Prévention de la violence en milieu scolaire
Phénomène qui préoccupe de plus en plus la société roumaine, le harcèlement à lécole, avec ses nombreuses facettes, fait lobjet dune étude lancée en 2016 par lONG « Sauver les enfants ». En attendant ses résultats, parents, enseignants et responsables tâchent de trouver ensemble des méthodes pour faire face à la violence en milieu scolaire, un phénomène qui inquiète par son ampleur et ses conséquences psychologiques.
Christine Leșcu, 06.09.2017, 13:47
Phénomène qui préoccupe de plus en plus la société roumaine, le harcèlement à lécole, avec ses nombreuses facettes, fait lobjet dune étude lancée en 2016 par lONG « Sauver les enfants ». En attendant ses résultats, parents, enseignants et responsables tâchent de trouver ensemble des méthodes pour faire face à la violence en milieu scolaire, un phénomène qui inquiète par son ampleur et ses conséquences psychologiques.
A lécole, généralement 3 enfants sur 10 sont exclus du groupe de pairs, 3 enfants sur 10 sont menacés dêtre battus ou frappés et 1 enfant sur 4 a été humilié devant ses camarades. Voilà les premiers chiffres fournis dans le cadre de létude menée par lOrganisation « Sauver les Enfants ». Oana Niculae, médecin spécialiste en psychiatrie pédiatrique active au sein de lorganisation, explique : « Moi, ce qui minquiète le plus, cest que 70% des enfants déclarent avoir assisté à des harcèlements. (…) A mon avis, tout enfant qui participe où assiste à ce type dagression est une victime. Nos enfants assistent sans cesse à des harcèlements, peut-être chaque semaine. »
Quelle est la réaction des parents dont les enfants sont victimes de harcèlement scolaire ? Ana Maria Mitruş, auteure dun blog consacré au « métier de parent » (www.meseriadeparinte.ro) raconte lexpérience de sa fille aînée, élève de CM2, victime de harcèlement à lécole : « Ma fille a été la cible dattaques de la part délèves un peu plus âgées quelle. A mon avis, cétaient là des méchancetés dont le but était détablir une hiérarchie parmi les enfants. « Les grands », pour ainsi dire, ne laissaient pas « les petits » monter à létage, où étudient les élèves de 5e ou de 4e.
Au vestiaire, ils ne les laissent pas se changer, non plus. Depuis quelle est au CM2, ma fille aînée ne sest jamais changée dans le vestiaire. Elle part toujours à lécole déjà habillée pour le cours de sport. Son cours se déroule en même temps que celui dune classe délèves plus âgées, qui chassent littéralement les petites du vestiaire, pour se changer, elles. Les enfants tâchent de se débrouiller comme ils peuvent.
Cette maman a essayé dengager la direction de lécole et les autres parents dans la solution de ce problème, sans trop de succès. Ana Maria Mitruş a conseillé à ses filles de demander laide des adultes, au lieu davoir recours à la violence, comme elles seraient peut-être tentées de le faire, dans de telles circonstances. Ce qui est dailleurs arrivé, une fois : agressée par ses camarades, la fille dAna Maria Mitruş, a réagi, elle aussi, avec violence. Pourtant, tout de suite après, elle a tout raconté à sa mère.
Ana Maria Mitruş renoue le fil de lhistoire : « Heureusement, ce fut un incident sans gravité. Je ne crains pas que ma fille puisse devenir à son tour agressive et persécuter dautres enfants. Si quelquun agit envers elle avec violence, sa première réaction est de répondre avec violence, mais je les ai toutes les deux assez bien élevées pour quelles aillent quand même demander aux adultes dintervenir. Bien que je fasse confiance à mes filles, sachant que je peux compter sur la bonne éducation que je leur ai donnée, je ne mendors pas sur mes lauriers. Cest pourquoi je reste en contact avec les entraîneurs et les enseignants. Finalement, nos enfants sont notre produit. Quils fassent de bonnes ou de mauvaises choses, cest nous, les parents qui en sommes responsables. »
Cest dailleurs au sein de la famille quil faut chercher lorigine dun mal que lécole ne peut, elle, quessayer de limiter. Oana Niculae : « Un enfant heureux nest pas agressif. Nous, en tant que spécialistes, nous chercherons toujours au sein de la famille les causes des comportements agressifs. Malheureusement, à lorigine de la plupart des manifestations agressives se trouve non pas la colère, mais la peur. Les émotions négatives sexpriment toujours de cette façon. Le plaisir que lon a à blesser les autres trouve son origine dans une expérience personnelle de la violence : on a été soi-même blessé ou abusé. »
Quelle est lattitude des adultes vis-à-vis du harcèlement scolaire? Selon létude menée par lorganisation « Sauver les Enfants », les jeunes remarquent chez eux une certaine tolérance et une tendance à ne pas réagir. Pourtant, des actions visant à susciter une prise de conscience et à contrôler le phénomène du harcèlement entre enfants ont été lancées dès 2004, lorsque lInstitut des Sciences de lEducation et lUNICEF démarraient une première étude consacrée à ce sujet. Ciprian Fartuşnic, actuel directeur de lInstitut, se rappelle: « Lors de cette première étude, lune des difficultés à surmonter a été la définition très large que lon donnait à la violence. Si, lors dun incident, on ne finissait pas par appeler la police et lon ne voyait pas couler un peu de sang, ce nétait pas de la violence, cétait un malentendu entre enfants. La première stratégie concernant cette question a été fondée sur les résultats de cette étude, pourtant ce nétait là quune stratégie-cadre. Chaque école devait sen inspirer pour élaborer sa propre stratégie anti-violence, adaptée à ses problèmes spécifiques. Rien na été fait et, par conséquent, en 2006, toujours avec laide de lUNICEF, nous avons élaboré un guide destiné aux directeurs décole, pour les aider à développer une stratégie anti-violence dans leurs établissements scolaires. A nouveau, rien dimportant ne sest passé.
En 2010, en collaboration avec lOrganisation « Sauver les Enfants » et avec le ministère de lEducation, nous avons mis au point un programme national de formation destiné aux directeurs et aux professeurs, censé leur apprendre comment aborder la violence. Le projet sest achevé en 2011 et à présent, dans plusieurs comtés, des activités concrètes ont été menées au niveau des écoles. Pourtant, reste à savoir si, à part une prise de conscience de ce phénomène, ces activités ont aussi sur lui un impact direct, mesurable, contribuant à diminuer son ampleur. »
Pourtant, plutôt que de lutter contre ce phénomène ou dintervenir sur place, il vaut mieux le prévenir. Et, de lavis des spécialistes, cest dans cette direction que doivent être orientés les efforts de lécole. (trad. : Dominique)