon à rien si on n’a pas respecté les conditions de stabilité thermique. La dégradation d’un tel produit aura certainement des conséquences directes sur son efficacité et des réactions adverses.»
La commercialisation des médicaments contrefaits est d’autant plus grave que ces produits contiennent parfois des substances dangereuses, comme la mort aux rats ou le mercure. Du coup, il faudrait que chaque achat en ligne soit précédé d’une vérification minutieuse de la situation juridique du site et des logos de certification. (trad. : Ioana Stancescu)