Immigrant en Roumanie – les discriminations
Marginaliser, exclure, ne pas avoir à faire avec l’autre — ces sujets sont largement débattus en Roumanie et en Europe, dans l’actuel contexte de la crise migratoire. Toutefois, dans le cas de la Roumanie, ce n’est pas seulement la discrimination qui est mise en cause par les immigrants arrivés dans le pays. Selon eux, les obstacles qui génèrent de la discrimination et qui freinent lintégration au sein de la société roumaine sont plutôt la bureaucratie, la difficulté de communiquer, le manque de transparence, les illégalités en matière de contrats de location ou de travail. C’est ce que révèle un rapport élaboré dans le cadre d’un programme plus ample ciblé sur la lutte contre « La discrimination des immigrants en matière de droits civils » et qui entend promouvoir les droits humains et diminuer l’intolérance par rapport aux migrants. Le document a été rédigé par les spécialistes de l’Association roumaine pour la santé en partenariat avec la Société académique de Roumanie et le Conseil national de lutte contre la discrimination.
România Internațional, 02.12.2015, 13:48
Les données fournies par l’Inspection générale roumaine pour l’immigration font état de 59 200 étrangers séjournant légalement en Roumanie ; il s’agit notamment de ressortissants d’Etats tiers arrivés dans le pays pour des raisons familiales. S’y ajoutent quelque 12.000 personnes qui font des études en tout genre, environ 5800 travailleurs immigrants, ainsi que près de 2500 migrants bénéficiant de protection internationale. Les auteurs de cette recherche ont voulu savoir si – et dans quelle mesure – toutes ces personnes ont accès à l’éducation, aux services médicaux, au logement, aux biens et aux services en tout genre. Les résultats qui en ressortent exposent toute une série de difficultés qui mettent le migrant dans l’impasse.
Prenons, par exemple, la location d’un logement par un ressortissant étranger — les arnaques auxquelles il doit faire attention sont diverses, explique Adriana Iordache, experte à la Société académique de Roumanie: « Nous avons constaté une certaine discrimination structurelle, car nombre d’étrangers nous ont rapporté le fait que les propriétaires roumains étaient réticents à conclure un bail enregistré auprès des autorités fiscales, tandis que les étrangers ont nécessairement besoin de cet acte afin de prolonger leur titre de séjour. Ils mettent encore en cause le prix élevé de la location, d’où le fait que certaines personnes interrogées croient que les propriétaires veulent leur extorquer davantage d’argent estimant qu’ils ont plus de moyens car provenant d’un pays étranger. Néanmoins, une fois le contrat signé et l’appartement loué, le contact avec les propriétaires est qualifié de positif par la plupart des étrangers. Certes, l’on a recensé aussi des comportements xénophobes ou racistes parmi des propriétaires réticents à louer leurs biens à des ressortissants de pays africains ou du Moyen Orient. Si l’on parle des étudiants étrangers, il faut préciser que s’ils sont des boursiers de l’Etat roumain, ils ne peuvent pas bénéficier d’un logement également fourni par l’Etat. Or ces étudiants se plaignent de l’absence des services d’aide à la location au sein des universités. Il leur est difficile de se trouver un toit, surtout s’ils ne parlent pas le roumain, ce qui est le cas pour nombre d’entre eux ».
Et si l’on parle d’éducation, voyons à quels types d’obstacles peuvent se heurter les étudiants issus de pays hors UE. Adriana Iordache cite, entre autres, les taxes supplémentaires ou encore l’exemption de gratuité sur les transports en commun : « Nous avons rencontré des étudiants satisfaits des conditions qui leur étaient offertes, mais de nombreux jeunes venus étudier en Roumanie ont critiqué la qualité des programmes de formation, notamment ceux en anglais. Ils affirmant que les professeurs ne se préoccupent pas trop des leurs cursus, qu’ils ne traduisent pas en anglais toute l’information proposée, ou encore que le personnel administratif des universités ne maîtrise pas, dans certains cas, une langue étrangère importante. Les cours de roumain posent également problème — les étudiants se plaignent qu’ils sont parfois trop espacés dans le temps, que les participants ont des niveaux différents de maîtrise de la langue et que les enseignants n’arrivent pas à trouver un dénominateur commun. Nombre de personnes questionnées dans cette enquête disent qu’elles n’ont pas réussi, de ce fait, à apprendre le roumain. Enfin, et pas en dernier lieu, les étudiants étrangers pointent du doigt la corruption dans le milieu universitaire ».
Aux termes de l’étude portant sur « La discrimination des immigrants en matière de droits civils » en Roumanie, c’est l’accès des migrants à la santé qui semble être le plus à l’abri des exclusions. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de problèmes. Il s’agit surtout de l’absence d’informations disponibles en anglais, des difficultés de communication suite à l’utilisation de codes culturels différents ou bien de la bureaucratie du système. Luciana Lăzărescu, coordinatrice du projet, explique: « Le pot-de-vin est largement cité. Je pense que ce soit le seul secteur qui est mis fréquemment en relation avec la corruption. Dans 6 sur 30 entretiens, les gens affirment avoir versé une commission afin de bénéficier de meilleurs services médicaux. L’on nous a également parlé d’une certaine curiosité que le personnel médical manifeste par rapport aux étrangers d’origine africaine surtout. A noter aussi une autre difficulté à ce chapitre santé — les services médicaux sont fournis uniquement si le solliciteur détient un numéro personnel d’identification, attribué, avec le permis de séjour, par l’Inspection générale pour l’immigration. Or le problème c’est que depuis le dépôt du dossier et jusqu’à l’obtention du permis, le ressortissant étranger ne se voit pas doter d’un tel numéro personnel d’identification qui puisse lui être utile dans le secteur sanitaire ».
Toutefois, ce sont les migrants arrivés en Roumanie pour travailler qui sont les plus vulnérables. Quitter un emploi et ne pas trouver un autre dans un délai de 60 jours équivaut à l’expulsion automatique. Andra Panait, experte à l’Association roumaine pour la promotion de la santé précise : « Nous avons étudié les documents de travail et nous avons constaté que, dans certains cas, il n’y avait carrément pas de contrat ou que, dans d’autres, les papiers ne stipulaient pas clairement le nombre d’heures effectivement travaillées. Parfois, la rémunération était trop faible, tandis que les heures supplémentaires étaient peu ou pas du tout payées. La plupart des personnes interrogées s’estimaient discriminées à cause de leur nationalité ou de certains ennuis de santé ».
L’Association roumaine pour la santé, la Société académique de Roumanie et le Conseil national de lutte contre la discrimination ont également élaboré une série de recommandations à l’intention des institutions publiques et des autorités, appelées à organiser des stages de formation aux droits et aux obligations des migrants pour les salariés qui travaillent avec ces derniers. Les auteurs du rapport insistent également sur la nécessité de mettre en place des mécanismes plus efficaces de gestion et d’alerte des autorités et des ONGs, en cas d’abus. (trad. : Andrei Popov)