Qui veut encore aller à l’Université?
Dans la Roumanie communiste, les études supérieures nétaient guère encouragées. Doù le nombre infime de places dans lenseignement supérieur, la difficulté des examens damission et par conséquent la concurrence acerbe. Ceci étant, au début des années 1990, le pays était confronté à un grand déficit de diplômés. En 1992, par exemple, seulement 5,8% de la population avait suivi les cours dune faculté.
România Internațional, 13.09.2017, 13:05
Dans la Roumanie communiste, les études supérieures nétaient guère encouragées. Doù le nombre infime de places dans lenseignement supérieur, la difficulté des examens damission et par conséquent la concurrence acerbe. Ceci étant, au début des années 1990, le pays était confronté à un grand déficit de diplômés. En 1992, par exemple, seulement 5,8% de la population avait suivi les cours dune faculté.
25 ans plus tard, la situation est beaucoup meilleure, grâce à lapparition des facultés privées et au nombre croissant de places réservées aux étudiants dans lenseignement supérieur public. Malgré ces progrès, la Roumanie arrive dernière parmi les Etats membres de lUE pour ce qui est du pourcentage de diplômés, même dans la tranche dâge comprise entre 30 et 34 ans, soit 25,6% de la population, alors que la moyenne européenne est de 39,1%.
Selon Mihai Dragoş, président du Conseil de la Jeunesse de Roumanie, les causes relèvent tant de la situation économique précaire, que des traits spécifiques de notre système éducatif : « A regarder de près ce qui se passe dans lenseignement secondaire, on constate que le taux de réussite au baccalauréat est de seulement 48%. A cela sajoute le décrochage scolaire qui est allé croissant ces dernières années et qui atteint actuellement les 18%. Certaines études menées par des organisations étudiantes révèlent un pourcentage dabandon assez élevé dans lenseignement universitaire aussi, surtout lors de la soutenance du mémoire de fin détudes. Près de 35% à 40% des jeunes admis à la faculté narrivent pas à achever leurs études.
En outre, il nest pas rare que le choix de la faculté ne soit pas le résultat dune option personnelle, mais de celle des parents. Certains étudiants se ravisent très vite et changent de faculté, dautres se font embaucher pendant leurs études et nont plus le temps dapprendre. Enfin, il se peut aussi quils ne se permettent plus de payer les frais de scolarité ».
Les raisons financières y pèsent beaucoup, mais il y a aussi lidée que le diplôme universitaire ne garantit pas forcément la réussite dans la vie. Une perception erronée, vu que, daprès les statistiques, les diplômés ont davantage de chances de trouver un emploi, souligne Victoria Stoiciu, représentante de la Fondation Friedrich Ebert : « La question qui se pose est de savoir combien rentable est léducation supérieure. On sait déjà que pour bien des gens elle représente un investissement coûteux, car tous les étudiants nhabitent pas les villes où il existe des centres universitaires. Autant dire que léducation suppose aussi des frais autres que celles de scolarité, destinés au logement, au transport, à la vie quotidienne et que, malheureusement, peu de jeunes peuvent supporter.
Ceci étant, il est naturel que lon analyse le rapport coût-efficacité. Les jeunes se demandent sil est vraiment efficace dinvestir dans léducation, quatre ans durant, pour obtenir un diplôme leur facilitant laccès à un emploi médiocrement rémunéré ou bien sil vaut mieux aller travailler en Italie ou en Espagne, sans aucun diplôme et gagner au moins 800 à 900 euros par mois. Pour nombre de Roumains, la réponse à cette question cest quil ne vaut pas la peine dinvestir dans léducation ».
La réalité contredit ces perceptions et le système éducatif et la famille devraient les corriger, estime Mihai Dragoş : « Les jeunes ne sont pas aidés à bien saisir la dynamique de la société. Les statistiques européennes montrent que la demande demploi exigeant un niveau de qualification moyen ou de personnel non qualifié est à la baisse sur lensemble de lUE, alors que celle de diplômés est à la hausse.
Cela sexplique entre autres par la tendance à automatiser bon nombre dactivités, ce qui entraînera la disparition de certaines occupations ou la diminution de la demande de telles ou telles qualifications. Bref, le marché de lemploi sorientera vers les diplômés. En ce qui la concerne, pour rester compétitive, la Roumanie devrait saligner sur ces tendances, sur le long terme. Dans le cas contraire, elle se verra confronter à la montée du chômage des jeunes et cette situation pourrait devenir intenable dici une vingtaine ou une trentaine dannées ».
La recherche menée par la Fondation Friedrich Ebert România, via le projet ‘‘Moniteur social, qui se propose de déceler les causes du faible taux de diplômés, a également pris en compte la « fuite des cerveaux ». Toutefois, quelque révélateur quil puisse être, ce phénomène noffre que des explications partielles. Chaque année, en Roumanie, seulement 10 sur 1000 personnes de 15 à 64 ans décrochent un diplôme détudes supérieures. Avec ce pourcentage, qui représente la moitié de celui enregistré en Pologne, la Roumanie se situe bien au dessous de la moyenne européenne.
En plus, lenseignement supérieur semble avoir perdu de son attrait, parce que trop théorique, ajoute Victoria Stoiciu : « Léducation est considérée strictement sous langle de lefficacité et de la manière dont elle répond aux besoins du marché de l‘emploi. Sans être incorrecte, cette approche savère pourtant appauvrissante. En effet, léducation ne vise pas uniquement à former la main dœuvre ; elle a aussi le rôle de modeler des citoyens, le jugement critique, de nous habituer à apprendre en autodidacte, nous aider à nous développer nous-mêmes. Or, ce volet, disons idéaliste, du système déducation est complètement délaissé, de nos jours ».
Afin de remédier à cette situation, les experts qui mènent le projet mentionné recommandent laugmentation du budget de lenseignement. Et pour cause: la Roumanie arrive en queue du peloton européen, pour ce qui est de lenveloppe financière consacrée à léducation, laquelle na jamais dépassé les 5% du PIB, ces 10 dernières années. (trad. : Mariana Tudose)