Combattre le gaspillage alimentaire
Sur la planète Terre, les différentes communautés humaines ne sont pas égales devant la pénurie ou labondance de denrées alimentaires : insuffisantes dans les zones de conflit, par exemple, elles sont jetées à la poubelle dans dautres régions. Dans le monde, le gaspillage concerne un tiers des produits alimentaires, indique lOrganisation des Nations Unies pour lalimentation et lagriculture (FAO) ; dans lUE, les statistiques de 2006 – 2012 indiquent un gâchis de près de 90 millions de tonnes de nourriture, dont 2,5% produites par la Roumanie.
Christine Leșcu, 17.08.2016, 14:33
Sur la planète Terre, les différentes communautés humaines ne sont pas égales devant la pénurie ou labondance de denrées alimentaires : insuffisantes dans les zones de conflit, par exemple, elles sont jetées à la poubelle dans dautres régions. Dans le monde, le gaspillage concerne un tiers des produits alimentaires, indique lOrganisation des Nations Unies pour lalimentation et lagriculture (FAO) ; dans lUE, les statistiques de 2006 – 2012 indiquent un gâchis de près de 90 millions de tonnes de nourriture, dont 2,5% produites par la Roumanie.
Depuis, aucune étude, aucune recherche na plus été consacrée au gaspillage alimentaire en Roumanie. Bien que reposant sur des estimations de la Commission européenne, sur la base de la réalité des pays du nord du continent, les chiffres mentionnés sont inquiétants : le gaspillage le plus important est produit par les ménages (près de 50%) ; viennent ensuite lindustrie alimentaire avec 37%, le commerce de détail avec 7%, la restauration avec 5% et lagriculture avec 2%. Au vu de cette situation, que faudrait-il faire ? En 2013, le ministère de lAgriculture de Bucarest créait un groupe de travail chargé dimaginer une Stratégie nationale pour combattre le gaspillage alimentaire, qui nexiste toujours pas, à lheure où nous vous parlons.
Pendant ce temps, quelques initiatives législatives ont vu le jour, dont une a été adoptée par le Sénat roumain vers la fin de lannée dernière. Cosmin Zaharia, journaliste au portail dinformation environnementale « Green Report », fournit des détails supplémentaires : « Deux initiatives législatives ont été enregistrées en ce sens au Parlement de la Roumanie, lune de la part de lUnion nationale pour le progrès de la Roumanie (UNPR) et lautre lancée par le Parti national libéral (PNL). La première a été adoptée par le Sénat et oblige les grandes surfaces à donner aux ONGs les produits alimentaires proches de la date de péremption. Ces propositions législatives ne se réfèrent pas à la distribution des produits depuis les commerces aux personnes qui en ont besoin. Les frais de transport et de distribution sont élevés, en plus il faut entreposer les produits quelque part, on ne peut pas les abandonner tout simplement à la porte dune maison de retraite. »
En attendant de voir adopter lacte normatif, cest au secteur privé et aux organisations caritatives de tenter de lutter, à leur façon, contre le gaspillage alimentaire. Le magasin social SOMARO, par exemple, vend des produits alimentaires et non-alimentaires à prix cassés pour les personnes défavorisées. La marchandise de la première catégorie respecte les normes de qualité mais sa date de péremption approche ou alors la saison est finie – comme cest aujourdhui le cas des Pères Noël en chocolat. Le magasin est géré par Simon Suitner, un Autrichien qui vit en Roumanie depuis 6 ans : « Nous collectons la marchandise avec notre propre véhicule et nous la mettons en vente dans des magasins dédiés, à Bucarest, où viennent acheter environ 700 familles, et à Sibiu, pour 250 familles, laccès se fait sur la base dune carte délivrée par les Directions dassistance sociale respectives. Le discount est de 80 à 90%. Cest notre choix de vendre à de tels prix, pour éviter de chercher du financement pour payer nos personnels. Et puis, nos clients savent quils ny viennent pas mendier ; ils choisissent un produit dont ils ont besoin et font un petit effort financier pour lacheter. Nos clients sont des cas sociaux des plus divers, mais le dénominateur commun est un revenu mensuel de moins de 500 lei par mois et par membre de la famille. Ce chiffre est le plafond légal, mais, en général, nos clients ne le touchent pas. Ce sont des familles nombreuses, qui incluent des personnes handicapées, des malades chroniques… »
La marchandise mise à la disposition de ces personnes – et qui normalement aurait été poubellisée – est apportée au magasin social SOMARO grâce à une collaboration avec des producteurs et distributeurs. Simon Suitner ne collabore pourtant pas beaucoup avec les grands détaillants : « Malheureusement, il est plutôt difficile daborder la question du gaspillage alimentaire avec les grandes surfaces. Je ne voudrais léser personne, mais je donnerais pour exemple lAutriche et son modèle de magasins sociaux. En Autriche, les gens sont confrontés à un dilemme moral : si jai un produit qui peut être consommé, qui respecte toutes les normes, mais que je ne peux plus vendre, est-ce un acte moral de jeter ce produit, alors que beaucoup de gens nont pas la possibilité de sacheter tous les aliments dont ils ont besoin ? Ce dilemme ne se pose malheureusement pas en Roumanie. »
Cela se passe dans les conditions où Bucarest a adopté un règlement en vertu duquel les opérateurs économiques bénéficient dune réduction de 20% des impôts sils sponsorisent des institutions caritatives. Pourtant, les sociétés attendent, à chaque fois, une décision ponctuelle de la part du Parlement ou du gouvernement. Entre temps, les Roumains jettent à la poubelle le plus souvent des plats cuisinés (25%), du pain et des produits de boulangerie (21%), des légumes (19%) et des fruits (16%). Les raisons de ce gaspillage sont la dégradation rapide de ces produits (26%), une estimation erronée de la quantité daliments consommée à un repas (21%) et la quantité excessive de denrées alimentaires achetées (14%).
En attendant que la législation censée prévenir le gaspillage alimentaire soit mise au point, léducation demeure un moyen de lutter contre ce phénomène. Pourtant elle nest pas suffisante, estime le journaliste Cosmin Zaharia : « La population devrait également être éduquée au sujet de la date de péremption. Car il y a des produits que lon peut consommer même après cette date, comme par exemple les produits pasteurisés, les conserves de fruits et légumes. Pourtant, il est inutile déduquer les gens si on ne leur offre pas en même temps les moyens ou linfrastructure nécessaire pour ne plus gaspiller la nourriture. Cest comme pour les déchets. Ce nest pas la peine dexpliquer aux gens et de parler aux enfants à lécole du tri sélectif si linfrastructure manque. Quand ils sont collectés, les déchets triés sont mis ensemble. »
Récemment, des chefs célèbres se sont ralliés à linitiative gouvernementale visant à arrêter le gaspillage alimentaire : ils montrent aux gens, par leur exemple personnel, comment préparer des plats sans jeter des aliments. ( Trad. Dominique, Ileana Taroi)