La modernisation du village roumain
Toutefois, la productivité dans l’agriculture roumaine est trois fois moindre que la moyenne européenne. Le développement des chaînes alimentaires et des marchés locaux enregistre des retards, les prix de vente descendent largement en dessous de coûts de production – il n’y a là que deux causes de la migration des agriculteurs et des fermiers roumains vers les villes ou les pays étrangers. Dans le même temps, les villageois les plus démunis sont des assistés sociaux, leur taux d’éducation est bas tandis que le taux d’abandon scolaire précoce est trois fois plus élevé qu’en milieu urbain.
România Internațional, 06.01.2016, 13:56
Les fermes de subsistance ou de semi-subsistance constituent la norme, elles ne disposent pas d’équipements techniques adéquats, ne sont pas orientées vers le marché, ni impliquées dans des activités associatives qui pourraient les aider à mieux arriver aux consommateurs. En Roumanie, la vie à la campagne rime toujours avec la pauvreté.Bucarest a récemment accueilli un débat sur le « développement intégré du milieu rural, en Roumanie », événement organisé par la Représentation de la Commission européenne en Roumanie. L’occasion de lancer une plate-forme nationale de dialogue visant à identifier les voies et les moyens de développement du village roumain.
Toutefois, cela devrait aller de pair avec la protection de la civilisation rurale du pays et pour cela une véritable stratégie est nécessaire, a estimé le vice-premier ministre roumain, Vasile Dâncu, également ministre du Développement régional et de l’Administration publique: « Moi, je suis né à la campagne. J’ai grandi dans un village où seuls 2% des jeunes arrivent actuellement à la fin des études universitaires. En Roumanie, ce sont surtout les étrangers qui attirent notre attention sur le fait que nos villages sont en train de rendre l’âme, que toute une civilisation est en train de disparaître. Il y a là un manque culturel – celui de l’organisation, de la prise en main de notre avenir et du développement par nos propres forces. L’Europe tente de nous réveiller, de déterminer les Roumains à réfléchir à leur développement en tant que communauté, les programmes continentaux étant fondés sur cette logique, que nous ne savons pas utiliser. Nous avons besoin de programmes de formation et d’entrepreneurs étrangers qui viennent et bousculent les habitudes. C’est parce que l’on manque de tout cela que l’intégration du pays à l’UE a porté un coup mortel au paysan roumain, qui n’a pas su faire face à la machine industrielle et agraire européenne, entrée ici tels les tanks soviétiques. Ceux d’entre nous qui rentrons chez nous, dans les villages, connaissent très bien tout cela. Il y a des lois qui obligent les supermarchés à proposer plus de produits roumains, mais elles ne sont pas respectées. Nous avons des organismes de contrôle exceptionnels mais les normes ne sont pas respectées. C’est à nous d’agir. L’Europe tente de nous aider, mais il semble que nous fassions la sourde oreille ».
Pour sa part, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Achim Irimescu, a expliqué ce que le développement rural veut dire concrètement: « Modernisation veut dire beaucoup d’argent, de fonds. D’autre part, la modernisation pourrait nous éloigner du village idyllique tel que je l’ai à l’esprit depuis ma jeunesse, avec son odeur de foin. Par conséquent, je pense que notre premier défi est d’arrêter une stratégie du milieu rural. Le problème c’est que, depuis 1990, nous avons rédigé de nombreux documents et aucun ne nous a offert ce que nous souhaitions. Les fonds à recevoir pourraient nous mener vers l’efficience, vers la performance et la compétitivité à l’échelle communautaire, mais ils pourraient aussi nous éloigner du village rêvé ou imaginé, celui d’antan. Nous avons besoin d’infrastructure, ce qui veut dire des véhicules tout-terrain, des tracteurs. Les chevaux, les traîneaux tirés par les chevaux en hiver disparaîtront du tableau, de même que, progressivement, la biodiversité en général. C’est vrai que tout un chacun souhaite une vie meilleure, mais cela nous éloignera du type de village que nous sommes en train de maintenir encore ».
Les villages de Roumanie sont également confrontés à une migration des jeunes vers d’autres pays ou d’autres villes. Seuls 7% des fermiers sont jeunes. C’est pourquoi, par le Programme national de développement rural 2013-2020, les jeunes qui souhaitent devenir fermiers peuvent toucher jusqu’à 50.000 euros de fonds non remboursables. Jusqu’ici, environ 10.000 jeunes du milieu rural ont reçu du financement non remboursable et l’on s’attend à ce que leur nombre soit plus grand à partir de cette année. Achim Irimescu : « Dans mon village de 3000 âmes il n’en reste plus que 1500. Les meilleurs sont partis à l’étranger pour mieux gagner leur vie. Le village est en train de mourir. Heureusement, il n’en est pas ainsi dans toute la Roumanie. Moi, je me pose de sérieux problèmes si nous réussirons à maintenir le village comme nous le souhaiterions. Nous avons réalisé nombre d’investissements en matière de développement rural, avec les 8 milliards plus 1,5 milliards par le programme SAPARD. Si vous traversez le pays, vous verrez une multitude de bâtiments élevés avec des fonds européens pour le développement rural qui ont mis la clé sous la porte. Investissons-nous de manière appropriée ou pas ? Moi, je me le demande. Comment réussirons-nous, les Roumains, à conserver un village censé aussi se moderniser en même temps, mais en maintenant son identité roumaine ? Personne ne veut maintenir le paysan dans cette inertie, à utiliser le char à bœufs tous les jours maintenant et dorénavant, les années à venir. Nous avons accru l’enveloppe à 50.000 euros pour les jeunes, mais je ne sais pas combien d’entre eux utiliseront l’argent comme il faut. Si j’allais à la campagne et donnais cette somme à la première personne rencontrée, je ne sais pas si elle saurait comment se servir de cet argent… »
Le Programme national de développement rural est l’instrument par lequel des fonds européens non remboursables sont accordés pour des investissements privés et publics afin d’assurer le développement des villages de Roumanie. Ce pays a bénéficié jusqu’ici de trois programmes de ce type, chacun avec une durée de 7 ans. Plus de 85.000 fermiers, entrepreneurs et pouvoirs publics locaux ont touché jusqu’ici 9 milliards d’euros de fonds européens non remboursables, par le Programme national de développement rural 2007-2013. Des investissements importants par des fonds non remboursables ont également été réalisés par les fermiers et les représentants de l’industrie de transformation, plus de 4600 exploitations intégrées étant modernisées ou créées à l’aide de fonds européens. Qui plus est, plus de 5500 entrepreneurs ont réussi à créer leur propre affaire à l’aide des fonds européens.
Non dernièrement, plus de 4400 projets des pouvoirs publics locaux ont été financés par le Programme national de développement rural 2007-2013.Malgré cela, la Roumanie devra restituer à la Commission européenne au moins 800 millions d’euros des fonds alloués au développement rural non utilisés. Le nouveau programme 2014-2020 destiné au développement de l’agriculture comprend 14 mesures de financement et des fonds de 9,363 milliards d’euros, dont plus de 8 milliards sont des fonds européens, et la contribution nationale est de 1,347 milliards d’euros. (trad. Ligia Mihaescu/Andrei Popov)