Le théâtre éducationnel Replika…
Situé à proximité d’une des grandes avenues de la capitale roumaine, le Centre pour le théâtre éducationnel Replika ouvre ses portes gratuitement à tous les enfants et les jeunes qui souhaitent voir des spectacles s’attaquant aux problèmes de leur génération. Créé en février 2015 par la critique de théâtre et la dramaturge Mihaela Michailov, le metteur en scène, Radu Apostol et les comédiens Katia Pascariu, Viorel Cojanu et Mihaela Radescu, Replika est le premier théâtre social et éducationnel de Bucarest.
Christine Leșcu, 06.07.2016, 14:04
Au micro, Mihaela Radescu: Notre premier spectacle fut la Famille Offline, un projet auquel Mihaela Michailov et Radu Apostol ont travaillé une année et demie pendant laquelle ils ont interrogé des élèves de Bucarest. C’est un spectacle qui a fait pas mal de tournées en Moldova et en Transylvanie, car il traite d’un sujet très délicat: les parents qui partent travailler à l’étranger en laissant leurs enfants derrière. Un deuxième spectacle fut les Confessions d’un chien sur les droits des animaux et puis le Théâtre des droits de l’enfance devenu par la suite Par rapport aux droits, un spectacle mis en scène sur un texte de Mihaela Michailov.
Le répertoire du Théâtre éducationnel se complète par Les enfants méchants et Souvenirs de la période d’école. Ce sont des textes qui portent sur le harcèlement et la violence dans les écoles, un sujet très sensible qui prend sa source du quotidien des gens ordinaires. D’ailleurs, toutes les pièces à l’affiche du théâtre Réplika sont inspirées de la réalité, affirme Katia Pascariu: L’aspect éducationnel ne renvoie pas forcément à l’école. Il concerne le public de tout âge et la façon dont on choisit d’aborder artistiquement tel ou tel sujet en rapport avec l’école ou le quotidien est déjà une composante éducative en soi. Les aspects esthétiques sont moins importants que le message et le sujet des pièces. En tant que théâtre éducationnel, notre théâtre se propose d’attirer une certaine catégorie de public, issu de certaines couches sociales. Le théâtre éducationnel se met surtout au service des jeunes.
Si les sujets traités sur scène sont en rapport avec les jeunes et leurs problèmes du quotidien, la dramaturgie appartient à la communauté, nous informe la comédienne Mihaela Radescu. Le texte se définit au fur et à mesure que la troupe découvre les sujets et les thèmes d’inspiration. Katia Pascariu: On a différentes sources d’inspiration pour trouver des sujets: les médias, les cas réels, les discussions avec les jeunes à l’occasion de différents ateliers qu’on organise à leur intention. Parfois, ça nous vient tout simplement des domaines qui nous passionnent. On fait la chasse aux sujets et puis on fait le tri et on voit quels sont les sujets qui se prêtent à inspirer un spectacle.
Les pièces mises en scène au théâtre REPLIKA sont révélatrices tant pour le milieu urbain, que pour celui rural. L’atmosphère ou la communauté revêtent une grande importance pour l’équipe du théâtre. Un exemple en ce sens est le quartier où siège le centre REPLIKA. Katia Pascariu : « Les habitants du quartier nous découvrent petit à petit et nous tâchons d’accomplir notre but, celui de couvrir d’un point de vue culturel une zone qui n’a pas son propre espace artistique. Nous nous efforçons de toucher surtout les gens de ce quartier que nous jugeons intéressant car, encore que proche du centre-ville, il respire l’atmosphère des banlieues. C’est une ancienne zone industrielle, très peuplée. Certains habitants sont effectivement surpris par la présence d’un théâtre et peu d’entre eux sont déjà allés voir un spectacle. D’autres sont ravis de découvrir que les pièces traitent de sujets puisés dans le quotidien. Des sujets qu’ils reconnaissent facilement et auxquels ils réagissent sur le coup. Ces réactions vivantes, directes, immédiates, bref ce retour instantané, tout cela compte beaucoup pour nous »
Vu que c’est un théâtre éducationnel, qui a des partenariats avec certaines écoles, ses spectateurs sont des élèves, pour la plupart, mais l’équipe de REPLIKA souhaite élargir son public. Mihaela Rădescu : Nous envisageons d’établir des partenariats et d’attirer les personnes qui s’occupent des centres de placement pour enfants et des établissements pour personnes âgées. Un de nos spectacles, intitulé Notre faim de tous les jours, qui a eu sa première représentation en 2015, s’adresse justement aux seniors. Autant dire que nous essayons d’avoir dans notre répertoire de telles pièces consacrées aux catégories vulnérables pour leur insuffler du courage .
Un autre exemple de projet théâtral destiné aux catégories sociales vulnérables a été le spectacle Maschkar, partie composante d’un projet plus ample portant le même nom, ciblé surtout sur les communautés rom du comté de Teleorman, dans le sud de la Roumanie. Katia Pascariu : « Le projet a eu aussi un volet recherche, mais nous avons réussi jusqu’à la fin à réaliser un spectacle assez inattendu, inspiré des données que nous avions recueillies une année durant. Dans le département de Teleorman on a rencontré bien des problèmes auxquels la Roumanie est confrontée: des villes dépeuplées, le fossé qui sépare les riches des pauvres, la discrimination, la ségrégation scolaire. La grande particularité de cette région réside notamment dans l’histoire des communautés rom qui y vivent depuis pas mal de temps, assez diverses et bien intégrées au niveau des villages. Notre équipe a pu constater que le gros problème nous vient des gens qui discriminent. Voilà pourquoi nous avons essayé de monter un spectacle qui parle de la façon dont on peut se débarrasser de la discrimination» .
Le mot Maşkar, qui vient de la langue romani, signifie « entre », « à mi-chemin entre», tout comme l’activité du centre éducationnel REPLIKA est à placer à mi-chemin entre expérience purement artistique ou esthétique du théâtre et intervention sociale. (trad. Ioana Stancescu, Mariana Tudose)