La perception des Roumains sur l’UE
10 après l’adhésion de la Roumanie à l’UE, le taux de confiance faite aux structures communautaires y reste un des plus élevés, dépassant largement la moyenne européenne, soit 67% contre 50%. C’est ce que constate le plus récent Eurobaromètre réalisé à l’automne 2016. Il y a 10 ans, les statistiques faisaient état d’un optimisme encore plus grand, avec 75% des Roumains qui se déclaraient favorables à l’UE, par rapport à 69% du reste des Européens. Nous vous proposons donc un débat sur l’évolution de la confiance des Roumains dans les structures européennes depuis 2007 et jusqu’à présent.
Christine Leșcu, 22.03.2017, 16:10
10 après l’adhésion de la Roumanie à l’UE, le taux de confiance faite aux structures communautaires y reste un des plus élevés, dépassant largement la moyenne européenne, soit 67% contre 50%. C’est ce que constate le plus récent Eurobaromètre réalisé à l’automne 2016. Il y a 10 ans, les statistiques faisaient état d’un optimisme encore plus grand, avec 75% des Roumains qui se déclaraient favorables à l’UE, par rapport à 69% du reste des Européens. Nous vous proposons donc un débat sur l’évolution de la confiance des Roumains dans les structures européennes depuis 2007 et jusqu’à présent.
Angela Cristea, chef de la représentation de la Commission Européenne à Bucarest, explique ces statistiques : « Nous constatons que, 10 ans après l’adhésion, le taux de confiance des Roumains dépasse la moyenne européenne, bien qu’il soit à la baisse. Actuellement, ce taux est de 52%, alors qu’il y a 10 ans, lorsque la Roumanie intégrait l’UE, il était de 65%. Le taux moyen de confiance des Européens dans l’Union est de 36%. Pourtant, à regarder les tendances de cette dernière décennie, on peut affirmer que le taux de confiance dans les institutions nationales a augmenté. Conclusion : la confiance dans les institutions communautaires est à la baisse, alors que celle dans les institutions nationales est à la hausse. A mon avis, nous approchons la normalité. Par exemple, on constate que le gouvernement national a gagné 10 points de pourcentage côté confiance en 2016 par rapport à 2007. »
Les Roumains ont donc gardé leur optimisme quant à l’évolution générale de l’UE, mais ils se déclarent plus sceptiques, voire pessimistes, à propos de leur propre pays. Et pour cause. 60% des Roumains pensent que leur pays se dirige dans la mauvaise direction, 29% estiment que la situation économique du pays empirera, alors que 40% ne s’attendent à aucun changement. Un autre aspect mis en lumière par l’Eurobaromètre c’est la manière dont les Roumains se rapportent aux priorités de l’agenda public européen. Détails avec Angela Cristea, chef de la représentation de la Commission Européenne à Bucarest : « L’immigration et le terrorisme sont considérés comme les principaux défis à relever par l’Europe, bien que les Roumains soient moins nombreux à les mentionner en 2016 par rapport à 2015. Pour eux, la mobilité au sein de l’UE des citoyens des Etats membres est quelque chose de favorable, alors que celle des ressortissants des pays tiers est considérée comme défavorable. De l’avis des Roumains, les objectifs les plus réalistes de la Stratégie Europe 2020 sont l’occupation de la main d’œuvre et la réduction de l’abandon scolaire. Parmi les valeurs qui définissent le mieux l’UE, les Roumains mentionnent les droits de l’homme (38% des Roumains par rapport à une moyenne européenne de 36%), puis la démocratie (32% pour les Roumains et 31% – la moyenne européenne) et la paix (mentionnée par 27% des Roumains, à comparer avec une moyenne européenne de 39%). De même, pour les Roumains, c’est avant tout la géographie qui rapproche les citoyens européens, suivie par les valeurs communes, le respect de l’Etat de droit et la solidarité avec les régions plus pauvres. Pour leur part, les autres citoyens européens placent en première position la culture, suivie par l’histoire, les valeurs et l’économie. »
Selon les statistiques, près de deux tiers des participants à l’enquête considèrent comme réalistes une bonne partie des objectifs de la Stratégie Europe 2020. On peut donc tirer la conclusion que les Roumains sont bien informés sur les politiques communautaires. En témoigne aussi leur soutien aux actuelles priorités de la Commission Européenne. Les sociologues ont quand même une autre interprétation de toutes ces données quant aux connaissances et à l’état d’esprit des Roumains, en comparaison avec les autres Européens. Voici l’opinion de Manuela Stanculescu, sociologue à l’Institut de recherche de l’Académie Roumaine sur la qualité de vie: « Beaucoup d’aspects nous rapprochent du reste des citoyens européens. Mais il y quelque chose qui distingue les Roumains des autres : tout ce qui est lié à la Roumanie — économie nationale, chômage, orientation, etc — tout cela est considéré comme le pire de l’UE. Nous sommes extrêmement critiques envers nous-mêmes. En revanche, pour nous, l’Europe est quelque chose de très positif. Mais si vous saviez combien nous aimons les Etats-Unis ! 38% des Roumains estiment que les Etats-Unis suivent un parcours excellent, alors que seuls 17% des Européens affirment la même chose. Pour ce qui est de l’Europe, on constate que la confiance des Roumains a baissé par rapport à celle d’il y a 10 ans. Cela veut dire que nous sommes devenus plus réalistes. J’ajouterais aussi que les Roumains forment leurs opinions sur l’Europe dans les conditions où ils ne sont pas bien informés et où l’étranger a toujours représenté un mirage pour eux »
Pour sa part, Bogdan Voicu, un autre sociologue qui travaille à l’Institut de recherche sur la qualité de vie, a sa propre interprétation de la différence entre la moyenne européenne et la moyenne roumaine du taux de confiance faite aux institutions communautaires. A son avis, cette différence s’explique par l’option idéologique de chaque catégorie. Bogdan Voicu : « Nous savons qu’il existe une différence fantastique entre les pays d’Europe Occidentale et ceux d’Europe de l’Est, côté confiance dans l’UE. Pour les pays de l’Ouest, l’adhésion à l’UE a été ressentie comme un affaiblissement de la souveraineté nationale, le pouvoir décisionnel étant déplacé à Bruxelles. Par contre, en Europe de l’Est, cela n’a pas été un problème. Ici, l’appartenance à l’UE ou à l’OTAN ou encore l’amitié avec les Etats-Unis ont été autant de garanties minimales de l’indépendance et de l’importance des pays. Prenons l’exemple de la Pologne : les Polonais avaient un taux très élevé de confiance dans les institutions de l’UE au moment de leur adhésion. Toute de suite après, cette confiance a commencé à diminuer, à mesure que la Pologne se rendait compte qu’elle ne courait aucun danger et qu’elle commençait à avoir un mot important à dire dans la région. La Roumanie n’est pas encore à ce niveau-là. De même, les conflits militaires avoisinant sa frontière la déterminent à regarder avec davantage d’intérêt vers ceux qui pourraient la défendre. C’est ainsi que je m’explique le fait que la Roumanie a encore le plus haut niveau de confiance dans l’UE, bien qu’elle soit un des Etats membres les plus pauvres. »
Sur cette toile de fond, avec tout cet optimisme, il était normal que l’opinion publique de Roumanie s’implique dans la mesure du possible dans les débats engendrés par la décision du président de la Commission Européenne, Jean Claude Junker, de repenser l’avenir de l’UE. (trad. : Valentina Beleavski)